En Azerbaïdjan, le président Aliev vers la prolongation de son règne

Des affiches de campagne des candidats à la présidentielle, dont le président Ilham Aliyev, sont visibles à Bakou avant l'élection présidentielle anticipée du 2 février 2024 (Photo, AFP).
Des affiches de campagne des candidats à la présidentielle, dont le président Ilham Aliyev, sont visibles à Bakou avant l'élection présidentielle anticipée du 2 février 2024 (Photo, AFP).
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Publié le Dimanche 04 février 2024

En Azerbaïdjan, le président Aliev vers la prolongation de son règne

  • Ilham Aliev, 62 ans, peut donc se targuer d'avoir «réunifié» son pays
  • L'élection présidentielle était prévue en 2025, mais l'homme fort de ce pétro-Etat du Caucase a décidé d'avancer le vote

BAKOU: Le président azerbaïdjanais Ilham Aliev, cultivant une image de chef de guerre après une victoire militaire au Haut-Karabakh, est assuré de remporter un nouveau mandat mercredi lors d'un scrutin qualifié de "farce" par l'opposition qui le boycotte.

L'élection présidentielle était prévue en 2025, mais l'homme fort de ce pétro-Etat du Caucase a décidé d'avancer le vote du fait de "la restauration de la souveraineté" sur l'ensemble du territoire.

Comprendre: la victoire éclair de son armée en septembre contre les troupes séparatistes arméniennes du Haut-Karabakh après plus de trente ans de sécessionnisme et de guerre.

L'opération militaire azerbaïdjanaise, qui a triomphé en 24 heures, a également provoqué l'exode de la quasi-totalité de la population arménienne, ouvrant la voie à l'installation d'Azerbaïdjanais dans cette région.

Ilham Aliev, 62 ans, peut donc se targuer d'avoir "réunifié" son pays, et l'élection présidentielle de mercredi doit donc couronner le début d'une "nouvelle ère" pour l'Azerbaïdjan, a-t-il clamé en janvier.

"Sa popularité est à son apogée", note auprès de l'AFP Najmin Kamilsoy, un expert indépendant basé à Bakou. "Il a l'impression d'être dans la meilleure position possible pour étendre son pouvoir sur sept années de plus", explique-t-il.

Droits «violés»

Rien ne devrait l'en empêcher, car l'Azerbaïdjan est "l'un des pays les plus répressifs de la région", rappelle Giorgi Gogia, responsable de l'ONG Human Rights Watch.

Ces derniers mois, les autorités ont arrêté une dizaine de journalistes indépendants, déjà rares dans le pays. En décembre, une figure de l'opposition, Tofig Yagublu, a connu le même sort.

Tous ont été accusés de différentes fraudes qui ne sont, selon leurs défenseurs, que des prétextes.

Selon Giorgi Gogia, ces interpellations pourraient être dues à l'élection. Même si Ilham Aliev n'a aucun rival crédible, le régime refuse de laisser la moindre "possibilité d'expression critique dans le pays", souligne-il.

Dans un tel climat, personne ne se fait d'illusions sur l'issue du scrutin, si bien que les deux principaux partis d'opposition ont préféré le boycotter.

Ali Kerimli, qui dirige le Front populaire d'Azerbaïdjan, a dit refuser de participer à cette "farce", qui n'est qu'une "imitation de démocratie".

"Tous les droits fondamentaux des citoyens sont grossièrement violés", avait-il dénoncé en décembre. Les rassemblements sont interdits, les médias "contrôlés" par le régime ou brutalement punis et toute dissidence est réprimée, avait-il énuméré.

 

Caviar, pétrole et dynastie: cinq caractéristiques de l'Azerbaïdjan

Entre pouvoir quasi dynastique, manne pétrolière et caviar, voici cinq caractéristiques de ce pays ex-soviétique du Caucase.

Dynastie

Le pays est dirigé presque sans discontinuer, depuis plus de 50 ans, par une même famille: les Aliev.

En 1969, Heydar Aliev, ancien chef du KGB local, prend le pouvoir de ce qui est encore une république soviétique. Excepté un court hiatus, il restera aux commandes jusqu'à sa mort en 2003. Depuis, c'est son fils Ilham qui occupe la présidence.

Selon les opposants et des enquêtes de grands médias occidentaux, la famille Aliev a amassé une fortune considérable grâce aux hydrocarbures, et s'est arrogé des pans entiers de l'économie du pays.

