Macron appelle à un effort «durable» des industriels de l'armement

Emmanuel Macron va poser jeudi la première pierre d'une usine de poudre pour obus à Bergerac (Dordogne), nouvelle étape dans "l'économie de guerre" qu'il appelle de ses voeux pour répondre aux besoins de l'Ukraine. (AFP)
Emmanuel Macron va poser jeudi la première pierre d'une usine de poudre pour obus à Bergerac (Dordogne), nouvelle étape dans "l'économie de guerre" qu'il appelle de ses voeux pour répondre aux besoins de l'Ukraine. (AFP)
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Publié le Jeudi 11 avril 2024

Macron appelle à un effort «durable» des industriels de l'armement

  • Emmanuel Macron exhorte les industriels de défense à accélérer le passage au «mode économie de guerre», c'est-à-dire à produire «plus et plus vite»
  • En février, le chancelier allemand Olaf Scholz a aussi appelé à une production d'armements «à grande échelle» en Europe pour alimenter l'Ukraine

BERGERAC: Le bouleversement provoqué par la guerre en Ukraine et le réarmement mondial imposent un effort "durable" de l'industrie de défense pour produire davantage et plus rapidement, a prévenu jeudi Emmanuel Macron en posant la première pierre d'une usine de poudre pour obus à Bergerac (Dordogne).

"Nous sommes partis durablement pour nous installer dans un changement géopolitique, géostratégique où les industries de défense vont avoir un rôle croissant", a estimé le chef de l'État en présence d'industriels de la défense, qu'il exhorte à accélérer pour passer à une "économie de guerre" afin de continuer à soutenir activement l'Ukraine face à la Russie.

Selon lui, "l'effort" à fournir, est "urgent, il faut aller vite, fort, massifier, mais il est aussi durable".

"Le monde dont nous parlons, il ne s'arrêtera pas si demain la guerre se termine, parce qu'il y a un réarmement massif (...) de la Russie et parce que vous voyez partout en Europe les dépenses militaires, les commandes augmenter", a-t-il martelé.

La première pierre posée par le chef de l'État sur le site d'Eurenco, leader européen des poudres et explosifs, doit se concrétiser par l'ouverture début 2025 d'une nouvelle usine de poudre indispensable à la propulsion d'obus, capable de produire 1.200 tonnes de poudre par an.

Le site de Bergerac qui en produisait depuis 1915 avait été démantelé en 2007, faute de commandes suffisantes. La demande avait commencé à augmenter avant le déclenchement de la guerre en Ukraine mais le conflit a été un "accélérateur de croissance" pour le groupe, selon son PDG Thierry Francou.

Les commandes d'Eurenco s'étalent dorénavant jusqu'en 2030 et ont représenté 1,2 milliard d'euros sur les six derniers mois.

Pour Emmanuel Macron, "la relocalisation des poudres, qui avait été en effet abandonnée, montre qu'il n'y a pas de fatalité industrielle".

La production de corps de bombes de 250 kilos a également été relocalisée en France, selon l'Élysée.

"Nous sommes entrés en production pour deux contrats exports portant sur quelques centaines de bombes", a expliqué à l'AFP le PDG d'Aresia Bruno Berthet. Si la création de cette nouvelle chaîne s'est faite en autofinancement, l'entreprise a bénéficié du soutien du ministère des Armées pour accélérer la qualification de ces corps de bombes, qui ne lui a pas été facturée, selon lui.

«Engourdissement»

Accompagné à Bergerac des ministres de l'Économie Bruno Le Maire et des Armées Sébastien Lecornu, le chef de l'État devait ensuite rencontrer des dirigeants de l'industrie française de l'armement sur le thème du réarmement.

Parmi eux, les patrons de MBDA Éric Béranger, de Thales Patrice Caine, de KNDS France (ex-Nexter) Nicolas Chamussy, ou encore de Bruno Durand, président d'Aubert et Duval, fabricant d'acier spéciaux utilisés tant pour les sous-marins, que pour les avions ou les canons Caesar.

