En Russie, une purge de généraux face à une guerre qui s'éternise

Un drapeau national tricolore russe trône sur le siège du ministère russe de la Défense, sur les rives de la rivière Moskova, à Moscou, le 14 mai 2024. (AFP)
Un drapeau national tricolore russe trône sur le siège du ministère russe de la Défense, sur les rives de la rivière Moskova, à Moscou, le 14 mai 2024. (AFP)
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Publié le Jeudi 23 mai 2024

En Russie, une purge de généraux face à une guerre qui s'éternise

  • Selon un expert, le pouvoir sait «depuis longtemps» que le budget de la défense est utilisé de manière inefficace, mais en temps de guerre, cette réalité «est devenue trop évidente pour fermer les yeux»
  • La Russie a réorienté son économie vers l'industrie de guerre, avec une hausse spectaculaire de 70% du budget fédéral alloué à la défense prévu en 2024

VARSOVIE: Grand nettoyage dans les hauts échelons de l'armée russe: ces dernières semaines, au moins quatre généraux ou responsables ont été arrêtés pour corruption, ce qui illustre la montée en puissance des technocrates au sein de la machine de guerre du Kremlin.

Après plus de deux ans d'une invasion de l'Ukraine coûteuse et dévastatrice, ce qui ressemble à une purge coïncide avec le remplacement du ministre de la Défense de longue date de Vladimir Poutine, Sergueï Choïgou, auquel a succédé le 12 mai un économiste sans expérience militaire, Andreï Belooussov.

Le message est clair: alors que la guerre et la confrontation avec les Occidentaux promettent d'être longues, la corruption généralisée dans le secteur de la défense russe doit laisser place à l'"optimisation" des dépenses et à l'innovation technologique.

Dernier en date à faire les frais de ce revirement, le général Vadim Chamarine, chef adjoint de l'état-major russe, a été placé en détention provisoire par un tribunal militaire, accusé d'avoir "accepté un pot-de-vin particulièrement important", ont rapporté jeudi les médias russes.

Ce haut gradé en charge des communications, un domaine où les forces russes avaient rencontré de gros problèmes au début de l'invasion selon des analystes, encourt jusqu'à 15 ans de prison.

Depuis fin avril, deux autres hauts responsables de l'armée russe, Timour Ivanov, vice-ministre de la Défense, et Iouri Kouznetsov, chargé des ressources humaines, ont également été arrêtés. Au moins un autre vice-ministre, Iouri Sadovenko, a été limogé, remplacé par un auditeur à la Cour des comptes, Oleg Saveliev.

Mardi, c'est le général Ivan Popov, ancien commandant de la 58e armée combattant en Ukraine, qui était arrêté pour "fraude". Il avait été limogé l'été dernier après avoir, selon lui, alerté sur les difficultés sur le front en Ukraine.

Le Kremlin s'est cependant défendu jeudi de toute volonté de "purger" l'armée. "La lutte contre la corruption est un travail continu (...) Il ne s'agit en aucun cas d'une campagne organisée", a affirmé le porte-parole de Vladimir Poutine, Dmitri Peskov.

«Changer l'arrière»

Pour l'expert militaire russe Alexandre Khramtchikhine, le pouvoir sait "depuis longtemps" que le budget de la défense est utilisé de manière inefficace, mais en temps de guerre, cette réalité "est devenue trop évidente pour fermer les yeux".

D'autant que la Russie, visée par de multiples sanctions occidentales, a réorienté son économie vers l'industrie de guerre, avec une hausse spectaculaire de 70% du budget fédéral alloué à la défense prévu en 2024.

Pour ne pas faire de vagues, le Kremlin a donc attendu le remaniement ministériel consécutif à la réélection de Vladimir Poutine pour lancer sa chasse aux sorcières.

"En temps de guerre, l'argent doit être dépensé correctement. D'où la nomination de Beloousov: il doit s'assurer que tout est fait correctement et que l'argent n'est pas gaspillé (...) L'avenir dira s'il y parviendra", explique l'analyste.

Le problème est d'autant plus embarrassant que la corruption au sommet de l'armée était l'une des critiques les plus virulentes du patron du groupe paramilitaire Wagner, Evguéni Prigojine, à l'origine d'une rébellion avortée en juin 2023 et décédé deux mois plus tard dans un crash d'avion aux circonstances restées opaques.

