BORDEAUX: Un adolescent de 16 ans a été tué et quatre hommes, dont trois jeunes, blessés samedi soir dans un quartier populaire de Bordeaux, lors d'une fusillade à l'arme automatique qui pourrait être liée à des rivalités inter-cités, marque inquiétante selon la mairie d'une « escalade » locale de la délinquance armée.
Vers 22 h 50, un groupe de jeunes qui se trouvait sur une placette au coeur des Aubiers, une cité d'environ 3 500 habitants du nord de Bordeaux, a été la cible de tirs en rafale à l'arme automatique depuis un véhicule passant à leur hauteur, a indiqué le parquet dans un communiqué.
Après sécurisation de la zone par la police, les pompiers ont secouru un adolescent de 16 ans grièvement blessé, qui est décédé peu après au CHU de Bordeaux. Trois adolescents de 13 à 16 ans et un homme de 35 ans, également blessés, sont parvenus à s'enfuir en pénétrant dans un immeuble.
Les adolescents ont été hospitalisés au CHU, l'un d'eux atteint d'une balle sous le coeur, mais dont les jours ne seraient pas en danger, un autre touché au biceps et à l'omoplate, un troisième au genou. L'homme de 35 ans, blessé au mollet, s'est présenté plus tard à une clinique.
« On a eu très, très peur », a raconté Habib, un habitant de la cité qui a vu de sa fenêtre une partie de la fusillade et a décrit « plusieurs passages » en voiture d'un ou des agresseurs. Selon lui, parmi les victimes figuraient des adolescents tenant un petit étal improvisé où ils vendaient des boissons.
Selon le parquet, des vidéos sont en cours d'exploitation dans le cadre de l'enquête de police judiciaire et de nombreuses douilles ont été découvertes – « plusieurs dizaines » selon Vincent Maurin, maire-adjoint de Bordeaux pour le quartier.
Armes et détermination
La cité était calme dimanche avec des jeunes rassemblés aux abords des immeubles, mais une hostilité latente persistait à l'égard des visiteurs. Un photo-reporter de l'agence Rea a indiqué avoir été brièvement pris à partie par un groupe, recevant un coup de poing.
La cité des Aubiers avait été dans la nuit de la Saint-Sylvestre le théâtre d'incidents répétés : des arrêts de bus et tramway ont été détruits, un bureau de poste incendié et des mortiers d'artifice et projectiles tirés vers des policiers en intervention. Les incidents n'ont pas fait de blessé et n'avaient, deux jours plus tard, donné lieu à aucune interpellation.
Le quartier est aussi associé à des rivalités sporadiques avec des jeunes de deux autres cités du nord de l'agglomération. Or la fusillade de samedi, aux apparences d'expédition punitive, « selon les premières informations, a tout l'air » d'être liée à une telle rivalité, selon une source proche du dossier.
Le parquet évoque une fusillade s'inscrivant « dans une escalade des tensions constatées entre quartiers depuis plusieurs semaines, sans que, à cette heure, aucun élément ne permette de relier ces éléments entre eux ».
Le maire (EELV) de Bordeaux, Pierre Hurmic, aux côtés des élus dimanche matin à la mairie du quartier englobant les Aubiers, a fait part à des journalistes de son inquiétude face à l'« escalade depuis quelque temps d'une criminalité organisée avec des armes lourdes », alors que Bordeaux « a longtemps été à l'abri des phénomènes de grande délinquance ».
Son adjoint à la Sécurité Amine Smihi a jugé « très inquiétants » deux aspects: que « des armes de calibre et nature quasi-automatique circulent à ce niveau dans la population » et « le degré de détermination concerné: des gens qui n'étaient pas venus pour parader, fanfaronner ou défier, mais manifestement avec l'intention de tuer ». Ces derniers temps, « nos acteurs sociaux nous font remonter que la tension monte », a-t-il relevé.
« Un nouveau cap est franchi, qui dépasse les structures de contenance sociale des quartiers », a appuyé M. Maurin, qui a dit ne « pas reconnaître » la cité ou il a vécu dans les années 1980. Pourtant, « il se passe des choses positives » aux Aubiers, un quartier prioritaire, objet d'un vaste projet de renouvellement urbain, et qui prépare des manifestations pour son 50e anniversaire (le quartier date de 1970). « Une partie de la population s'est toujours impliquée, mais aujourd'hui elle a peur », déplore l'élu.