Fuites dans l'armée: Berlin tente d'atténuer le scandale et plaide l'«erreur individuelle»

Le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius (Photo, AFP).
Le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 05 mars 2024

Fuites dans l'armée: Berlin tente d'atténuer le scandale et plaide l'«erreur individuelle»

  • La diffusion vendredi en Russie d'une conversation confidentielle entre des officiers de l'armée allemande sur l'aide militaire à Kiev a tourné à l'affaire d'Etat en Allemagne
  • Lundi, Moscou avait dénoncé «l'implication directe» des Occidentaux en Ukraine

BERLIN: L'Allemagne a cherché mardi à apaiser les esprits après le scandale d'écoutes par la Russie de l'armée allemande, attribuées à une "erreur individuelle" grave qui ne remet pas en cause, selon Berlin, la confiance des alliés.

La diffusion vendredi en Russie d'une conversation confidentielle entre des officiers de l'armée allemande sur l'aide militaire à Kiev a tourné à l'affaire d'Etat en Allemagne, et créé un malaise parmi les partenaires du pays.

Les premiers résultats de l'enquête ont montré que les "systèmes de communication de l'armée allemande ne sont pas et n'ont pas été compromis", a déclaré le ministre de la Défense Boris Pistorius lors d'une conférence de presse.

L'un des participants, qui se trouvait à Singapour, a accédé à la vidéoconférence via "une connexion non autorisée, donc quasiment une connexion ouverte", conduisant à l'interception de la discussion par les espions russes.

Au même moment se tenait un salon de l'aéronautique, auquel participaient aussi des hauts gradés de pays européens alliés, soit "du pain bénit pour les services secrets russes", a expliqué le ministre, partant du principe que l'accès illicite à la discussion entre les officiers allemands via le canal commercial Webex "était le fruit du hasard dans le cadre d'écoutes à grande échelle".

«Confiance» des alliés 

Si Boris Pistorius a reconnu que ces fuites constituaient "une grave erreur qui n'aurait pas dû se produire", il n'en juge toutefois pas moins "gérable" ce qui a été abordé dans cette conversation en termes de niveau de confidentialité.

Il y est notamment question de l'hypothèse de la livraison à Kiev de missiles de longue portée Taurus, de fabrication allemande.

Et ce alors même que le chancelier Olaf Scholz, pressé de toutes parts à équiper Kiev de ces puissantes armes de précision d'une portée de 500 km, a catégoriquement réfuté récemment cette éventualité, par crainte d'une escalade du conflit sur le territoire russe.

Le dirigeant avait aussi déclaré ne pas pouvoir suivre l'exemple des Britanniques et des Français, qui livrent des missiles de portée inférieure, en matière "de ciblage des armes", mettant en garde contre le risque que l'Allemagne se retrouve impliquée directement, une déclaration notamment accueillie avec irritation à Londres.

En dépit de l'émoi causé par ces écoutes, "la confiance" des alliés à l'égard de l'Allemagne demeure "intacte", a assuré M. Pistorius.

"Nos partenaires savent que nous enquêterons sur l'affaire de manière déterminée", a-t-il assuré, affirmant n'avoir noté "aucun signe de méfiance" ou d'"irritation" dans ses échanges avec d'autres capitales depuis le début de cette crise.

Le «jeu de Poutine»

La Commission chargée des affaires de défense au Bundestag, la chambre basse du parlement, doit tenir une réunion extraordinaire lundi pour faire un point sur l'affaire, a déclaré sa présidente Marie-Agnes Strack-Zimmermann, membre du parti libéral (FDP) allié au gouvernement de centre-gauche d'Olaf Scholz.

Les députés aborderont aussi la question de savoir "dans quelle mesure nos institutions sont préparées à une attaque hybride", a-t-elle déclaré.

Boris Pistorius a précisé qu'aucune conséquence individuelle n'était envisagée à ce stade dans le cadre de l'enquête préliminaire ouverte par ses services.

"Je ne vais pas faire le jeu (du président russe Vladimir) Poutine en sacrifiant mes meilleurs officiers", a-t-il précisé.

Le Kremlin cherche à "creuser un fossé entre nous", y compris entre les différents partis politiques allemands et ceux qui souhaitent "plus ou moins de soutien à l'Ukraine", a insisté le ministre.

Lundi, Moscou avait dénoncé "l'implication directe" des Occidentaux en Ukraine.

