Agriculteurs: l'objectif d'un «siège» de Paris fait monter les tensions

Le Premier ministre français Gabriel Attal (au centre) s'entretient avec des agriculteurs lors d'une visite dans une exploitation agricole à Parcay-Meslay, près de Tours, le 28 janvier 2024, dans un contexte de manifestations nationales organisées par plusieurs syndicats d'agriculteurs sur les salaires, les taxes et les réglementations (Photo, AFP).
Le Premier ministre français Gabriel Attal (au centre) s'entretient avec des agriculteurs lors d'une visite dans une exploitation agricole à Parcay-Meslay, près de Tours, le 28 janvier 2024, dans un contexte de manifestations nationales organisées par plusieurs syndicats d'agriculteurs sur les salaires, les taxes et les réglementations (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 29 janvier 2024

Agriculteurs: l'objectif d'un «siège» de Paris fait monter les tensions

  • Gabriel Attal a été interpellé sur de multiples volets de la crise: baisse des revenus, retraites faibles, complexité administrative, inflation des normes, concurrence étrangère
  • M. Attal a dévoilé vendredi des mesures d'urgence, dont l'abandon de la hausse de la taxe sur le gazole non routier, des indemnités gonflées pour les éleveurs dont les bovins ont été touchés par la maladie hémorragique épizootique

PARIS: Des paysans français en colère décidés à bloquer des axes majeurs menant à Paris et d'autres grandes agglomérations, un gouvernement mobilisant 15.000 membres des forces de l'ordre: le risque d'une montée des tensions plane lundi sur le mouvement des agriculteurs.

A partir de 14H00, les syndicats FNSEA et les Jeunes Agriculteurs de la région parisienne et du nord de la France "entament un siège de la capitale pour une durée indéterminée".

Ces organisations majoritaires de la profession au niveau national ont prévu huit "points de blocage" sur de grandes autoroutes à quelques kilomètres ou dizaines de kilomètres du périphérique parisien.

Autour de Lyon (centre-est de la France), la mobilisation devrait reprendre tôt lundi, selon la préfecture du Rhône, qui a évoqué une opération escargot venue des Monts du Lyonnais puis des blocages d'autoroutes. Les branches locales de la FNSEA et les JA ont promis "des ramifications partout dans la région".

«Sécuriser» les points de blocage 

De son côté, le gouvernement a annoncé que 15.000 membres des forces de l'ordre seraient mobilisés lundi pour empêcher notamment que les tracteurs n'entrent dans "Paris et les grandes villes".

A l'issue d'une réunion interministérielle de crise, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a également fait part d'une "modération" demandée aux forces de l'ordre qui ne devront pas "intervenir sur les points de blocage" mais les "sécuriser".

Il a expliqué que le président Emmanuel Macron avait donné "pour consigne" de "garantir que les tracteurs ne se rendent pas à Paris et dans les grandes villes pour ne pas créer des difficultés extrêmement fortes" et de faire en sorte que Rungis, le plus gros marché international de produits frais du pays, "puisse fonctionner ainsi que les aéroports parisiens d'Orly et de Roissy".

Dès le début de soirée, des forces de l'ordre, dont des blindés de la gendarmerie, ont été déployées aux abords de Rungis, situé au sud de Paris, a constaté un journaliste de l'AFP.

De retour sur le terrain dimanche matin, le Premier ministre Gabriel Attal a juré "d'avancer vite" pour répondre à la colère des agriculteurs.

Bloquer Paris risque de ne pas servir les «intérêts des agriculteurs», dit Fesneau

Le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau a dit dimanche douter qu'un blocage d'accès routiers à Paris serve les "intérêts des agriculteurs", alors que plusieurs de leurs organisations ont promis un "siège" de la capitale lundi.

"C'est un acte qui, à la fin, vient pénaliser principalement les Parisiens. Bloquer l'ensemble de l'Ile-de-France, je suis pas sûr que ça va rendre service aux intérêts des agriculteurs", a affirmé M. Fesneau à l'antenne de BFMTV.

"Bloquer Paris et la région parisienne est un acte qui vient pénaliser principalement les Parisiens. Or, en Ile-de-France, il y a des gens qui travaillent, des gens qui les [les agriculteurs] écoutent, des gens qui les respectent", a plaidé M. Fesneau.

