EREVAN: L'Arménie et l'Azerbaïdjan se sont accusés mutuellement mardi d'avoir procédé à des tirs à la frontière entre ces deux pays rivaux du Caucase, un incident qui a fait au moins quatre morts parmi les soldats arméniens selon Erevan.
Les tensions restent prégnantes entre les deux pays, Erevan accusant l'Azerbaïdjan d'avoir de nouvelles ambitions territoriales -- ce que Bakou dément fermement -- depuis la reconquête, en septembre, de la région séparatiste du Haut-Karabakh.
Mardi matin, "les tirs des forces armées azerbaïdjanaises en direction des positions de combat arméniennes près de Nerkin Hand (dans le sud-est de l'Arménie) ont fait quatre morts au combat et un blessé du côté arménien", a dit le ministère arménien de la Défense dans un communiqué.
Un précédent bilan donné par Erevan faisait état de deux militaires tués dans cet accrochage frontalier.
De son côté, le Service azerbaïdjanais des garde-frontières a affirmé que l'armée azerbaïdjanaise avait mené une "opération de vengeance" en réponse à une "provocation" des forces arméniennes commise lundi soir selon Bakou et qui a blessé un soldat azerbaïdjanais.
Selon un communiqué du ministère azerbaïdjanais de la Défense, les forces arméniennes ont tiré à deux reprises lundi soir sur ses positions "en direction du village de Kokhanabi, dans la région de Tovouz" (nord-ouest de l'Azerbaïdjan).
Réélection d'Aliev
A l'issue de l'opération mardi, "le poste militaire d'où provenaient ces tirs (...) a été entièrement détruit", ont assuré les garde-frontières azerbaïdjanais, en promettant une "riposte encore plus sévère" à "chaque provocation" à la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.
Le ministère arménien de la Défense a rejeté ces accusations en affirmant qu'elles "ne correspondent pas à la réalité", accusant par ailleurs Bakou de "saper" les efforts pour "la stabilité et la sécurité du Caucase du Sud".
Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a lui déploré "les tirs arméniens sur les soldats azerbaïdjanais d'hier", tout en jugeant que "la réaction de l'Azerbaïdjan aujourd'hui semble disproportionnée".
"Le recours à la force nuit aux négociations. Toute violation du cessez-le-feu doit faire l'objet d'une enquête et d'un traitement approprié", a déclaré pour sa part le porte-parole du département d'Etat américain, Matthew Miller, réitérant que Washington était favorable à une paix négociée.
De son côté, le Kremlin a appelé "les deux parties à la retenue".
Cet incident survient quelques jours après la réélection à la tête de l'Azerbaïdjan d'Ilham Aliev, au pouvoir depuis deux décennies dans ce pays riche en hydrocarbures.
L'homme fort de Bakou, âgé de 62 ans, surfe sur sa victoire militaire contre les séparatistes arméniens du Haut-Karabakh, qui a mis fin à trois décennies de sécessionnisme marquées par deux guerres.
En septembre 2023, l'armée azerbaïdjanaise, à la faveur d'une offensive éclair, a pris entièrement le contrôle de cette enclave montagneuse qui était dirigée par des séparatistes arméniens depuis le chute de l'URSS, poussant des dizaines de milliers d'habitants à fuir vers l'Arménie.
Équilibre fragile
Le président azerbaïdjanais est cependant suspecté par Erevan d'avoir d'autres ambitions territoriales: le contrôle de la région arménienne de Siounik pour relier l'enclave azerbaïdjanaise du Nakhitchevan au reste de l'Azerbaïdjan.
Face à cette crainte, l'Arménie a rejoint officiellement fin janvier la Cour pénale internationale, qui mène des enquêtes et juge les personnes accusées des crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale.
L’Azerbaïdjan nie de son côté toute volonté d'expansion territoriale.
Ces derniers mois, plusieurs cycles de négociations chapeautées séparément, par l'Union européenne, les Etats-Unis et la Russie --allié traditionnel de l'Arménie--, n'ont pas donné de résultats et des incidents armés ont toujours régulièrement lieu à la frontière entre les deux pays.
Fin janvier, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian avait affirmé avoir proposé à l'Azerbaïdjan de signer "un pacte de non-agression", dans l'attente d'un traité de paix, quelques semaines après que son homologue azerbaïdjanais, Ilham Aliev, eut assuré ne pas vouloir une "nouvelle guerre".
Début décembre 2023, les deux pays s'étaient engagés à prendre "des mesures concrètes" pour "normaliser" leurs liens. Moins d'une semaine plus tard, ils échangeaient des prisonniers de guerre.