En 2017, Ilham Aliev a nommé sa femme Mehriban Alieva première vice-présidente. Elle s'est aussi vue décerner la plus importante décoration d'Azerbaïdjan: l'ordre... Heydar Aliev.

Terre du feu

Les flammes naturelles qui surgissent du sol azerbaïdjanais ont valu au pays le surnom la "Terre du feu", une expression qui trouve ses origines dans le zoroastrisme, religion monothéiste venue de l'ancien Iran, qui fut dominante en Azerbaïdjan jusqu'à sa conversion à l'islam chiite.

L'analogie au feu se décline encore aujourd'hui un peu partout: l'expression "Terre du feu" anime les campagnes de promotion touristique, une flamme constitue l'élément central des armoiries nationales et les trois gratte-ciel dominant Bakou sont appelés les "Flame Towers".

Ce feu est bien sûr l'émanation de la richesse du sous-sol --pétrole et gaz--, les hydrocarbures représentant les deux tiers du PIB du pays.

Le voyageur italien Marco Polo mentionnait déjà au 13e siècle le pétrole y jaillissant de la terre.

Avec la révolution industrielle, la production pétrolière a changé de registre. Au milieu du 19e siècle, l'extraction est automatisée, les raffineries se multiplient et les navires pétroliers apparaissent.

Parmi les premiers étrangers à se lancer dans les hydrocarbures à Bakou: les frères Nobel.

Caviar noir

En tant que pays riverain de la mer Caspienne, l'Azerbaïdjan a une longue tradition de production de caviar noir, les œufs d'esturgeon bélouga dont le kilo se vend des milliers d'euros.

Du fait de la surpêche et de la pollution, cette espèce de poisson est aujourd'hui au bord de l'extinction. Des règles strictes et des restrictions drastiques organisent désormais la production de caviar sauvage.

En parallèle, l'émergence de fermes d'esturgeons partout dans le monde a transformé le marché du caviar, dont l'Azerbaïdjan n'est plus un acteur dominant.

Enfin, l'Azerbaïdjan, c'est aussi le pays de la "diplomatie du caviar", un scandale de corruption détaillé dans une enquête d'une dizaine de médias en 2017 et qui racontait comment Bakou offrait caviar et autres luxueux cadeaux pour se garantir "la bienveillance de responsables occidentaux", relevait le journal Le Monde.

De l'improvisation

Art complexe, entre poésie classique et improvisation musicale, le mugham est un genre musical traditionnel reflétant la longue histoire du pays et ses contacts avec les Perses, les Arméniens, les Géorgiens et d'autres peuples turcs.

Le chanteur, accompagné de musiciens jouant des instruments traditionnels de la région, le tar (luth à long manche), le kamancha (violon à pique à quatre cordes) et le daf (sorte de grand tambourin), se prête à de nombreuses improvisations tant musicales que poétiques.

Une sélection de mughams azerbaïdjanais fut enregistrée sur le "Disque de Voyager", embarqué à bord des deux sondes spatiales Voyager lancées en 1977, sorte de bouteilles à la mer interstellaires.

Cheval karabakh

C'est l'animal national: le karabakh est un petit cheval de montagne, réputé pour sa résistance et sa vitesse. C'est aussi la première race chevaline reconnue par l'Unesco comme faisant partie du patrimoine culturel immatériel de l'humanité.

Grâce à ses qualités, le karabakh est la monture idéale pour pratiquer le tchovgan, un jeu équestre traditionnel se rapprochant du polo.

Mais la race est en danger: elle compte aujourd'hui moins de 1.000 individus.

Ce boycott est devenu une norme: les partis avaient fait le même choix lors de plusieurs élections locales ainsi que lors du dernier scrutin présidentiel, en 2018.

Face à Ilham Aliev, six candidats méconnus sont en lice. Aucun n'est considéré comme un véritable opposant, et l'un d'eux a même récemment chanté publiquement les louanges du président azerbaïdjanais.

En 2018, le dirigeant avait reçu 86% des voix, un score mirobolant obtenu au prix de "graves irrégularités", selon les observateurs.

Cette année, la campagne a été quasiment inexistante, signe d'après les observateurs d'une apathie croissante de la population. Plus encore qu'en 2018, où quelques manifestations avaient été organisées.

«Pas d'alternative»

L'opposition est, de toute façon, "plutôt impopulaire" et vue comme "obsolète", estime Najmin Kamilsoy. Elle n'offre pas "de vision d'avenir ou d'espoir" à la population, affirme-t-il.

Selon le politologue Farhad Mammadov, "il n'y a pas d'alternative à Ilham Aliev".