Mais Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA, premier syndicat agricole français, a exhorté le gouvernement à "aller beaucoup plus loin" et a ironisé sur la stratégie de communication de M. Attal.

"On n'a pas bien vécu ce qui s'est passé la semaine dernière: la com', les caméras, le ballot de paille et tout ça, ce n'est pas notre truc. Ce qu'il nous faut nous, c'est des décisions dont on sent qu'elles changent le logiciel", a lancé dimanche M. Rousseau, face à des paysans bloquant l'autoroute A16 à la hauteur de Beauvais, au nord de Paris.

Malgré une accalmie, de très nombreuses liaisons routières sont restées coupées dimanche, de la Normandie (nord) au Gard (sud-est), en passant par les Pyrénées-Atlantiques (sud-ouest) et la Meuse (est).

Des FDSEA issues de régions limitrophes de la  région parisienne ont annoncé la participation de leurs membres aux blocages autour de la capitale avec des prises de relais.

«Semaine de tous les dangers»

Selon M. Rousseau, la séquence qui s'ouvre est celle d'une "semaine de tous les dangers, soit parce que le gouvernement ne nous entend pas, soit parce que la colère sera telle qu'ensuite chacun prendra ses responsabilités". Mais il a aussi appelé au "calme et à la détermination".

Après les agriculteurs, les taxis bloquent aussi la rocade de Bordeaux

Après les agriculteurs, plusieurs centaines de taxis de Nouvelle-Aquitaine se rassemblent lundi pour bloquer à leur tour la rocade de Bordeaux, axe névralgique entre Paris et l'Espagne, dans le cadre d'une mobilisation nationale pour renégocier le transport de patients avec l'Assurance maladie.

Bloquée de mercredi à vendredi dernier par plusieurs centaines d'agriculteurs en colère, la rocade qui ceinture Bordeaux est cette fois visée par une opération escargot à partir de 6h30, avec 500 à 800 taxis attendus selon le Syndicat des taxis de Bordeaux Métropole et de la Gironde (STBMG). La préfecture confirme attendre "plusieurs centaines" de taxis.

D'autres actions similaires sont annoncées ailleurs en France, comme à Lyon ou Marseille.

A l'appel de quatre organisations nationales, les manifestants réclament une renégociation des conditions de rémunération du transport de patients, alors que la Caisse nationale d'Assurance maladie (Cnam) a mis sur la table une convention jugée défavorable par les syndicats, qui réclamaient un statu quo.

Les taxis redoutent que les nouvelles conditions ne les forcent à des remises additionnelles sur leurs tarifs en cas de transport médical, tout en les contraignant au covoiturage de patients.

"On ne lâchera rien, on va aller jusqu'au bout pour revenir sur de bonnes bases" avec la Cnam, a déclaré à l'AFP Éric Roulière-Laumonier, président du STBMG.

A l'issue de leur opération escargot lundi, les taxis ont prévu de se rassembler devant la préfecture de la Gironde, dans le centre de Bordeaux. Le préfet a conseillé aux usagers de la rocade de "privilégier le télétravail et limiter les déplacements" lundi.

La rocade bordelaise, inévitable sur l'axe autoroutier Paris-Espagne et régulièrement embouteillée aux heures de pointe, est empruntée par 85.000 à 140.000 véhicules par jour, dont 6.000 à 18.000 poids lourds.

Des manifestations de taxis avaient déjà eu lieu dans toute la France le 11 décembre pour protester contre la nouvelle loi de finance de la Sécurité sociale, qui mutualise les trajets des patients médicalisés.

Les transports médicaux ont représenté des remboursements de près de 5,5 milliards d'euros en 2022, et 65 millions de trajets ont été réalisés sur l'année pour les seuls taxis et véhicules sanitaires légers (VSL), selon les auteurs du texte de loi. Près de 15% des trajets sont déjà partagés.

L'idée est de réduire le coût des trajets pour la Sécurité sociale à hauteur de 100 millions d'euros par an entre 2025 et 2027, ainsi que la pollution.

De son côté, M. Attal a concédé "que, à travers ces premières mesures (annoncées vendredi, NDLR), on n'a pas répondu encore à tout ce que je viens d'évoquer et ce qui constitue le malaise et le mal-être de nos agriculteurs aujourd'hui".

"Et je suis résolu à avancer, avancer résolument, à avancer vite", a déclaré le Premier ministre à La Riche, dans l'Indre-et-Loire (centre-ouest).

