Face aux menaces de Trump, Paris, Berlin et Varsovie plaident pour une Europe unie

Les ministres des Affaires étrangères français, allemande et polonais ont présenté un visage uni lundi près de Paris (Photo, AFP).
Les ministres des Affaires étrangères français, allemande et polonais ont présenté un visage uni lundi près de Paris (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 13 février 2024

Face aux menaces de Trump, Paris, Berlin et Varsovie plaident pour une Europe unie

  • Donald Trump a menacé de ne plus garantir la protection des pays de l'Otan face à la Russie si ceux-ci ne payaient pas leur part
  • Allemagne, France et Pologne ont un poids militaire très important au sein de l'UE et disposent également d'une large représentativité politique.

LA-CELLE-SAINT-CLOUD: "Plan" pour la lutte contre la désinformation russe, soutien réitéré à l'Ukraine mais surtout union face aux menaces proférées par Donald Trump : les ministres des Affaires étrangères français, allemande et polonais ont présenté un visage uni lundi près de Paris.

"Nous ne nous laisserons pas nous diviser", a affirmé le chef de la diplomatie polonaise Radoslaw Sikorski, invité, comme homologue allemande Annalena Baerbock par le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, à une réunion en format "Weimar" au château de La Celle-Saint-Cloud.

Dans cette résidence historique de banlieue parisienne, propriété du ministère des Affaires étrangères qui accueillit autrefois la reine Elisabeth II et la "First Lady" Jacqueline Kennedy, une tirade de l'ex-président américain, qui souhaite faire son retour à la Maison Blanche, résonnait dans toutes les têtes.

Dimanche, lors d'un meeting de campagne, Donald Trump avait ainsi semé le trouble en menaçant de ne plus garantir la protection des pays de l'Otan face à la Russie si ceux-ci ne payaient pas leur part, affirmant même qu'il "encouragerait" Moscou à s'en prendre à eux.

Des propos qualifiés d'"irresponsables" par le président allemand, Frank-Walter Steinmeier, en visite à Chypre. "Toute relativisation de la garantie d'assistance de l'Otan" est "dangereuse" et "ne sert que les intérêts de la Russie", a estimé le chancelier allemand Olaf Scholz lors d'une conférence de presse à Berlin.

Lundi, France, Allemagne et Pologne, trois pays au poids considérable tant sur le plan géographique - ils représentent à la fois l'Europe de l'Ouest, centrale et de l'Est - que sur le plan démographique avec quelque 200 millions d'habitants, soit près de la moitié de la population de l'UE, ont donc affiché leur union.

"L'alliance atlantique n'est pas un contrat avec une entreprise de sécurité", a souligné M. Sikorski. Quand après le 11 septembre 2001, "la Pologne a envoyé une brigade armée pendant dix ans en Afghanistan, on n'a pas envoyé la facture à Washington", a-t-il poursuivi, préférant se souvenir du président Trump qui "avait envoyé des missiles Javelin à l'Ukraine" avant l'invasion russe de février 2022.

Le ministre français des Affaires étrangère a, lui, plaidé pour une "deuxième assurance vie" européenne, "pas en substitution, pas contre l'Otan mais en addition" de cette organisation.

"Tous les quatre ans (soit au rythme des scrutins présidentiels américains, NDLR), l'Europe ne peut pas se payer le luxe de réfléchir à sa propre sécurité et d'être dépendant d'une élection extérieure", a-t-il argumenté.

«Sens de l'histoire»

"C'est le sens de l'histoire", a affirmé M. Séjourné, ajoutant qu'il fallait se préparer à la possibilité que le républicain Donald Trump fasse son retour à la Maison Blanche.

Son homologue allemande Annalena Baerbock a, elle, insisté sur le "besoin d'une union européenne de la sécurité et de la défense", tout en réitérant l'importance de défendre l'Ukraine.

"Les milliards que nous investissons en Ukraine, ce sont des milliards que nous investissons dans notre propre sécurité", a-t-elle affirmé.

Allemagne, France et Pologne ont un poids militaire très important au sein de l'UE --plus d'un quart des dépenses dans ce secteur-- et disposent également d'une large représentativité politique.

