Netanyahou est sur le point de devenir l’homme qui a ruiné Israël

La campagne de Netanyahou contre Gaza est en passe de faire d’Israël un paria. (Photo AFP)
La campagne de Netanyahou contre Gaza est en passe de faire d’Israël un paria. (Photo AFP)
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Publié le Jeudi 21 mars 2024

Netanyahou est sur le point de devenir l’homme qui a ruiné Israël

Netanyahou est sur le point de devenir l’homme qui a ruiné Israël
  • Bibi va-t-il ruiner Israël? Cette question n’a rien d’original. Elle a été posée en mars 2023 par le magazine The Economist
  • Le 7 octobre a permis de rassembler les Israéliens autour du drapeau. Toutefois, une fois la guerre terminée, les divisions risquent de réapparaître et de s’aggraver

Bibi va-t-il ruiner Israël? Cette question n’a rien d’original. Elle a été posée en mars 2023 par le magazine The Economist. Cependant, cette année, nous avons une réponse confirmée: c’est un «oui» retentissant. Benjamin Netanyahou a fracturé la société israélienne avec son projet de réforme du système judiciaire. Aujourd’hui, sa campagne contre Gaza est en passe de faire d’Israël un paria.

Personne n’est plus préoccupé par sa propre survie que Netanyahou. Il sait que s’il quitte le pouvoir, il ne rentrera pas chez lui, mais ira en prison. C’est pourquoi il tient absolument à maintenir sa coalition, quel qu’en soit le prix. Pour ce faire, il doit satisfaire les factions d’extrême droite les plus suprématistes juives et les plus ultranationalistes de la politique israélienne, celles d’Itamar Ben-Gvir et de Bezalel Smotrich.

Avec son projet de refonte du système judiciaire, il pourrait dominer la Cour suprême israélienne. D’un autre côté, cela le rendrait plus dépendant de sa coalition et de ses objectifs d’extrême droite, qui représentent une menace existentielle pour Israël lui-même. Le projet de réforme a suscité de nombreuses manifestations en Israël, mais, au-delà de ces manifestations, il a introduit une crise d’identité dans le pays. Il a créé un conflit entre ceux qui considèrent leur État comme «démocratique» et ceux qui considèrent que leur État est, avant tout, «juif». L’année dernière, le président Isaac Herzog a mis en garde contre le risque d’implosion de la société israélienne.

Le 7 octobre a permis de rassembler les Israéliens autour du drapeau. Toutefois, une fois la guerre terminée, les divisions risquent de réapparaître et de s’aggraver. En plus des accusations de corruption, Netanyahou devra probablement faire face à des accusations de négligence. Il doit donc poursuivre l’agression.

«Le monde est consterné par le fait que les enfants de Gaza meurent de faim. Néanmoins, Netanyahou reste impassible.»

- Dr Dania Koleilat Khatib

La guerre contre Gaza, un petit territoire densément peuplé, a provoqué une catastrophe humanitaire. Netanyahou doit remporter une victoire à tout prix. Il ne peut pas faire de compromis. C’est pourquoi il a recours aux moyens les plus atroces pour atteindre son objectif, notamment en empêchant l’aide de parvenir aux habitants de Gaza qui souffrent de la faim. Le monde est consterné par le fait que les enfants de Gaza meurent de faim. Néanmoins, Netanyahou reste impassible.

Israël est devenu une source d’embarras pour les États-Unis, son principal allié. Ils sont désormais contraints de défendre l'indéfendable. Ils doivent défendre un «génocide plausible». Ils doivent défendre un allié qui affame 2,3 millions de personnes. Ils doivent défendre un allié qui a été accusé d’utiliser des bombes au phosphore blanc sur une population. Ils doivent défendre une armée qui tire sur des civils portant un drapeau blanc. Ils doivent défendre un allié qui dit carrément qu’il ne veut pas d’un État palestinien.

Bien que l’engagement envers Israël soit ancré dans la politique américaine, cette tâche devient de plus en plus difficile. En conséquence, le gouvernement américain doit faire l’objet d’un examen minutieux de la part de la communauté internationale et de son propre peuple.