Ses critiques accusent le dirigeant de profiter de la manne pétrolière et gazière afin d'enrichir les siens.

Il a nommé sa femme, Mehriban Alieva, vice-présidente et son fils pourrait bien lui succéder un jour.

Ses soutiens, en revanche, louent ses qualités de grand modernisateur, qui a assuré la prospérité et la sécurité du pays.

Il avait été élu pour la première fois en 2003 dans cette ex-république soviétique riche en hydrocarbures, succédant à son père Heydar, un ancien officier du KGB local qui dirigeait le pays depuis 1969.

Pour Najmin Kamilsoy, "rien" ne peut menacer Ilham Aliev à ce stade. Car, relève cet expert, "il dispose d'un capital politique et économique suffisant pour se maintenir au pouvoir pendant des années".


Ukraine : Poutine « reste ouvert à tout contact » avec Trump, après ses critiques selon le Kremlin

Zelensky, Trump et Poutine (Photo AFP)
Zelensky, Trump et Poutine (Photo AFP)
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  • « Le président reste ouvert à tout contact avec le président Trump », a indiqué le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.
  • Ce changement de ton a tranché avec la dynamique de rapprochement impulsée par Donald Trump et Vladimir Poutine depuis le retour du premier à la Maison Blanche en janvier.

MOSCOU : Vladimir Poutine « reste ouvert à tout contact » avec son homologue américain Donald Trump, a affirmé lundi le Kremlin, après les critiques du locataire de la Maison Blanche à l'encontre du président russe malgré leur rapprochement entamé depuis plusieurs semaines.

« Le président reste ouvert à tout contact avec le président Trump », a indiqué le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, lors de son briefing quotidien, précisant qu'« aucun » nouvel appel entre les deux dirigeants n'était « prévu pour l'instant ».

Donald Trump a dit à la chaîne américaine NBC être « très énervé, furieux » envers son homologue russe, après que ce dernier eut évoqué l'idée d'une « administration transitoire » en Ukraine, sans son président actuel, Volodymyr Zelensky.

Ce changement de ton a tranché avec la dynamique de rapprochement impulsée par Donald Trump et Vladimir Poutine depuis le retour du premier à la Maison Blanche en janvier.

Ces dernières semaines, Moscou et Washington ont convenu d'une remise à plat de leurs relations bilatérales, très fortement dégradées par des années de tensions, qui ont culminé depuis 2022 avec le déclenchement de l'assaut russe contre l'Ukraine, soutenue par les États-Unis.

Donald Trump, qui souhaite mettre fin au conflit le plus rapidement possible, a également menacé la Russie de nouvelles taxes sur le pétrole russe si aucun accord n'était trouvé.

Or, la manne financière issue de la vente de son or noir est vitale pour Moscou, qui doit financer son offensive en Ukraine, particulièrement coûteuse.

Le président russe Vladimir Poutine a rejeté plus tôt ce mois-ci la proposition de cessez-le-feu inconditionnel de Donald Trump en Ukraine, que Kiev avait pourtant acceptée sous pression américaine.

Lundi, Dmitri Peskov a martelé que la Russie continuait à travailler « tout d'abord sur l'établissement de relations bilatérales et nous travaillons également sur la mise en œuvre de certaines idées liées au règlement ukrainien ».

« Le travail est en cours. Il n'y a pas encore de détails précis. Il s'agit d'un processus qui prend du temps, probablement en raison de la complexité du sujet », a-t-il poursuivi.


Lutte contre l'immigration clandestine : plus de 40 pays réunis à Londres

Des sauveteurs britanniques aident une vingtaine de migrants sur un bateau semi-rigide essayant de traverser la Manche depuis la France (Photo, AFP).
Des sauveteurs britanniques aident une vingtaine de migrants sur un bateau semi-rigide essayant de traverser la Manche depuis la France (Photo, AFP).
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  • Le Premier ministre britannique, Keir Starmer, accueille ce lundi à Londres les représentants d'une quarantaine de pays pour un sommet de deux jours dédié à la lutte contre l'immigration illégale.
  • Les trois premiers mois de l'année ont toutefois été marqués par un nouveau record d'arrivées, avec un total de 5 840 personnes ayant traversé la Manche à bord de ces embarcations de fortune.

LONDRES : Le Premier ministre britannique, Keir Starmer, accueille ce lundi à Londres les représentants d'une quarantaine de pays pour un sommet de deux jours dédié à la lutte contre l'immigration illégale, un dossier prioritaire pour Londres.