Pour autant, les deux ennemis jurés de M. Prigojine n'ont pas été "purgés": l'ex-ministre Sergueï Choïgou est désormais secrétaire du Conseil de sécurité russe, et le chef d'état-major Valéri Guérassimov est toujours en place.

Le sort d'un autre général, Sergueï Sourovikine, très respecté par les troupes mais tombé en disgrâce après la révolte de Wagner, reste incertain. Il a été vu pour la dernière fois en public en septembre 2023 lors d'une visite en Algérie.

"La situation (dans l'armée) est grave et la corruption évidente", tranche un analyste militaire russe réputé, qui a demandé à rester anonyme.

Selon lui, Vladimir Poutine a conscience que la guerre d'usure contre l'Ukraine, aidée par les Occidentaux, ne peut pas durer éternellement et est forcé de "prendre des mesures radicales", en "changeant les hommes de l'arrière" où "se situent les problèmes".

Le but: "obtenir des résultats" sur le front avant que l'armée ukrainienne ne retrouve des forces avec l'arrivée de nouveaux armements occidentaux et la mobilisation de nouveaux soldats.

"L'essentiel pour le Kremlin est de gagner la guerre, pas de vaincre la corruption", résume-t-il.


Les Etats-Unis ordonnent l'arrêt des travaux sur un immense parc éolien, presqu'achevé

Le président américain Donald Trump s'exprime dans le bureau ovale le 22 août 2025 à Washington, DC. Trump a annoncé que le tirage au sort de la Coupe du Monde de la FIFA 2026 aura lieu au Kennedy Center. (AFP)
Le président américain Donald Trump s'exprime dans le bureau ovale le 22 août 2025 à Washington, DC. Trump a annoncé que le tirage au sort de la Coupe du Monde de la FIFA 2026 aura lieu au Kennedy Center. (AFP)
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  • L'administration Trump a suspendu le projet Revolution Wind, l'un des plus grands parcs éoliens offshore aux États-Unis
  • Le projet, construit à 80% par le groupe danois Orsted, pourrait alimenter 350.000 foyers

WASHINGTON: Le gouvernement américain a ordonné vendredi l'arrêt des travaux sur un immense projet de parc éolien en mer au large de la côte nord-est, pourtant achevé à 80%.

Il s'agit du dernier d'une série de coups d'arrêt imposés à des projets d'énergie éolienne par l'administration de Donald Trump, qui a déclaré jeudi que "le vent, ça ne marche pas".

Le projet Revolution Wind, dont la construction a démarré l'an dernier après avoir reçu toutes les autorisations nécessaires, doit alimenter plus de 350.000 foyers de l'Etat de Rhode Island, selon son constructeur, l'entreprise danoise d'énergie renouvelable Orsted.

Matthew Giacona, directeur du Bureau of Ocean Energy Management (BOEM) a publié une lettre vendredi ordonnant l'"arrêt de toute activité en cours" du projet pour permettre un examen.

"En particulier, BOEM cherche à répondre à des inquiétudes concernant la protection d'intérêts de sécurité nationale aux Etats-Unis", selon cette lettre qui n'a pas donné d'autre précision.

"Vous ne pouvez pas reprendre les activités tant que BOEM" n'aura pas terminé son examen, a-t-il ajouté.

Orsted a indiqué dans un communiqué que l'entreprise "évaluait toutes les options pour régler la question rapidement" dont le recours à "de possibles procédures légales".

La ferme éolienne est achevée à 80%, avec 45 des 65 turbines prévues déjà installées, selon l'entreprise qui précise espérer terminer le projet à la fin de l'année prochaine.

Peu après son retour à la Maison Blanche pour un second mandat en janvier, Donald Trump a signé une série de décrets mettant un coup d'arrêt à l'éolien. Parmi les mesures annoncées, il a imposé un gel des permis d'exploitation et des prêts fédéraux pour tout projet d'éolien en mer ou sur terre.

"Nous n'allons pas faire le coup de l'éolien", a déclaré M. Trump en janvier, assurant que les turbines sont "laides", "bousillent le paysage" et "tuent les baleines".

Orsted, leader du développement d'énergie éolienne offshore, a annoncé lundi devoir lever 60 milliards de couronnes (9,4 milliards de dollars) via une émission de titres, pour faire face aux conséquences des décisions américaines gelant les projets de parcs éoliens.