Lors de ses vœux aux Armées en janvier à Cherbourg (Manche), le chef de l'État avait fustigé une "forme d'engourdissement satisfait" de l'industrie de défense avant l'invasion de l'Ukraine.

"On ne peut laisser la Russie penser qu'elle peut gagner (...). Une victoire russe, c'est la fin de la sécurité européenne", avait-il martelé.

Depuis l'annonce d'Emmanuel Macron d'un passage en économie de guerre en juin 2022, l'industrie cherche à monter en cadence pour répondre aux commandes.

La France a ainsi passé commande pour 20 milliards d'euros d'équipements militaires en 2023, un tiers de plus que les années précédentes, et les commandes export s'accumulent.

Paris attend notamment la livraison de 1.500 missiles antichar MMP, de 55.000 obus et pour les missiles anti-aériens, de 300 Mistral, 500 Mica-NG et 220 Aster.

Pour y répondre, les industriels s'efforcent d'accélérer. KNDS France a vu sa production de canons Caesar tripler (et réduite de 30 à 15 mois) tandis que MBDA doit augmenter de 50% sa cadence de missiles Aster d'ici 2026, un rythme insuffisant selon le ministre des Armées.

En février, le chancelier allemand Olaf Scholz a aussi appelé à une production d'armements "à grande échelle" en Europe pour alimenter l'Ukraine en donnant le premier coup de pioche d'une usine d'obus de Rheinmetall.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a averti dimanche que son pays perdrait la guerre s'il ne recevait pas plus d'aide, au moment où la Russie accroît sa pression dans l'est du pays.

Une aide américaine de 60 milliards de dollars promise par le président Joe Biden reste bloquée au Congrès depuis des mois.


Ukraine: Zelensky accueilli par Macron à Paris pour faire le point sur les négociations

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a été accueilli lundi par son homologue français Emmanuel Macron au palais présidentiel de l'Elysée pour faire le point sur les intenses négociations en cours pour tenter de mettre fin à la guerre en Ukraine. (AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a été accueilli lundi par son homologue français Emmanuel Macron au palais présidentiel de l'Elysée pour faire le point sur les intenses négociations en cours pour tenter de mettre fin à la guerre en Ukraine. (AFP)
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  • Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a été accueilli lundi par son homologue français Emmanuel Macron au palais présidentiel de l'Elysée
  • Cette nouvelle visite en France, la dixième depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022, intervient au lendemain de discussions entre délégations américaine et ukrainienne en Floride

PARIS: Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a été accueilli lundi par son homologue français Emmanuel Macron au palais présidentiel de l'Elysée pour faire le point sur les intenses négociations en cours pour tenter de mettre fin à la guerre en Ukraine, a constaté un journaliste de l'AFP.

Cette nouvelle visite en France, la dixième depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022, intervient au lendemain de discussions entre délégations américaine et ukrainienne en Floride, et à la veille d'une rencontre à Moscou entre l'émissaire de Donald Trump, Steve Witkoff, et le président russe Vladimir Poutine.

 


La France fixe une nouvelle doctrine d'intervention en mer contre les traversées clandestines vers l'Angleterre

Un bateau de la Gendarmerie maritime française navigue à proximité de bateaux de passeurs transportant des migrants qui tentent de traverser la Manche au large de la plage de Gravelines, dans le nord de la France, le 27 septembre 2025. (AFP)
Un bateau de la Gendarmerie maritime française navigue à proximité de bateaux de passeurs transportant des migrants qui tentent de traverser la Manche au large de la plage de Gravelines, dans le nord de la France, le 27 septembre 2025. (AFP)
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  • La France prévoit de lancer prochainement des opérations en mer pour intercepter les “taxi-boats” transportant clandestinement des migrants vers l’Angleterre
  • Cette initiative intervient après une hausse des traversées de la Manche, avec plus de 39 000 arrivées en 2025

LILLE: Après des mois de discussions, la France a annoncé vendredi qu'elle allait débuter "prochainement" des opérations visant à intercepter en mer des petits bateaux clandestins en chemin vers l'Angleterre, avant qu'ils n'embarquent des groupes de migrants.