Avant cette rencontre, le président Emmanuel Macron avait reçu le Premier ministre polonais Donald Tusk à l'Elysée, scellant ainsi les retrouvailles entre Paris et Varsovie après des années diplomatiquement tendues sous le précédent gouvernement nationaliste du PiS. M. Tusk s'est ensuite rendu à Berlin.

Les ministres des Affaires étrangères ont également dévoilé une nouvelle coopération contre les opérations étrangères de désinformation, venant notamment de Russie, alors que la France a annoncé lundi avoir mis au jour un réseau "structuré et coordonné de propagande russe" ciblant des pays européens et les Etats-Unis.

Au moins 193 sites internet constituent ce réseau, selon un rapport de Viginum, l'organisme français de lutte contre les ingérences numériques étrangères. Ils "ne produisent aucun contenu original mais relaient massivement" un discours prorusse, expliquent les auteurs.

"Les réseaux, la désinformation, les sites falsifiés sont une attaque contre notre démocratie européenne", a observé Mme Baerbock, qui a appelé à "développer un plan pour gérer la désinformation".

Paris, Berlin et Varsovie estiment que la coopération renforcée dans le cadre du triangle de Weimar est un moyen de consolider la position de l'Europe sur la scène internationale et de répondre plus efficacement aux défis communs.


Cyberattaques : Berlin a rappelé «pour consultations» son ambassadeur en Russie

L'ambassadeur allemand en Russie, Alexander Graf Lambsdorff  (Photo, AFP).
L'ambassadeur allemand en Russie, Alexander Graf Lambsdorff (Photo, AFP).
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  • Une cyberattaque a notamment ciblé des adresses email de responsables du SPD, le parti social-démocrate du chancelier Olaf Scholz
  • Les pays occidentaux sont depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, en février 2022, en alerte maximum contre le risque d'attaques informatiques massives

BERLIN: Berlin a indiqué lundi avoir rappelé pour consultations son ambassadeur en Russie, Alexander Graf Lambsdorff, après avoir accusé vendredi un groupe de hackeurs russes contrôlé par Moscou d'une récente campagne de cyberattaques.

L'ambassadeur "restera une semaine à Berlin puis retournera à Moscou", a indiqué lors d'un point presse régulier la porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères, Kathrin Deschauer, ajoutant que le gouvernement prenait "très au sérieux" cet "acte contre (notre) démocratie".

Les gouvernements allemand et tchèque ont accusé vendredi le groupe APT28, dirigé par les services de renseignement de la Russie, d'une récente campagne de cyberattaques dans leur pays respectif. Des accusations jugées "infondées" par la Russie.

Attaques ciblées 

Une cyberattaque a notamment ciblé des adresses email de responsables du SPD, le parti social-démocrate du chancelier Olaf Scholz, selon le gouvernement.

Berlin a annoncé vendredi la convocation du chargé d'affaires de l'ambassade de Russie, "pour faire comprendre au gouvernement russe que nous n'acceptons pas ces actions".

Les pays occidentaux sont depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, en février 2022, en alerte maximum contre le risque d'attaques informatiques massives et d'opérations de désinformation orchestrées par la Russie.


Exercice américano-philippin contre une «invasion» en mer de Chine

Le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a quant à lui assuré lundi que son pays n'entendait pas "faire monter la tension" en mer de Chine méridionale (Photo, Fournie).
Le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a quant à lui assuré lundi que son pays n'entendait pas "faire monter la tension" en mer de Chine méridionale (Photo, Fournie).
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  • Ces incidents font craindre un conflit plus large qui pourrait impliquer les Etats-Unis, allié des Philippines
  • La semaine dernière, les forces américaines participant à Balikatan avaient tiré des roquettes de précision Himars depuis l'île occidentale de Palawan

LAOAG: Les troupes américaines et philippines ont tiré lundi des obus et des missiles sur une force d'"invasion" imaginaire pendant des exercices en mer de Chine méridionale, dans le nord des Philippines où les deux pays ont récemment accusé la Chine de "conduite dangereuse et déstabilisante".