Le dirigeant travailliste, qui a pris ses fonctions en juillet dernier, a promis, comme ses prédécesseurs conservateurs, d'endiguer le phénomène des « small boats » (petits bateaux) en luttant contre les réseaux de passeurs.

Les trois premiers mois de l'année ont toutefois été marqués par un nouveau record d'arrivées, avec un total de 5 840 personnes ayant traversé la Manche à bord de ces embarcations de fortune.

Keir Starmer donnera le coup d'envoi de ce « premier grand sommet international organisé au Royaume-Uni pour faire face à l'urgence de l'immigration clandestine », qui se tiendra sous la houlette de la ministre de l'Intérieur Yvette Cooper.

Le ministre français Bruno Retailleau et son homologue allemande Nancy Faeser sont attendus, de même que des représentants du reste de l'Europe, d'Asie, du Moyen-Orient, d'Afrique et d'Amérique du Nord, y compris des États-Unis.

Les discussions porteront sur la collaboration entre les États pour démanteler les réseaux de passeurs de migrants, notamment vers le Royaume-Uni et les pays de l'Union européenne.

« Je ne crois tout simplement pas qu'il soit impossible de s'attaquer à la criminalité organisée liée à l'immigration », a déclaré le dirigeant travailliste dans un communiqué diffusé dimanche par le ministère de l'Intérieur.

- « Consensus mondial » -

« Nous devons combiner nos ressources, partager nos renseignements et nos tactiques, et nous attaquer au problème en amont », doit-il ajouter.

Ce sommet s'inscrit dans le prolongement des discussions que Mme Cooper avait eues en décembre avec ses homologues belge, allemand, français et néerlandais.

Les cinq pays avaient alors signé un plan d'action commun destiné à renforcer la coopération pour lutter contre ces réseaux de passeurs de migrants.

Le sommet de cette semaine réunira des représentants de pays de départ de migrants, comme le Vietnam ou l'Irak, ainsi que de pays de transit, comme ceux des Balkans.

Il réunira également le directeur de la Border Force, l'agence responsable des opérations de contrôle de la frontière au Royaume-Uni, ainsi que des représentants d'Interpol, d'Europol et d'Afripol.

Selon le ministère britannique de l'Intérieur, les ministres discuteront de l'équipement, de l'infrastructure et des faux papiers que les bandes criminelles utilisent pour faire entrer des personnes illégalement.

Ils examineront également le fonctionnement des filières et chercheront à « établir un consensus mondial sur la lutte » contre le recrutement de migrants en ligne.

Les Britanniques souhaitent également voir avec la Chine comment elle peut cesser d'exporter des moteurs et d'autres pièces détachées de petits bateaux utilisés pour les traversées de la Manche.

Keir Starmer est sous pression, face à la montée du parti anti-immigration Reform UK de Nigel Farage, qui a obtenu environ quatre millions de voix lors des élections générales de juillet, un résultat sans précédent pour un parti d'extrême droite.

Le Premier ministre a comparé les passeurs d'immigrés clandestins à des « terroristes ». En réponse, son gouvernement a introduit un projet de loi conférant aux forces de l'ordre des pouvoirs comparables à ceux dont elles disposent en matière de lutte antiterroriste, afin de combattre ces réseaux.

En février, le gouvernement a durci les règles d'acquisition de la nationalité pour la rendre pratiquement impossible à une personne arrivée illégalement au Royaume-Uni.

Il a aussi annoncé des règles plus strictes en matière de droit du travail.

« Fermer les yeux sur le travail illégal fait le jeu des passeurs qui tentent de vendre des places sur des bateaux peu solides et surchargés en promettant un travail et une vie au Royaume-Uni », a déclaré dimanche Mme Cooper, citée dans un communiqué de son ministère.

Au total, plus de 157 770 migrants sont arrivés au Royaume-Uni en traversant la Manche à bord de petites embarcations depuis que le gouvernement a commencé à collecter des données en 2018. 


À un mois du vote, le nouveau Premier ministre canadien, Mark Carney, est en tête

Le Premier ministre canadien Mark Carney s'exprime lors d'une conférence de presse au port de Montréal, à Montréal, Canada, le 28 mars 2025.  (Photo ANDREJ IVANOV / AFP)
Le Premier ministre canadien Mark Carney s'exprime lors d'une conférence de presse au port de Montréal, à Montréal, Canada, le 28 mars 2025. (Photo ANDREJ IVANOV / AFP)
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  • Le président américain, ses déclarations, sa personnalité et la menace qu'il fait peser sur l'économie et la souveraineté canadienne sont en effet le point central de cette campagne.
  • Selon tous les experts, la question que les Canadiens vont se poser au moment de déposer leur bulletin le 28 avril sera simple : qui de Mark Carney ou de Pierre Poilievre pourra le mieux affronter Donald Trump ces prochaines années ?

