Le regain de puissance soudain de l’organisation terroriste Al-Qaïda l’a de nouveau placée au cœur de l’attention mondiale – cette fois en tant que principal suspect.
La Turquie pointe l’organisation du doigt, dans le cadre de deux attaques ayant fait douze morts. Par ailleurs, un communiqué soutient l’implication du groupe dans une récente attaque terroriste à Moscou, qui a fait plus de cent morts. D’autres rapports affirment que le groupe est impliqué dans des attaques en Somalie, au Yémen et en Irak.
Al-Qaïda était autrefois une organisation bien établie, avec une présence reconnue. Le siège du groupe, dirigé par Oussama ben Laden, se trouvait à Kaboul. Ben Laden avait alors pris le pli de s’adresser aux journalistes et aux militants en publiant des déclarations vidéo. Aujourd’hui, Al-Qaïda n’est plus qu’un nom.
Pourquoi l’organisation Al-Qaïda ciblerait-elle Moscou? En effet, le déclin des hostilités en Syrie ne justifierait nullement ses actions.
Les principaux ennemis des Russes sont les Ukrainiens et leurs alliés, qui ont mené des opérations ciblant Moscou. Il est primordial de reconnaître que l’ampleur de la guerre en Ukraine est bien plus importante que le conflit de Gaza, tant en termes d’opérations militaires que d’armées impliquées.
En outre, la situation en Ukraine a des implications stratégiques dangereuses, tandis que le conflit à Gaza est essentiellement de nature régionale.
Malgré la réticence de la plupart des pays de la région à s’engager dans le conflit ukrainien, l’Iran s’est démarqué en fournissant activement des drones à la Russie, témoignant ainsi de son statut de source d’armement dangereuse. Il semble donc peu plausible qu’une organisation sous le contrôle ou l’influence de Téhéran lance une attaque contre la Russie.
La plupart des pays de la région ont choisi de conserver leur neutralité dans le conflit ukrainien. Malgré la pression croissante des États-Unis, leurs relations avec la Russie restent positives.
Cependant, gérer ces liens s’avère difficile, compte tenu du soutien de Moscou à Téhéran et de l’implication militaire de Téhéran dans les nombreux conflits par procuration de la région.
«Pourquoi l’organisation Al-Qaïda ciblerait-elle Moscou? En effet, le déclin des hostilités en Syrie ne justifierait nullement ses actions.» Abdelrahman al-Rached
L’acte d’accusation contre Al-Qaïda, même s’il n’est pas entièrement infondé, a perdu une grande partie de sa force de persuasion, ce qui incite à se renseigner plus sur le groupe et les factions armées qui lui sont affiliées. Qu’il s’agisse de factions dissidentes du premier groupe Al-Qaïda ou de groupes d’inspiration indépendante, l’attention semble de nouveau orientée vers l’organisation.
Depuis la répression menée par les États-Unis contre les dirigeants d’Al-Qaïda, la guerre en Irak a marqué un tournant important, élargissant le marché du terrorisme. Les baathistes irakiens, aigris par la chute du régime de Saddam Hussein, ont joué un rôle notable dans ce nouveau chapitre.
De plus, les djihadistes arabes ayant des liens avec la Syrie ont rejoint le mouvement, étendant le théâtre du conflit au-delà des frontières irakiennes. À mesure que le conflit en Irak s’est atténué, ces éléments se sont dispersés en Syrie voisine, alimentant les insurrections antirusses. Ce phénomène a attiré des organisations de contre-ordre en provenance d’Asie centrale.
Depuis la disparition ou la capture de ses principaux dirigeants, Al-Qaïda a perdu de son importance, et d’autres groupes – comme Jabhat al-Nosra, Daech, Hayat Tahrir al-Cham et Al-Chabab en Somalie, entre autres – lui ont volé la vedette. Ces organisations ont connu un essor rapide à travers la région.
Saif al-Adel est l’un des derniers dirigeants d’Al-Qaïda toujours en vie de l’ère du djihad afghan. Il vit actuellement en Iran, où il a trouvé refuge auprès d’autres personnalités clés de l’organisation, au lendemain de l’invasion américaine de l’Afghanistan. Avec seulement une photographie datant de quatre décennies, Al-Adel demeure une figure énigmatique.
Selon les révélations des interrogatoires américains, il se serait opposé avec véhémence à la proposition de Ben Laden d’exécuter les attentats du 11-Septembre, prévoyant leurs conséquences catastrophiques pour l’organisation.
À la tête de la branche iranienne d’Al-Qaïda, les activités d’Al-Adel demeurent un mystère. Compte tenu des intérêts mutuels, il est peu probable que cette faction s’engage dans un conflit contre les Russes.
Abdulrahman Al-Rashed est un chroniqueur chevronné. Il est l'ancien directeur général de la chaîne d'information Al Arabiya et l'ancien rédacteur en chef d'Asharq Al-Awsat, où cet article a été initialement publié. Twitter : @aalrashed
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com