Lisa Johnson, l’ambassadrice des États-Unis au Liban, a demandé à l’ancien président libanais, Michel Aoun, considéré comme un allié du Hezbollah, de transmettre un avertissement au groupe concernant ses récentes attaques contre Israël.
Les relations étant déjà tendues entre M. Aoun et le Hezbollah, cette mise en garde de Washington vise à ce que l’ancien président garde ses distances avec le groupe. Michel Aoun a répondu qu’il n’était plus un allié du Hezbollah et qu’il ne pouvait donc pas transmettre de message.
Les États-Unis veulent isoler le Hezbollah, mais le groupe s’isole déjà lui-même par son attitude intransigeante. Son chef, Hassan Nasrallah, a déclaré qu’il affronterait Israël seul et n’impliquerait pas l’Iran. Il compte sans doute protéger l’Iran de toute répercussion des actions du groupe.
Cependant, les missiles à guidage de précision du Hezbollah ne peuvent pas protéger le Liban. Le pays a besoin du soutien diplomatique arabe et le Hezbollah a besoin d’un soutien national en ces temps difficiles. Rien de tout cela ne risque d’arriver à moins que le groupe ne change d’attitude, en se montrant moins intransigeant.
Le Hezbollah mise sur un accord de cessez-le-feu avec Israël, qui lui permettra d’annoncer sa victoire, d’en sortir plus fort et d’imposer son candidat à la présidence, Sleiman Frangié, aux autres factions politiques.
Toutefois, ce scénario n’est pas réaliste. Le conflit transfrontalier entre Israël et le Liban est différent de la guerre à Gaza et la fin des hostilités dans cette dernière ne signifie pas que la paix sera restaurée au Liban.
Le Hezbollah fait face à une forte résistance interne, ainsi qu’à une marginalisation dans le monde arabe. Sur le plan intérieur, le groupe est accusé de bloquer l’élection d'un nouveau président. Le poste est vacant depuis la fin du mandat de M. Aoun en octobre 2022.
Le Courant patriotique libre (CPL), un allié chrétien qui a conféré au Hezbollah un certain degré de légitimité en tant que parti national, et pas seulement comme groupe chiite qui sert les intérêts de l’Iran, s’éloigne du groupe.
Le Hezbollah est considéré comme le principal obstacle à l’élection d’un président et à la formation ultérieure d’un gouvernement, compte tenu de ses exigences catégoriques en faveur de l’élection de M. Frangié. Le prétendu «dialogue national» réclamé par le groupe et le président du Parlement, Nabih Berri, sur le choix du président, n’est qu’un appel à l’élection de Sleiman Frangié. En conséquence, aucun parti adverse n’a répondu à l’appel.
Les critiques et les opposants nationaux accusent le Hezbollah d’arrogance. Hossam Mattar, du Centre consultatif d’études et de documentation, un groupe de réflexion affilié au Hezbollah, a comparé la droite libanaise, opposée au groupe, à une ligue de juniors. Il a déclaré que nous avons deux terrains de football, l’un pour les adultes et l’autre pour occuper les enfants. C’est ce que fait la droite libanaise. Ce sont des enfants qui jouent dans le petit terrain. Cependant, cette attitude est en train de provoquer la colère du reste des factions libanaises au moment où le pays s’approche d’une phase très dangereuse dans sa confrontation avec Israël. Le groupe ne ressent toujours pas la nécessité de faire des compromis pour consolider la cohésion nationale et obtenir un certain soutien arabe en cas de frappe israélienne, qui semble de plus en plus probable.
Si le Hezbollah souhaite bénéficier d’une certaine couverture de la part du monde arabe dans son ensemble, ainsi que d’un soutien national, il devra faire preuve d’une certaine flexibilité. Pour commencer, il lui faut parvenir à un consensus avec les autres factions politiques sur un choix acceptable pour le poste de président. Il doit également montrer des signes de bonne volonté envers le peuple libanais en jouant son rôle dans la constitution d’un gouvernement capable de mettre en œuvre les réformes économiques et politiques nécessaires pour sortir le pays de sa longue crise économique. Cela enverrait également un signal aux pays arabes indiquant que le groupe peut jouer un rôle positif dans la politique libanaise.
Le Hezbollah, répertorié comme organisation terroriste par la Ligue arabe, a besoin d’une réhabilitation majeure aux yeux du monde arabe. Pour éliminer cette stigmatisation, le groupe doit montrer aux États arabes qu’il peut être une force de stabilité régionale et non un présage de chaos au service de l’hégémonie iranienne.
Il pourrait, à titre d’exemple, contribuer à faciliter le retour des réfugiés dans leurs foyers en Syrie. Un grand nombre de réfugiés syriens au Liban proviennent de zones contrôlées par le Hezbollah en Syrie. Pour qu’ils puissent rentrer chez eux, le Hezbollah doit se retirer des zones résidentielles, même s’il conserve ses avant-postes militaires.
Le groupe doit également veiller à ce que les observateurs internationaux puissent surveiller la situation et vérifier que les personnes retournant en Syrie soient en sécurité et ne fassent pas l’objet de représailles.
Les États arabes attendront également la coopération du Hezbollah dans les efforts visant à réprimer la production illégale de comprimés de Captagon en Syrie, qui représente un problème majeur de santé et de sécurité pour la région.
Le Hezbollah entretient également des relations avec la plupart des mandataires iraniens dans la région, comme Al-Hachd al-Chaabi en Irak et les Houthis au Yémen, et il peut donc exercer des moyens de pression. Il pourrait intelligemment utiliser ces relations pour créer une sorte d’entente entre ces groupes et les États arabes.
L’intégralité de la région traverse une période de troubles et une collaboration est plus que jamais nécessaire pour faire face au comportement criminel débridé des autorités israéliennes. Il est temps pour le Hezbollah de jouer le rôle de médiateur entre les organisations affiliées à l’Iran et les pays arabes.
Pourtant, le groupe continue de maintenir sa position maximaliste, espérant pouvoir imposer sa volonté au peuple libanais lorsque la guerre à Gaza prendra fin, en plus de pousser les États arabes à accepter son contrôle sur le pays comme un fait accompli.
«Les États-Unis veulent isoler le Hezbollah, mais le groupe s’isole déjà lui-même par son attitude intransigeante.»
- Dr Dania Koleilat Khatib
Il devrait cependant y réfléchir à deux fois, se souvenir des événements de l’année 2006 et établir quelques comparaisons. Aujourd’hui, les attitudes aux niveaux national et régional sont très différentes de ce qu’elles étaient il y a dix-huit ans. Les Libanais ne tolèrent plus le Hezbollah. Même si le parti survit au conflit militaire actuel, sa survie politique à long terme sera difficile.
Le parti pourrait survivre à une frappe militaire importante. C’est une organisation institutionnalisée capable de se reconstituer même si elle est durement touchée. Il est toutefois probable que l’opposition nationale s’intensifie après une telle frappe. Dans le même temps, les États arabes seraient réticents à utiliser leur influence diplomatique pour protéger le Liban et peu susceptibles de fournir les moyens financiers nécessaires à la reconstruction du pays.
Le Liban serait détruit et tout le monde accuserait le Hezbollah. Il est donc temps pour le groupe de revoir sa politique et d’adopter un certain degré de flexibilité et de pragmatisme, sinon il risque fort de se retrouver seul face à Israël.
La Dr Dania Koleilat Khatib est une spécialiste des relations américano-arabes, et plus particulièrement du lobbying. Elle est présidente du Centre de recherche pour la coopération et la construction de la paix, une organisation non gouvernementale libanaise axée sur la voie II.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com