Plus de 16.700 soldats américains et philippins participent à ces manoeuvres annuelles navales, terrestres et aériennes organisées jusqu'au 10 mai dans une zone où les incidents à répétition entre embarcations chinoises et philippines font craindre un conflit plus large.

Les soldats américains massés sur les dunes de la côte nord-ouest des Philippines, près de la ville de Laoag, à 400 kilomètres au sud de Taïwan, ont tiré plus de 50 obus de 155 millimètres sur des cibles flottantes à environ cinq kilomètres de la côte, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Les troupes philippines ont enchaîné avec des tirs de roquettes vers les attaquants factices, avant que les deux forces ne finissent l'exercice avec des mitrailleuses, des missiles Javelin et d'autres salves d'artillerie.

Cet exercice à munitions réelles, baptisé "Balikatan" ("Epaule contre épaule" en tagalog, la langue philippine), vise à "se préparer au pire", a déclaré aux journalistes le commandant de la Première force expéditionnaire des Marines des Etats-Unis, Michael Cederholm.

"Il est conçu pour repousser une invasion", a-t-il ajouté sur le site de l'exercice, débuté le 22 avril dans plusieurs endroits des Philippines. "Notre flan nord-ouest est plus exposé", a détaillé à l'AFP le général philippin Marvin Licudine, dirigeant l'exercice pour la partie philippine. "A cause des problèmes régionaux, nous devons dès maintenant nous entraîner sur notre propre sol".

Pékin revendique la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale, une importante route commerciale. Elle ignore un arbitrage international qui lui a donné tort en 2016, et y fait patrouiller des centaines de navires des garde-côtes et de la marine.

La semaine dernière, Manille a accusé les garde-côtes chinois d'avoir endommagé un bateau des garde-côtes philippins et un autre du bureau des pêches en tirant dessus au canon à eau près du récif de Scarborough, contrôlé par la Chine mais revendiqué par les Philippines.

Des exercices en forme de dissuasion 

Ces incidents font craindre un conflit plus large qui pourrait impliquer les Etats-Unis, allié des Philippines, et d'autres pays de la région, dans une période où la Chine renforce sa pression diplomatique et militaire autour de Taïwan.

La semaine dernière, les ministres de la Défense des Philippines, des Etats-Unis, du Japon et de l'Australie ont, à l'issue d'une réunion dans l'archipel américain d'Hawaï, publié un communiqué conjoint dénonçant la "conduite dangereuse et déstabilisante" de Pékin en mer de Chine méridionale.

"Les actions de la Chine dans les mers de Chine orientale et méridionale sont légitimes, légales et irréprochables", avait auparavant affirmé le 12 avril le ministère chinois des Affaires étrangères.

La semaine dernière, les forces américaines participant à Balikatan avaient tiré des roquettes de précision Himars depuis l'île occidentale de Palawan, face aux îles Spratleys également disputées.

Selon l'armée américaine, il s'agissait d'une répétition du déploiement rapide du système Himars sur les côtes philippines bordées par la mer de Chine méridionale afin de "sécuriser et de protéger le territoire, les eaux territoriales et les intérêts de la zone économique exclusive des Philippines".

"Les exercices militaires sont une forme de dissuasion", a déclaré le ministre philippin des Affaires étrangères, Enrique Manalo, dans un discours prononcé en son nom par un assistant lors d'un atelier public vendredi. "Plus nous simulons, moins nous agissons."

Le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a quant à lui assuré lundi que son pays n'entendait pas "faire monter la tension" en mer de Chine méridionale.

"Nous ne suivrons pas les garde-côtes chinois et les navires chinois dans cette voie", a-t-il dit. "Nous n'avons pas l'intention d'attaquer qui que ce soit avec des canons à eau ou tout autre équipement offensif", a-t-il poursuivi, ajoutant que Manille continuera à utiliser exclusivement la voie diplomatique pour régler les différends avec Pékin.


