PARIS: Le parquet national financier (PNF) a requis jeudi trois ans de prison dont un an ferme et une amende de 150 000 euros à l'encontre de Pascaline Bongo, jugée à Paris pour corruption passive d'agent public étranger au début des années 2010.
Le tribunal correctionnel rendra sa décision le 22 avril.
Invitée à prendre la parole à l'issue de l'audience, Pascaline Bongo a déclaré: "Je vous remercie. J'ai beaucoup appris de la justice française".
Tout de noir vêtue, un foulard bleu ciel autour du cou, la fille aînée du défunt président gabonais Omar Bongo, âgée de 67 ans, a accueilli les réquisitions avec un soupir avant de se tourner vers ses proches, nombreux dans la salle d'audience de la 32e chambre.
Mme Bongo a "usé de ses fonctions pour monnayer ses pouvoirs", ont affirmé les procureurs du PNF dans un réquisitoire à deux voix. "Inspecteur des finances de profession, Mme Bongo a délibérément manqué à ses devoirs d'intégrité et de probité", ont-ils déploré.
Pascaline Bongo est soupçonnée par le PNF d'avoir accepté d'intervenir en faveur de la société française Egis Route dans l'attribution de marchés publics contre la promesse de 8 millions d'euros de rétrocommissions.
Mme Bongo récuse ces soupçons. "C'était im-po-ssible, avec ou sans mon nom. C’était l’affaire personnelle du président (son frère Ali Bongo, ndlr), qui n’allait jamais prendre une entreprise française", a-t-elle martelé lors de son audition mercredi.
Contre les autres prévenus - la société d'ingénierie française Egis Route, trois de ses anciens cadres supérieurs, l'homme d'affaires gabonais Franck Ping (dont le père Jean Ping a été longtemps le compagnon de Pascaline Bongo) et l'avocate Danyèle Palazo-Gauthier, amie et ex-conseil de Mme Bongo -, le parquet a requis des peines de deux à trois ans de prison entièrement assorties du sursis et des amendes de 50 000 à 150 000 euros pour les personnes physiques et 750 000 euros d'amende pour l'entreprise.
Les avocats de la défense, unanimes pour dénoncer "la sévérité" des peines requises, ont tous exigé la relaxe des prévenus.
Au début du procès, les avocats de la défense - il n'y a pas de parties civiles - avaient plaidé pour la nullité de la procédure, arguant notamment de la prescription des faits reprochés aux prévenus ou de l'incompétence, selon eux, du tribunal pour juger une affaire "gabonaise". Le tribunal se prononcera sur ces demandes au moment de sa décision.
"C'est une histoire folle", s'est indignée le conseil de Mme Bongo, Me Corinne Dreyfus-Schmidt, tandis que l'avocat de Mme Palazo-Gauthier, Me Cédric Labrousse, a dénoncé des réquisitions "politiques".
«Pacte de corruption»
Lors de son audition, Mme Bongo avait expliqué que sa fonction de "Haute représentante personnelle du président de la République", obtenue quand son frère Ali (renversé par un coup d'Etat en août dernier) a été élu président en octobre 2009, était "honorifique".
"Ce titre n’avait aucune substance. C’est une fonction protocolaire, pas une profession", a-t-elle expliqué. Bref, a-t-elle affirmé, elle n'était pas "un agent public étranger" à l'époque des faits.
Elle a cependant reconnu qu'elle touchait une rémunération pour sa fonction officielle et qu'elle avait reçu un représentant d'Egis Route dans son bureau au Palais présidentiel de Libreville fin novembre 2009.
Mme Bongo a aussi reconnu avoir créé à cette époque la société Sift (Société d’ingénierie financière et technique), une "coquille vide" selon ses propres mots. Sift n'avait aucune activité ni même d'employé, hormis son administratrice Pascaline Bongo.
Sift a néanmoins conclu avec Egis un "partenariat" aux termes duquel la société de Mme Bongo pouvait prétendre à plus de 5 milliards de francs CFA (environ 8 millions d'euros), si elle leur faisait attribuer le marché de consultant associé à la création de l'Agence nationale des grands travaux (ANGT) du Gabon.
Au final, aucune somme n’a été versée à la société de Pascaline Bongo, ont rappelé les avocats des prévenus. Egis n'a finalement obtenu aucun marché routier au Gabon.
"Egis n'a pas contracté avec Sift mais avec Mme Bongo (...) Sift n'avait aucune logique économique sinon de dissimuler un pacte de corruption", ont fait valoir les procureurs.