"Je lui confirme, il faut aller beaucoup plus loin", a répondu M. Rousseau, qui a présenté des dizaines de doléances au gouvernement mercredi: "tant que ces demandes ne seront pas satisfaites, la mobilisation sera totale".

M. Attal a dévoilé vendredi des mesures d'urgence, dont l'abandon de la hausse de la taxe sur le gazole non routier (GNR), des indemnités gonflées pour les éleveurs dont les bovins ont été touchés par la maladie hémorragique épizootique, des sanctions lourdes contre trois industriels de l'agro-alimentaire ne respectant pas les lois Egalim sur les prix.


Agriculteurs: la Coordination rurale bloque toujours le port de Bordeaux

 La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais. (AFP)
La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais. (AFP)
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  • La ministre Annie Genevard est arrivée peu avant 10H30 dans une exploitation d'endives à La Couture, première étape de son déplacement dans le Pas-de-Calais, sans s'exprimer immédiatement auprès de la presse sur place
  • Les panneaux d'entrée et de sortie du village et des alentours étaient barrés d'autocollants "Paraguay", "Brésil" ou "Argentine", en référence à l'accord de libre-échange UE-Mercosur en négociation avec ces pays d'Amérique latine

BORDEAUX: La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais.

La ministre Annie Genevard est arrivée peu avant 10H30 dans une exploitation d'endives à La Couture, première étape de son déplacement dans le Pas-de-Calais, sans s'exprimer immédiatement auprès de la presse sur place.

Les panneaux d'entrée et de sortie du village et des alentours étaient barrés d'autocollants "Paraguay", "Brésil" ou "Argentine", en référence à l'accord de libre-échange UE-Mercosur en négociation avec ces pays d'Amérique latine et auquel les agriculteurs comme la classe politique française s'opposent.

Il s'agit de la première visite de la ministre sur le terrain depuis le retour des paysans dans la rue, une mobilisation surtout marquée en fin de semaine par les actions des bonnets jaunes de la Coordination rurale.

A Bordeaux, ils bloquent ainsi les accès au port et au dépôt pétrolier DPA: des pneus, des câbles et un tracteur entravent l'entrée du site.

Sous une pluie battante, les agriculteurs s'abritent autour d'un feu et de deux barnums tanguant avec le vent. Une file de camions bloqués dont des camions citernes s'allonge aux abords.

Les manifestants ont tenté dans la matinée de joindre Annie Genevard, sans succès.

"On bloque tant que Mme Genevard et M. Barnier [Michel Barnier, Premier ministre] ne mettent pas en place des solutions pour la profession. Des choses structurelles, (...), on ne veut pas un peu d'argent aujourd'hui pour rentrer dans nos fermes, on veut des réformes pour vivre, avoir un salaire décent", a déclaré à l'AFP Aurélie Armand, directrice de la CR du Lot-et-Garonne.

"Le temps est avec nous parce que quand il pleut on ne peut pas travailler dans les fermes, donc c'est très bien", a-t-elle lancé, alors qu'une pluie battante balaye la Gironde avec le passage de la tempête Caetano.

Plus au sud, dans les Landes, des agriculteurs de la CR40 occupent toujours une centrale d'achat Leclerc à Mont-de-Marsan mais les autorités leur ont donné jusqu'à vendredi inclus pour libérer les lieux, a-t-on appris auprès de la préfecture.

Tassement du mouvement, avant une reprise 

La préfète du département a par ailleurs condamné "les dégradations commises par des membres de la Coordination rurale" mercredi soir sur des sites de la Mutualité sociale agricole (MSA), visée par des dépôts sauvages, et de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), ciblée par un incendie "volontairement déclenché" dans son enceinte.

Sur Europe1/Cnews, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a redit que les agriculteurs avaient "parfaitement le droit de manifester", mais qu'il y avait "des lignes rouges" à ne pas dépasser: "pas d'enkystement", "pas de blocage".

A l'autre bout de la France, à Strasbourg, des membres de la CR se sont installés dans le centre avec une dizaine de tracteurs pour y distribuer 600 kilos de pommes aux passants.

"Nous, on propose un pacte avec le consommateur, c'est-à-dire lui fournir une alimentation de qualité en quantité suffisante et en contrepartie, le consommateur nous paye un prix correct", a souligné le président de la CR départementale, Paul Fritsch.