Et le ministère de la Justice russe a inscrit la fondation allemande Friedrich Ebert, proche des sociaux-démocrates de M. Scholz, sur une liste d'organisations indésirables en Russie.

Trois autres organisations allemandes ont également été placées sur cette liste.

 

Espionnage: ce que l'on sait sur les fuites dans l'armée allemande

Voici ce que l'on sait d'une affaire qui éclate au moment où la question du soutien occidental à l'Ukraine suscite de nombreuses tensions.

 Qu'est-ce qui a fuité ?

L'enregistrement d'une conversation entre le lieutenant général de l'armée de l'air Ingo Gerhartz et d'autres officiers de haut rang allemands a été diffusé le 1er mars sur les réseaux sociaux depuis la Russie, présenté comme datant du 19 février.

Il y est notamment question de l'hypothèse de la livraison à Kiev de missiles de longue portée Taurus, de fabrication allemande, que l'Ukraine demande.

Berlin a confirmé l'authenticité de l'enregistrement, qui a été "intercepté". La conversation a eu lieu via la plateforme de visioconference WebEx, mais dans sa version plus protégée que l'application grand public, selon le ministre de la Défense allemand Boris Pistorius.

Cependant, l'un des participants s'est connecté de manière non sécurisée depuis Singapour où se déroulait un salon aéronautique, évènement très suivi par les renseignements russes qui effectuaient pour l'occasion des "écoutes à grand échelle", a-t-il expliqué.

Quels thèmes ont été abordés ?

Les officiers évoquent des détails embarrassants à propos de possibles livraisons des Taurus, parlant d'un nombre allant jusqu'à cent pièces, dont la moitié lors d'une première tranche.

Ils abordent également l'option de frappes visant le pont de Crimée qui relie la péninsule ukrainienne - annexée par Moscou en 2014 - au territoire russe, l'un des officiers soulignant qu'il faudrait entre 10 et 20 missiles pour venir à bout de l'ouvrage.

Officiellement, Berlin refuse de livrer ces Taurus à Kiev, en arguant d'un risque d'escalade du conflit car cela entraînerait, de l'avis du chancelier Olaf Scholz, l'implication de soldats allemands pour aider au maniement des armes.

Or, les officiers allemands espionnés jugent au contraire que cela ne serait pas forcément nécessaire.

Quel impact pour le chancelier Scholz ?

Dans la conversation, les officiers révèlent aussi des détails sur la manière dont le Royaume-Uni et la France aident l'armée ukrainienne à utiliser les missiles de longue portée Scalp/Storm Shadow, qu'ils livrent à Kiev.

Le bureau du Premier ministre britannique a indiqué qu'un "petit nombre de personnels" étaient sur le terrain en Ukraine pour assurer la sécurité des diplomates et soutenir les troupes ukrainiennes, dont des médecins, refusant de commenter les questions opérationnelles.

Selon le ministère britannique de la Défense, "l'utilisation par l'Ukraine (du missile) Storm Shadow et ses processus de ciblage sont l'affaire des forces armées ukrainiennes".

"Tous les services de renseignements européens sont présents en Ukraine. Mais ce ne sont pas des unités de combat", relativise auprès de l'AFP une source diplomatique ukrainienne.

"Lorsque les Occidentaux nous livrent des armes, il faut des hommes pour accompagner, former, utiliser le matériel. Les experts sont sur le terrain", précise cette source.

Quelles réactions en Allemagne ?

En Allemagne, c'est une déflagration. Vladimir Poutine cherche "à nous déstabiliser", a accusé Boris Pistorius, parlant "d'une guerre de l'information".

Les responsables politiques y voient une manoeuvre de Moscou pour faire pression sur le chancelier Olaf Scholz afin qu'il ne livre pas les missiles Taurus à Kiev, malgré les demandes répétées des Ukrainiens.

Au sujet des systèmes de communication de l'armée allemande, le ministre de la Défense a assuré que selon une première enquête, ils sont fiables, "ne sont pas et n'ont pas été compromis". Suite à des échanges avec ses alliés européens, il assure que "la confiance en l'Allemagne est intacte".

Il a ajouté qu'il y aurait des procédures disciplinaires mais que personne ne serait licencié: "Je ne céderai pas mes meilleurs officiers au jeu de (Vladimir) Poutine".


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. »