Empire Wind, un autre gigantesque projet éolien offshore au large des côtes de New York, construit par le Norvégien Equinor, a été temporairement arrêté par l'administration Trump à la mi-avril.


Meta va dépenser plus de 10 milliards de dollars chez Google en services de cloud

Un logo de la société américaine Meta est affiché lors du salon Vivatech des startups et de l'innovation technologique, au parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris, le 22 mai 2024. (AFP)
Un logo de la société américaine Meta est affiché lors du salon Vivatech des startups et de l'innovation technologique, au parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris, le 22 mai 2024. (AFP)
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  • Meta a conclu un accord de 6 ans avec Google Cloud pour utiliser ses infrastructures, dans le but de rattraper son retard en intelligence artificielle face à OpenAI et Google
  • Mark Zuckerberg ambitionne de bâtir l’équipe IA « la plus talentueuse » de l'industrie, avec une puissance de calcul inégalée pour concevoir une intelligence artificielle surpassant celle des humains

San Francisco: Meta (Facebook, Instagram) a signé un contrat avec Google Cloud de plus de 10 milliards de dollars pour utiliser ses serveurs et d'autres services d'informatique à distance, d'après une source proche du dossier.

L'information a initialement été révélée par The Information, média spécialisé dans le secteur des technologies.

Le contrat, qui s'étend sur six ans, est l'un des plus gros jamais obtenu par la branche de cloud de Google depuis sa création il y a 17 ans.

Mi-juillet, le patron de Meta Mark Zuckerberg a fait part de sa volonté d'investir des "centaines de milliards de dollars" dans des infrastructures d'intelligence artificielle, en vue de parvenir à son objectif affiché: construire une IA plus intelligente que les humains.

Les géants des technologies dépensent des sommes colossales pour améliorer leurs modèles d'IA générative, qui nécessitent d'énormes puissance de calcul, et donc des puces informatiques de pointe et beaucoup d'énergie.

Meta compte donc faire construire des réseaux informatiques de plusieurs gigawatts, mais ne peut pas se permettre de prendre plus de retard qu'il n'en a déjà sur les leaders du secteur, notamment OpenAI (ChatGPT) et Google.

Le groupe californien a aussi débauché des employés d'OpenAI, Google et Anthropic à coup de primes conséquentes.

Mark Zuckerberg veut constituer "l'équipe la plus élitiste et la plus dense en talents de toute l'industrie", qui disposerait "d'un niveau de puissance de calcul sans équivalent dans le secteur", selon ses propos.

Meta n'a pas réagi à une sollicitation de l'AFP jeudi.

Google Cloud, numéro trois de l'informatique à distance derrière AWS (Amazon) et Microsoft, a vu ses ventes bondir de 32% au deuxième trimestre, pour dépasser les 13 milliards de dollars.

"Quasiment toutes les licornes (start-up valorisées à au moins un milliard de dollars, ndlr) de l'IA générative utilisent Google Cloud", s'est félicité la patron de la firme californienne Sundar Pichai, lors de la conférence aux analystes fin juillet.

OpenAI, pourtant partenaire privilégié de Microsoft dans l'IA, a aussi signé un contrat avec Google Cloud récemment.


Zelensky accuse Poutine de vouloir "se soustraire" à une rencontre pour la paix

Cette combinaison d'images créée le 18 août 2025 montre le président ukrainien Volodymyr Zelensky (à gauche) à Washington, DC, le 18 août 2025 et le président russe Vladimir Poutine à Anchorage, Alaska, le 15 août 2025. (AFP)
Cette combinaison d'images créée le 18 août 2025 montre le président ukrainien Volodymyr Zelensky (à gauche) à Washington, DC, le 18 août 2025 et le président russe Vladimir Poutine à Anchorage, Alaska, le 15 août 2025. (AFP)
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  • Volodymyr Zelensky reproche à la Russie de fuir les pourparlers de paix malgré les efforts diplomatiques
  • Alors que les discussions sur les garanties de sécurité se poursuivent, Kiev a testé avec succès un nouveau missile longue portée, illustrant sa volonté d'assurer sa défense indépendamment des alliés

KIEV: Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a accusé jeudi son homologue russe Vladimir Poutine de chercher à "se soustraire" à une rencontre destinée à trouver une issue à la guerre provoquée par l'invasion russe, Donald Trump lui-même tempérant son enthousiasme.

