VANCOUVER: La police canadienne a annoncé vendredi l'arrestation de trois hommes soupçonnés d'avoir appartenu à une équipe ayant assassiné le leader sikh Hardeep Singh Nijjar dans l'ouest du pays il y a presque un an.
Cette affaire a plongé le Canada et l'Inde dans une grave crise diplomatique à l'automne dernier après que le Premier ministre canadien Justin Trudeau a évoqué une implication du gouvernement indien dans la mort de ce leader séparatiste en juin 2023.
Trois ressortissants indiens, deux âgés de 22 ans et un de 28 ans, ont été arrêtés vendredi matin et inculpés de meurtre avec préméditation et de conspiration en lien avec la mort de la victime.
Ils ont été interpellés par la police à Edmonton, dans la province de l'Alberta (ouest), où ils résident. Ils sont derrière les barreaux en attendant la suite de la procédure.
Tous se trouvent au Canada depuis trois à cinq ans, a précisé la police durant une conférence de presse.
Les trois suspects auraient joué différents rôles - tireur, chauffeur et guetteur - le 18 juin 2023, le jour où le leader sikh a été abattu sur le parking du temple qu'il dirigeait à Surrey, en banlieue de Vancouver (ouest).
Militant pour la création d'un Etat sikh connu sous le nom de Khalistan, Hardeep Singh Nijjar, arrivé au Canada en 1997 et devenu citoyen canadien en 2015, était recherché par les autorités indiennes pour des faits présumés de terrorisme et de conspiration en vue de commettre un meurtre.
Des accusations que l'homme de 45 ans niait, selon l'Organisation mondiale des Sikhs du Canada, regroupement à but non lucratif qui vise à défendre les intérêts des sikhs canadiens.
D'autres suspects possibles
La police fédérale a précisé que les arrestations menées vendredi ne mettent pas un terme à l'enquête, ouverte il y a 10 mois.
"Cette enquête ne s'arrête pas là. Nous savons que d'autres personnes ont pu jouer un rôle dans cet homicide et nous sommes déterminés à les retrouver et à les arrêter", a déclaré Mandeep Mooker, officier responsable de l'équipe d'enquête sur les homicides à la Gendarmerie royale du Canada (GRC).
Il a également affirmé que la police tentait de déterminer "s'il y a des liens à établir avec le gouvernement indien".
Ces arrestations "constituent une avancée importante dans les efforts déployés par la GRC pour que les responsables du meurtre de M. Nijjar répondent de leurs actes", a estimé Dominic LeBlanc, ministre de la Sécurité publique et des Institutions démocratiques.
"C'est un peu un soulagement de savoir que l'enquête progresse", a pour sa part réagi auprès de l'AFP Moninder Singh, ami proche de Hardeep Singh Nijjar et porte-parole du Conseil des Gurdwaras de la Colombie-Britannique, une organisation représentative des sikhs de cette province.
"C'est l'Inde en fin de compte qui est responsable et qui embauche des gens pour assassiner des dirigeants sikhs dans des pays étrangers", a-t-il affirmé, exhortant Ottawa à "exiger des comptes" du gouvernement indien.
En septembre, le Premier ministre Justin Trudeau avait publiquement incriminé les services de renseignements indiens dans cette affaire. New Delhi avait aussitôt qualifié ces accusation d'"absurdes".
Accuser l'Inde est une «obsession» canadienne, dit New Delhi
Ottawa fait preuve d'"obsession" en enquêtant sur une éventuelle implication de l'Inde dans l'assassinat d'un leader sikh dans l'ouest du Canada, a réagi le ministre indien des Affaires étrangères après l'arrestation vendredi de trois hommes soupçonnés du meurtre.
"C'est une obsession politique au Canada d'accuser l'Inde", a lancé le ministre indien des Affaires étrangères S. Jaishankar samedi, selon des propos rapportés par l'agence Press Trust of India.
Cette affaire a plongé Ottawa et New Delhi dans une grave crise diplomatique en septembre après que le Premier ministre canadien Justin Trudeau eut évoqué une implication du gouvernement indien dans cet assassinat.
New Delhi cherche à convaincre Ottawa de n'accorder ni visa ni une quelconque légitimité politique aux séparatistes sikhs, a expliqué S. Jaishankar, puisqu'ils "causent des problèmes pour (le Canada), pour nous et aussi pour nos relations" diplomatiques.
Le Canada ne "partage avec nous aucune preuve dans certaines affaires, les agences de police ne coopèrent pas non plus avec nous", a-t-il ajouté.
Un mois plus tard, le gouvernement canadien avait été contraint de rapatrier plusieurs dizaines de diplomates basés en Inde après la menace de New Delhi de retirer leur immunité diplomatique.
De son côté, la justice américaine a annoncé en novembre poursuivre un ressortissant indien accusé d'avoir commandité, à l'instigation d'un agent de New Delhi, un projet d'assassinat d'un autre dirigeant sikh, Gurpatwant Singh Pannun, avocat fondateur de l'organisation américaine Sikhs For Justice (SFJ).
Le Canada est le pays qui compte le plus grand nombre de sikhs en dehors de leur Etat d'origine, le Pendjab, en Inde.