Hassan Nasrallah a fait part de sa volonté de ne pas «entraîner l’Iran dans une guerre contre Israël et les États-Unis». Il a également affirmé que le Hezbollah mènerait seul cette bataille. Ces propos sont hautement révélateurs. Je ne serais pas surpris de voir des gens dire qu'ils souhaiteraient qu'il se soucie autant de ce qui reste des intérêts du Liban que des intérêts de l'Iran.
Citant une «source iranienne», Reuters a rapporté, vendredi, que le secrétaire général du Hezbollah avait tenu ces propos lors d’une réunion avec le commandant de la force Al-Qods, Esmaïl Ghani, à Beyrouth, en février. M. Nasrallah aurait ajouté: «C’est notre bataille.» La rencontre du mois dernier serait la troisième entre les deux hommes depuis les événements du 7 octobre, qui ont toutes porté sur les risques d’une vaste attaque israélienne contre le Hezbollah et, par extension, sur l’implantation de l’Iran au Liban et dans la région.
L’atmosphère à la frontière libano-israélienne est sans aucun doute inquiétante, compte tenu notamment de la guerre des déclarations et des discours belliqueux tenus par les deux parties.
Qui plus est, le rôle que l’Iran a assigné aux Houthis en mer Rouge et dans le golfe d’Aden est entré dans une nouvelle phase, à la lumière des réunions américano-iraniennes à Mascate, rapportées la semaine dernière par le New York Times. Le journal affirme que les deux parties ont discuté de la sécurité en mer Rouge et des attaques menées par des mandataires iraniens contre des bases américaines en Irak et en Syrie.
Le New York Times rapporte que les pourparlers «indirects» de Mascate – qui n’avaient pas été annoncés à l’époque – s’étaient tenus à la demande de Téhéran le 10 janvier. Les dirigeants omanais ont transmis des messages entre les délégations iranienne et américaine, assises dans des pièces séparées. La délégation iranienne était dirigée par le vice-ministre des Affaires étrangères chargé des Affaires politiques, Ali Bagheri Kani, tandis que la délégation américaine était dirigée par le coordinateur du Conseil de sécurité nationale pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, Brett McGurk.
Dans le même temps, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, continue d’intensifier son discours politico-militaire, mettant en évidence le caractère «inévitable» d’une attaque contre Rafah, qui est le dernier refuge de la population de Gaza à la lumière de la guerre de déplacement d’Israël qui a coûté la vie à plus de trente mille personnes. Le rejet de l'offensive par l'Occident ne semble pas refléter une réelle détermination à l'empêcher ni à éviter la catastrophe humanitaire qui, selon plusieurs organismes, en résulterait.
Même les critiques personnelles du président, Joe Biden, et du chef de la majorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer (le plus haut responsable juif à Washington), qui ont appelé au départ de M. Netanyahou après des élections anticipées, ne se sont pas accompagnées de menaces sérieuses. Pire encore, le sénateur Mitch McConnell, leader républicain au Sénat, a surenchéri dans sa défense d’Israël, attaquant M. Biden et critiquant son collègue démocrate.
Dans le même ordre d’idées, compte tenu de l’ambiguïté de la position de l’administration américaine quant aux heures et jours à venir dans la bande de Gaza, certains ont présenté une lecture différente de la décision de Washington de mettre en place des installations d’aide sur la côte centrale de la bande de Gaza. Ils y voient un substitut aux passages vitaux de Rafah et de Kerem Shalom et, par conséquent, une preuve que les États-Unis ne veulent pas ou ne peuvent pas empêcher l’attaque de Rafah.
On cite, ci-dessous, certains faits indéniables dont l’importance ne devrait pas être minimisée.
Les États-Unis n'ont pas changé d'avis sur la nécessité de limiter les combats et la violence à la bande de Gaza. Ils ont réitéré cette position depuis qu’Israël a commencé ses opérations en réponse à l’attaque du 7 octobre. Même si aucune administration américaine ne voudrait s’impliquer dans des guerres ou des problèmes à long terme au cours d’une année électorale, enliser une région aussi sensible que le Moyen-Orient dans des sables mouvants en matière de sécurité politique serait une décision désastreuse pour l’avenir.
La position de Washington sur Téhéran alimente la confusion. Que ce soit au Liban, en Irak ou en Syrie, les États-Unis ne semblent pas adopter de position décisive ou ferme à l’égard des dirigeants iraniens, bien que Washington soit parfaitement conscient que Téhéran manipule comme bon lui semble tous les acteurs régionaux. En effet, l’administration américaine va dans la direction opposée, engageant diplomatiquement l’Iran à Mascate et libérant des milliards de dollars (1 dollar = 0,92 euro) d’actifs aux dirigeants iraniens, tout en sachant très bien où iront ces fonds et comment ils seront dépensés.
La situation dans la région peut encore être contenue pour l’instant. Cependant, l’administration Biden doit – au moins – comprendre que cela pourrait changer. Au contraire, la situation changera inévitablement pour le pire si Donald Trump revient à la Maison-Blanche et si Benjamin Netanyahou maintient sa capacité d’extorsion par la violence, l’occupation et le déplacement.
«Que ce soit au Liban, en Irak ou en Syrie, les États-Unis ne semblent pas adopter de position décisive ou ferme à l’égard des dirigeants iraniens.»
- Eyad Abou Shakra
De nombreuses élections cruciales se tiendront cette année à travers le monde. Il est évident que les mouvements racistes, populistes et néofascistes sont en quête de victoires majeures. Même les démocraties les plus anciennes et les plus stables qui ont conservé un semblant de sérieux, revendiquant la modération et le respect des droits de l’homme, sont en train d’évoluer rapidement vers le pire. Il existe des indicateurs partout dans le monde – et cela devrait entraîner des répercussions négatives sur le Moyen-Orient – selon lesquels l’avenir ne laisse présager rien de bon pour la coexistence religieuse, ethnique et culturelle.
Ainsi, les problèmes qui peuvent être résolus ou contenus aujourd’hui pourraient devenir insurmontables si des mesures ne sont pas prises dans les prochains mois.
En termes plus simples, tant qu’Israël se pliera aux caprices de ses fascistes et racistes d’extrême droite et à leurs diktats et tant que l’Iran continuera d’exploiter ses mandataires pour conclure des accords avec l’Occident – les deux ouvertement et en secret – le monde arabe ne connaîtra pas la stabilité.
Eyad Abu Shakra est rédacteur en chef d’Asharq al-Awsat.
X: @eyad1949
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com