La mésaventure d'un proviseur américain, cas d'école des dangers de l'IA

Les mots « Intelligence artificielle IA », miniature d’un robot et d’une main jouet sont représentés sur cette illustration prise le 14 décembre 2023 (Photo, Reuters).
Les mots « Intelligence artificielle IA », miniature d’un robot et d’une main jouet sont représentés sur cette illustration prise le 14 décembre 2023 (Photo, Reuters).
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  • Eric Eiswert, proviseur à Pikesville dans le Maryland, près de Washington, s'est retrouvé au coeur d'une violente polémique avec un enregistrement vocal
  • L'affaire, qui survient en pleine année électorale aux Etats-Unis, met en lumière la facilité avec laquelle les outils d'IA générative peuvent être employés pour nuire à tout un chacun

WASHINGTON: Après l'indignation provoquée dans un lycée américain par la diffusion de propos racistes attribués au proviseur, le vertige de découvrir que la bande sonore a été montée de toutes pièces. Cet épisode illustre les dangers d'une intelligence artificielle devenue accessible à tous.

Eric Eiswert, proviseur à Pikesville dans le Maryland, près de Washington, s'est retrouvé au coeur d'une violente polémique avec un enregistrement vocal -- qui se révélera un faux -- lui faisant prononcer des commentaires choquants contre des élèves juifs et des "enfants noirs ingrats".

L'affaire, qui survient en pleine année électorale aux Etats-Unis, met en lumière la facilité avec laquelle les outils d'IA générative peuvent être employés pour nuire à tout un chacun, et les difficultés auxquelles font face les autorités pour lutter contre de telles pratiques.

"Désormais, tout le monde est vulnérable", et non plus seulement les célébrités, alerte Hany Farid, professeur à l'Université de Californie à Berkeley (ouest).

"Il suffit d'une image pour ajouter une personne dans une vidéo, et 30 secondes d'audio pour cloner la voix de quelqu'un", poursuit le spécialiste en détection d'images et d'enregistrements manipulés numériquement, consulté par la police dans cette affaire.

Quand l'enregistrement fuite sur les réseaux sociaux en janvier, il devient rapidement viral. Une publication recueille des milliers de commentaires sur Instagram, et propulse l'école au coeur d'une polémique nationale.

Le militant des droits civiques DeRay McKesson réclame la démission du proviseur sur son compte X, suivi par près d'un million d'internautes. Il admettra s'être fait abuser.

Les messages haineux pleuvent sur les réseaux sociaux et les coups de fil menaçants se multiplient dans l'établissement. Le "monde serait meilleur si vous étiez sous terre", écrit ainsi un internaute au proviseur.

Ce dernier est placé en congés, son domicile mis sous protection. Contacté par l'AFP, il n'a pas répondu.

Vengeance 

"Je continue de m'inquiéter des dégâts provoqués par cette affaire", confie Billy Burke, directeur du syndicat représentant le proviseur.

Fin avril, Dazhon Darien, 31 ans, responsable sportif du lycée, a été arrêté par les autorités, accusé d'être à l'origine du faux. Les enquêteurs sont remontés jusqu'à lui grâce à l'adresse électronique qui a initialement partagé le fichier.

Il aurait agi pour se venger d'une enquête ouverte à son encontre par le proviseur sur des paiements suspects.

Le prévenu a mené des recherches sur des outils d'IA depuis le réseau informatique du lycée, selon l'acte d'accusation.

La bande sonore, selon l'analyse d'un expert consulté par la police, "contient des traces de contenu généré par l'IA, avec un montage humain a posteriori".

Cette affaire démontre la nécessité "d'adapter la loi aux avancées technologiques", a estimé le procureur local, Scott Shellenberger.

Les montages audio sont particulièrement difficiles à déceler. En janvier, un message diffusé par appels téléphoniques automatisés usurpant la voix du président Joe Biden incitait les électeurs démocrates de l'Etat du New Hampshire (nord-est) à s'abstenir lors des primaires pour du parti.

A Pikeville, l'affaire a secoué les habitants, "très proches les uns des autres", raconte Parker Bratton, l'entraîneur de golf du lycée.

"Il y a un seul président, mais il y a un million de proviseurs!", s'inquiète-t-il, "les gens se demandent +Que va-t-il m'arriver si quelqu'un décide tout simplement de détruire ma carrière?+".