L’opinion publique se retourne contre Israël. Il n’est plus perçu comme le David luttant contre Goliath. Il est désormais perçu comme le Goliath, le monstre. Il s’agit d’un enjeu majeur pour les démocrates, et pour le président Joe Biden en particulier. Les Arabes américains, les musulmans américains, les Noirs, les Hispaniques et les Juifs progressistes se retournent tous contre Joe Biden en raison de sa gestion de la guerre de Gaza. Ces groupes constituent la majeure partie des électeurs démocrates. Les démocrates s’inquiètent du vote «non engagé», qui pourrait coûter la présidence à Joe Biden. Même si Biden aime Israël, il ne risquerait pas de perdre l’élection de novembre juste pour faire plaisir à Netanyahou.

Tout le monde sait qu’Israël est incapable de survivre sans le soutien des États-Unis, qu’il soit politique ou militaire. Or, il commence à perdre le soutien politique des Américains. Le sénateur Chuck Schumer, démocrate corporatiste et fervent partisan d’Israël, a appelé à de nouvelles élections. Il a déclaré que Netanyahou n’était plus apte à occuper le poste, car il fait perdre à Israël son soutien international. Même si les groupes pro-israéliens financent certains hommes politiques, ces derniers ne peuvent pas gagner les élections si leurs électeurs ne votent pas pour eux.

«Israël n’est plus perçu comme le David luttant contre Goliath. Il est désormais perçu comme le Goliath, le monstre.»

- Dr Dania Koleilat Khatib

Ce qui est encore plus grave pour Israël, c’est que les gens ne remettent plus seulement en question la campagne contre Gaza, mais commencent également à s’interroger au sujet de l’approche d’Israël sur d’autres fronts. La discussion va au-delà du nombre de morts et d’enfants tués à Gaza. On parle maintenant des colonies, de démolitions de maisons et de la dépossession du peuple palestinien. Auparavant, l’Occident considérait Israël comme un foyer pour les Juifs qui avaient été persécutés pendant des siècles. Aujourd’hui, Israël est considéré comme un projet colonial de peuplement et comme le dernier bastion du colonialisme blanc.

Les termes «État d’apartheid» et «projet colonial de peuplement» sont désormais utilisés dans les grands médias occidentaux. Cela ne peut pas être bon pour Israël. Depuis sa création, en 1948, ce dernier s’efforce de gagner en légitimité. Il utilise tous les outils possibles pour se présenter comme une démocratie et comme un phare de la civilisation occidentale au Moyen-Orient. Aujourd’hui, avec la guerre de Gaza, tous ses efforts antérieurs sont réduits à néant. Bien sûr, Israël tente de jouer la carte de l’antisémitisme pour faire taire ses critiques, mais cette vieille rengaine ne tient plus la route.

Néanmoins, les Israéliens vivent dans une bulle. Ils ne voient pas à quel point le monde qui les entoure a changé. Leur raisonnement est le suivant: le monde entier est contre nous, peu importe ce que nous faisons. Nous sommes seuls. Par conséquent, nous devons faire ce qu’il faut pour survivre et être forts. Netanyahou gonfle cette bulle au lieu d’obliger les Israéliens à faire face à la réalité. La dure vérité pour les Israéliens est que le monde ne regarde plus leur pays de la même manière qu’avant. Il est en train de perdre sa légitimité.

Actuellement, l’opposition internationale aux actions du gouvernement israélien se situe principalement sur le terrain. Toutefois, le changement politique suit le changement social. Si Israël poursuit son comportement, il deviendra tôt ou tard un paria. Israël ne peut pas survivre en tant que paria, isolé du commerce international. Lorsque cela se produira, les Israéliens commenceront à quitter Israël et Netanyahou entrera dans l’histoire comme l’homme qui a ruiné son propre pays.

La Dr Dania Koleilat Khatib est spécialiste des relations américano-arabes, en particulier sur les groupes de pression. Elle est cofondatrice du Research Center for Cooperation and Peace Building (Centre de recherche pour la coopération et la consolidation de la paix), une ONG libanaise axée sur la voie II.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com