MONTREAL : À quatre semaines des élections législatives au Canada, le Premier ministre et candidat libéral Mark Carney est en tête des sondages devant le conservateur Pierre Poilievre. Il semble réussir son pari d'incarner, aux yeux des électeurs, la personne idéale pour faire face à Donald Trump.

Le président américain, ses déclarations, sa personnalité et la menace qu'il fait peser sur l'économie et la souveraineté canadienne sont en effet le point central de cette campagne.

Selon tous les experts, la question que les Canadiens vont se poser au moment de déposer leur bulletin le 28 avril sera simple : qui de Mark Carney ou de Pierre Poilievre pourra le mieux affronter Donald Trump ces prochaines années ?

« L'économie est le principal enjeu pour moi dans cette élection, ainsi que tout ce qui touche au libre-échange avec les États-Unis », raconte à l'AFP Carol Salemi, une électrice d'Ottawa.

« Nous avons besoin d'une véritable négociation sur le commerce avec eux et d'un dirigeant fort pour le faire », ajoute-t-elle.

« Il nous faut quelqu'un de ferme face aux États-Unis. Il semble que tout le monde soit d'accord sur ce point et c'est une bonne chose », renchérit Danielle Varga, 22 ans.

Et à ce jeu-là, il semble bien que, pour l'instant, la préférence des électeurs se porte sur Mark Carney. Ce novice en politique, qui a dirigé les banques centrales du Canada et de Grande-Bretagne, a remplacé Justin Trudeau mi-mars au poste de Premier ministre.

Après une semaine de campagne, il a complètement renversé la tendance des derniers mois : le dirigeant libéral de 60 ans est maintenant en tête dans tous les sondages et pourrait même être en mesure de former un gouvernement majoritaire. 

« C'est l'élection la plus importante de notre vie », a-t-il martelé samedi. « Elle est cruciale pour redéfinir notre relation avec les États-Unis, défendre le Canada et bâtir une économie forte et unifiée », a-t-il poursuivi devant des électeurs de sa circonscription à Ottawa.

La semaine dernière, il a dû interrompre sa campagne après l'annonce par Donald Trump de son intention d'imposer des droits de douane de 25 % sur les importations de voitures. Une mesure qui viendrait s'ajouter aux tarifs douaniers déjà appliqués par Washington sur l'acier et l'aluminium.

Dans la foulée, les deux hommes ont eu un appel qualifié d'« extrêmement constructif » par le président américain. Un changement de ton de sa part, qui n'est pas passé inaperçu au nord de la frontière. 

- « Période exceptionnelle » -

De son côté, le conservateur Pierre Poilievre, 45 ans, a lancé sa campagne en mettant l'accent sur des réductions d'impôts, l'amélioration de l'accès au logement et le développement des ressources naturelles pour contrer les pressions américaines.

Cet homme politique de carrière cherche à tordre le cou à l'idée qu'il serait proche du président américain, devenue un handicap dans le contexte actuel.

« Le président Trump veut voir les libéraux rester au pouvoir. Nous savons pourquoi : avec eux, le Canada est faible et ils laisseront nos investissements s'enfuir vers les États-Unis", a-t-il estimé dimanche.

Les autres partis, notamment le Nouveau parti démocratique (NPD) de Jagmeet Singh et le Bloc Québécois de Yves-François Blanchet, peinent à faire entendre leur voix en pleine crise nationale.

« C'est vraiment une période exceptionnelle », juge Geneviève Tellier, professeure de sciences politiques à Ottawa, qui estime que « le Canada est à la recherche d'un sauveur ».

Selon elle, le « discours ferme » de Mark Carney jeudi, expliquant que « les relations avec les États-Unis ne seraient plus jamais comme avant », parle aux électeurs.

Les Canadiens se tournent vers Mark Carney, car « ils veulent de la sécurité et une figure rassurante en temps de crise », renchérit Daniel Beland, de l'université McGill de Montréal.

Dans ce pays de 41 millions d'habitants, dont le chef d'État en titre est le roi d'Angleterre, 343 sièges sont à pourvoir lors de cette élection anticipée. Le parti qui obtiendra la majorité (donc au minimum 172 députés) formera le prochain gouvernement et son chef deviendra Premier ministre.