PARIS: Un drapeau palestinien brandi en plein hémicycle, une vive altercation aux Quatre-Colonnes et pour finir l'exclusion du député Sébastien Delogu : les Insoumis ont embrasé l'Assemblée nationale mardi, en interpellant le camp présidentiel sur la situation à Rafah, dans la bande de Gaza.
Alors que le ministre du Commerce extérieur, Franck Riester, répondait à la députée LFI Alma Dufour lors de la séance des questions au gouvernement, et que le terme "génocide" fusait depuis les rangs des La France insoumise, le député des Bouches-du-Rhône s'est brusquement levé et a déployé un drapeau palestinien dans l'hémicycle.
La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a immédiatement suspendu la séance, avant de s'entretenir dans le brouhaha au pied de la tribune avec les différents présidents de groupe.
Le tumulte s'est poursuivi jusqu'à la salle des Quatre-Colonnes, point de rencontre entre élus et journalistes, où le député LFI David Guiraud et le LR Meyer Habib ont échangé des invectives.
"Ce monsieur est un porc, il fait honte à la France", a lancé M. Guiraud, pris à parti par M. Habib pendant une interview. "Espèce de pourriture", a répondu le second.
Les huissiers se sont interposés entre les deux hommes, qui sont entrés en contact physique.
A la reprise de la séance, Mme Braun-Pivet a annoncé convoquer "immédiatement" le bureau de l'Assemblée nationale, sa plus haute instance exécutive. Le bureau, se déroulant "dans une ambiance tendue" selon un participant, a proposé d'imposer la sanction maximale au député.
Celle-ci a été approuvée par un vote "assis levé" dans l'hémicycle, la majorité, la droite et l'extrême droite votant pour, et la gauche se prononçant largement contre.
M. Delogu a été exclu des travaux de l'Assemblée nationale pour quinze jours de séance et va être privé de la moitié de son indemnité parlementaire pendant deux mois. C'est la troisième fois sous cette législature que cette sanction est prononcée, après celles prises contre les députés Thomas Portes (LFI) et Grégoire de Fournas (RN).
Elle l'a été sur le fondement de l'article 70 du règlement de l'Assemblée nationale qui prévoit que puisse être sanctionné tout député "qui se livre à des manifestations troublant l’ordre ou qui provoque une scène tumultueuse".
Dans un communiqué, la présidence rappelle que M. Delogu a déjà été sanctionné à trois reprises. "Les provocations et les outrances visant à empêcher la tenue des débats n’ont pas leur place dans notre hémicycle", souligne Mme Braun-Pivet.
V de la victoire
Le Marseillais est sorti en faisant le V de la victoire, félicité par certains collègues.
D'autres députés de son camp ont quitté l'hémicycle, tandis qu'éclataient des applaudissements sur les bancs de la droite, de la majorité et de l'extrême droite pour saluer cette sanction.
Auprès de la presse, M. Delogu a affirmé que son geste était une "initiative personnelle", mais il a reçu l'onction du chef de file de LFI Jean-Luc Mélenchon.
"Sa punition est une décoration pour l'insoumis Delogu. Et une honte pour toujours pour ceux qui l'ont votée. Embargo sur les armes, reconnaissance de l'État de Palestine", a réagi ce dernier sur X.
"On ne pouvait pas rester en séance publique avec une telle provocation. C'est la dernière étape d'une stratégie de brutalisation du débat public. M. Delogu (...) ne fait progresser en rien la paix au Proche-Orient", a à l'inverse critiqué le député Mathieu Lefèvre (Renaissance), président du groupe d'amitié France-Israël.
Sur X, le président de LR Eric Ciotti s'est dit "indigné" de l'attitude de l'élu. "Les Insoumis n'ont qu'un but: flatter une hypothétique clientèle électorale à quelques jours des européennes".
L'Insoumis Eric Coquerel a, au contraire, pointé sur le même réseau social la "partialité de la majorité du bureau de l'Assemblée et de sa présidente", alors que "sous le dernier mandat, le député Sébastien Nadot n'avait eu qu'un rappel à l'ordre avec amende pour avoir déployé une banderole +au Yémen la France tue+".
La députée PS Valérie Rabault, membre du bureau, a expliqué avoir voté contre la sanction maximale au nom de la "jurisprudence" jusqu'alors appliquée.
Alma Dufour avait interpellé avec virulence le gouvernement sur la situation à Gaza, l'accusant de n'avoir pris "aucune sanction contre les assassins", alors que depuis huit mois "deux millions de personnes (vivent) en enfer, en enfer car elles sont enfermées sans eau, sans nourriture, sans médicaments".