Ce changement de doctrine engagé par Paris sous pression de Londres était en gestation depuis plusieurs mois.

Les forces de l'ordre françaises peinent à trouver la parade face aux "taxi-boats", un mode d'action des passeurs consistant à faire partir une embarcation d'un point éloigné des principales plages de départ où sont rassemblés les migrants.

Le taxi-boat s'approche ensuite du rivage et vient récupérer des passagers directement dans l'eau, avant de poursuivre sa route vers l'Angleterre.

"La Gendarmerie maritime sera bientôt en mesure d'effectuer des opérations de contrôle et d'intervention en mer, sur des embarcations soupçonnées d'être des taxi-boats", a déclaré à l'AFP la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord (Prémar), confirmant des informations du journal Le Monde.

Le quotidien évoque un document signé par le préfet maritime mais aussi ceux du Nord, de la Somme et du Pas-de-Calais.

Le ministère de l'Intérieur français n'a pas souhaité réagir.

Côté britannique, un porte-parole du gouvernement a simplement rappelé vendredi à l'AFP que Londres a "déjà travaillé à s'assurer que les autorités en France réforment leurs tactiques en mer afin qu'elles puissent intervenir dans les eaux peu profondes".

- Pas de filets à ce stade -

Actuellement, une fois une embarcation clandestine en mer, seul le dispositif de secours intervient en cas de besoin, en raison des risques que présentent ce type d'opérations, comme prévu par les conventions internationales.

Désormais, il pourra aussi y avoir des "opérations de contrôle et d'intervention (...) issues d'études menées par l'ensemble des services de l’État concernés", a précisé la Prémar. Elles "comportent des dispositions prenant en compte la primauté de la sauvegarde de la vie humaine".

Ces futures opérations de la gendarmerie maritime sont prévues en amont de l'embarquement de passagers, pour ne pas mettre leurs vies en péril, selon une source proche du dossier.

"L'ensemble des travaux sur le sujet se fait en lien avec les parquets concernés", a souligné à l'AFP la procureure de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), Cécile Gressier.

En outre, la Prémar précise que "l'emploi de filets visant à stopper le taxi-boat n'est pas envisagé à ce stade".

Cette méthode, mentionnée la semaine dernière dans la presse, avait soulevé l'indignation d'associations d'aide aux migrants et d'ONG comme Amnesty International.

Pour le professeur de droit international Thibaut Fleury-Graff, "les interceptions sont susceptibles d'être contraires au droit de quitter tout pays" inscrit dans le Pacte de l'ONU sur les droits civils et politiques, et doivent respecter "l'ensemble des droits de la personne humaine".

Les taxi-boats embarquent leurs passagers sur une ou plusieurs haltes et repartent en direction de l'Angleterre surchargés, transportant régulièrement plus de 70 candidats à l'exil dans des conditions périlleuses.

Au moins 27 migrants sont morts cette année lors de ces dangereuses tentatives de traversées de la Manche, selon un décompte de l'AFP.

Après le pire naufrage dans la Manche, qui a fait 31 morts en novembre 2021, le parquet de Paris a demandé vendredi un procès en correctionnelle pour 14 hommes, nés pour la plupart en Afghanistan et en Irak, soupçonnés d'être impliqués dans des réseaux de passeurs à l'origine du drame.

Depuis le 1er janvier, plus de 39.000 personnes sont arrivées sur les côtes anglaises à bord de petites embarcations, selon les données britanniques, soit plus que sur la totalité de 2024.

Plus de la moitié des personnes arrivées clandestinement au Royaume-Uni entre septembre 2024 et septembre 2025 sont de cinq nationalités: Érythréens (la nationalité la plus représentée), Afghans, Iraniens, Soudanais et Somaliens.

Le gouvernement travailliste britannique, sous pression de l'extrême-droite, a annoncé ce mois-ci une réforme qui durcit fortement sa politique d'asile et d'immigration, espérant ainsi décourager les arrivées irrégulières de migrants sur ces "small boats", qu'il peine à endiguer.