"A l'heure actuelle, les signaux envoyés par la Russie sont tout simplement indécents. Ils essaient de se soustraire à la nécessité d'organiser une réunion", a accusé M. Zelensky dans son adresse quotidienne sur les réseaux sociaux jeudi soir.

A la place, les Russes "poursuivent leurs attaques massives contre l'Ukraine et leurs assauts féroces le long de la ligne de front", a-t-il dénoncé.

La Russie a lancé dans la nuit de mercredi à jeudi une attaque massive sur l'Ukraine, utilisant 574 drones et 40 missiles, selon l'armée de l'air ukrainienne, un nombre record depuis la mi-juillet.

Ces frappes ont fait deux morts, un à Kherson et un autre à Lviv, dans l'ouest du pays. Elles ont aussi largement détruit une entreprise américaine dans la ville de Moukatchevo, dans l'ouest de l'Ukraine, a précisé M. Zelensly.

"Les Russes savaient exactement où ils avaient lancé les missiles. Nous croyons qu'il s'agissait d'une frappe délibérée spécifiquement sur une propriété appartenant à des Américains", a noté le président ukrainien. L'attaque contre Moukatchevo a fait 23 blessés, selon un nouveau bilan des autorités locales.

- "Approche différente" -

Très satisfait de sa rencontre avec M. Poutine le 15 août, Donald Trump a reconnu jeudi qu'il n'en saurait davantage sur les chances de paix que "dans les deux prochaines semaines".

"Après cela, nous devrons peut-être adopter une approche différente", a-t-il estimé sans plus de détail.

Après avoir rencontré M. Poutine en Alaska puis M. Zelensky lundi à la Maison Blanche, Donald Trump avait dit préparer une rencontre entre les dirigeants russe et ukrainien. Mais la participation des belligérants semble encore loin d'être acquise.

Si Vladimir Poutine semble avoir accepté le principe de cette rencontre, qu'il refusait jusque-là, ni date ni lieu n'ont été annoncés, et Moscou a souligné mercredi qu'une telle rencontre devait être "préparée avec le plus grand soin".

Paris a dénoncé jeudi une "absence de volonté" de la Russie de mettre fin à la guerre.

Volodymyr Zelensky, de son côté, a déclaré devant un groupe de médias parmi lesquels l'AFP vouloir comprendre "l'architecture des garanties de sécurité d'ici sept à dix jours" .

Ensuite, "nous devrions avoir une réunion bilatérale dans une semaine ou deux", a souhaité le dirigeant ukrainien, dont ce serait le cas échéant la première rencontre avec son homologue russe depuis 2019.

M. Zelensky a proposé la Suisse, l'Autriche ou la Turquie pour une éventuelle rencontre. Il a en revanche écarté la Hongrie, jugée trop proche du Kremlin.

- Nouveau missile -

Les contacts diplomatiques se sont accélérés ces dernières semaines pour trouver une issue à la guerre provoquée par l'invasion russe en février 2022, mais positions de Moscou et Kiev restent diamétralement opposées, notamment sur la question des territoires ukrainiens occupés.

Trouver un accord sur les garanties de sécurité s'annonce également complexe.

Européens et Américains ont évoqué ces derniers mois différentes possibilités allant de garanties similaires au fameux "article 5" de l'Otan au déploiement d'un contingent militaire en Ukraine.

Epine dorsale de l'Otan, à laquelle ni Moscou ni Washington ne veulent voir l'Ukraine adhérer, l'article 5 stipule que toute attaque contre un pays membre est considérée comme une attaque contre tous.

Kiev considère que, même si une issue est trouvée à cette guerre, la Russie tentera encore de l'envahir à l'avenir, d'où l'importance de ces garanties.

Moscou, qui qualifie l'expansion de l'Otan à ses frontières comme l'une des "causes profondes" ayant mené au conflit, rejette de son côté catégoriquement la plupart des scénarios envisagés.

Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a averti jeudi que tout déploiement d'un contingent militaire européen en Ukraine serait "inacceptable".

Parallèlement, l'Ukraine cherche à augmenter sa production d'armement, une façon de réduire sa dépendance à l'aide des alliés.

Volodymyr Zelensky a ainsi affirmé jeudi que son pays avait testé avec succès un nouveau missile d'une portée de 3.000 kilomètres appelé Flamingo.