France: des ONG inquiètes d'une baisse de l'aide au développement

Le docteur Bertrand Chatelain (à gauche), de l'ONG Médecins du Monde (MdM), examine un réfugié lors d'une opération de maraudage dans le camp de migrants du quartier Stalingrad à Paris, le 12 juillet 2023. (AFP)
Le docteur Bertrand Chatelain (à gauche), de l'ONG Médecins du Monde (MdM), examine un réfugié lors d'une opération de maraudage dans le camp de migrants du quartier Stalingrad à Paris, le 12 juillet 2023. (AFP)
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  • Plusieurs ONG françaises alertent sur un désengagement de la France en matière d’aide au développement, dans un contexte mondial déjà marqué par une baisse générale de la solidarité internationale
  • Les organisations humanitaires redoutent des conséquences majeures pour des millions de personnes

PARIS: Plusieurs ONG françaises, dont Médecins du Monde, ont critiqué vendredi un "désengagement croissant" de Paris envers la solidarité internationale, le gouvernement entendant amputer, dans le prochain budget, l'aide au développement de 700 millions d'euros, dans un contexte international tendu.

Sandrine Simon, directrice santé et plaidoyer de Médecins du Monde, critique une décision qui va "à l'encontre des engagements" de la France dans ce secteur. Elle évoque sa "grande inquiétude" et son "incompréhension".

En France, où l'aide publique au développement a été réduite ces dernières années, les coupes envisagées dans le projet de loi de finances 2026 s'élèvent à 700 millions d'euros, pour un montant alloué de 3,7 milliards d'euros.

"A chaque fois qu'il y a ne serait-ce qu'un million d'euros qui est coupé, on sait qu'il y a des milliers, voire des millions de personnes derrière qui sont affectées", alerte Anne Bideau, directrice générale de Plan International France, rappelant une "tendance à la baisse de l'aide publique au développement un peu partout dans le monde".

"on sait que les conséquences vont être dramatiques, donc on est extrêmement inquiets", ajoute Mme Bideau auprès de l'AFP.

Début 2025, le démantèlement de l'Agence américaine pour le développement international (USAID), sous l'impulsion du président républicain Donald Trump, avait provoqué une onde de choc internationale.

Mais la fin de l'USAID avait mis en exergue une tendance de fond: le montant accordé par 32 pays riches de l'OCDE et l'Union européenne à l'aide au développement a diminué en 2024 de 7,1% (en terme réel) à 212,1 milliards de dollars, selon une estimation de l'OCDE, une première en six ans.

"On a des crises à répétition, le Soudan, Gaza etc. Il y a une augmentation des besoins et il y a une réduction de l'aide", déplore pour sa part Stéphane Doyon, de Médecins Sans Frontières, ONG qui n'est pas financée par le gouvernement français.

En France, cette coupe est justifiée "par l'effort nécessaire sur les finances publiques - et pas pour des raisons idéologiques comme aux Etats-Unis", affirme une source diplomatique à l'AFP, rappelant qu'elle n'a pas encore été votée.

"Entre la loi de finances 2024 et le projet de loi de finances 2026, on aurait une baisse de moitié de l'aide publique au développement", a calculé la Coordination Sud, qui regroupe des associations françaises de solidarité internationale.

Avec des conséquences concrètes pour les ONG qui comptent sur le soutien de l'Etat.

"Nous espérions recevoir de l'argent de l'Agence française de développement qui vient de nous annoncer qu'ils ne nous soutiendraient pas l'année prochaine", explique Sandrine Simon, de Médecins du Monde, au moment où l'ONG elle-même programme avec "un niveau d'incertitudes très important ce budget 2026, bien au-delà des années passées."

Dans le pire des scénarios, avec des coupes budgétaires massives, plus de 22 millions de personnes pourraient mourir de causes évitables d'ici à 2030, selon une étude menée par des chercheurs espagnols, brésiliens et mozambicains.