Les autorités constatent une "légère baisse" de la mobilisation à l'échelle du pays par rapport au début de la semaine, quand les syndicats majoritaires FNSEA et JA étaient aussi sur le terrain.

Ce nouvel épisode de manifestations agricoles intervient à quelques semaines d'élections professionnelles. La CR, qui préside aujourd'hui trois chambres d'agriculture, espère à cette occasion briser l'hégémonie de l'alliance FNSEA-JA et ravir "15 à 20 chambres" supplémentaires.

Le président de la FNSEA Arnaud Rousseau a annoncé mercredi que les prochaines manifestations emmenées par ses membres auraient lieu la semaine prochaine, "mardi, mercredi et jeudi", "pour dénoncer les entraves à l'agriculture".

FNSEA et JA avaient prévenu qu'ils se mobiliseraient jusqu'à la mi-décembre contre l'accord le Mercosur, contre les normes selon eux excessives et pour un meilleur revenu.

Troisième syndicat représentatif, la Confédération paysanne organise aussi des actions ponctuelles, contre les traités de libre-échange ou les installations énergétiques sur les terres agricoles.


Les députés approuvent en commission l'abrogation de la réforme des retraites

L'ancien Premier ministre français Elisabeth Borne arrive pour son audition devant une mission d'information du Sénat français sur la dégradation des finances publiques de la France depuis 2023 au Sénat français à Paris le 15 novembre 2024. (Photo / AFP)
L'ancien Premier ministre français Elisabeth Borne arrive pour son audition devant une mission d'information du Sénat français sur la dégradation des finances publiques de la France depuis 2023 au Sénat français à Paris le 15 novembre 2024. (Photo / AFP)
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  • La réforme, adoptée en 2023 sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était « injuste démocratiquement et socialement, et inefficace économiquement », a plaidé le rapporteur (LFI) du texte, Ugo Bernalicis.
  • La proposition de loi approuvée mercredi touche non seulement à l'âge de départ (c'est-à-dire à la réforme Borne), mais également à la durée de cotisation.

PARIS : La gauche a remporté mercredi une première victoire dans son offensive pour abroger la très décriée réforme des retraites : sa proposition de ramener l'âge de départ de 64 à 62 ans a été adoptée en commission des Affaires sociales, avant son arrivée dans l'hémicycle le 28 novembre.

Le texte, présenté par le groupe LFI dans le cadre de sa niche parlementaire, a été approuvé par 35 voix (celles de la gauche et du Rassemblement national), contre 16 (venues des rangs du centre et de la droite).

La réforme, adoptée en 2023 sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était « injuste démocratiquement et socialement, et inefficace économiquement », a plaidé le rapporteur (LFI) du texte, Ugo Bernalicis.

Le Rassemblement national, qui avait présenté une proposition similaire fin octobre, mais que la gauche n'avait pas soutenue, a voté pour le texte de La France insoumise. « C'est le même que le nôtre et nous, nous ne sommes pas sectaires », a argumenté le député Thomas Ménagé.

La proposition de loi approuvée mercredi touche non seulement à l'âge de départ (c'est-à-dire à la réforme Borne), mais également à la durée de cotisation : celle-ci est ramenée de 43 à 42 annuités, ce qui revient à abroger également la réforme portée en 2013 par la ministre socialiste Marisol Touraine pendant le quinquennat de François Hollande.

Un amendement, présenté par les centristes du groupe Liot pour préserver la réforme Touraine, a été rejeté. Les socialistes, qui auraient préféré conserver cette réforme de 2013, ont décidé d'approuver le texte global malgré tout.

La gauche affirme qu'elle est en mesure de porter sa proposition d'abrogation jusqu'au bout : après l'examen du texte dans l'hémicycle la semaine prochaine, elle a déjà prévu de l'inscrire à l'ordre du jour du Sénat le 23 janvier, à l'occasion d'une niche communiste, puis en deuxième lecture à l'Assemblée nationale le 6 février, cette fois dans un créneau dédié aux écologistes.

Les représentants de la coalition gouvernementale ont mis en garde contre un texte « pas sérieux » ou « irresponsable ».

« Il faut être honnête vis-à-vis des Français : si cette réforme des retraites est abrogée, certes ils pourront partir à 60 ans, mais avec une retraite beaucoup plus basse », a ainsi argumenté la députée macroniste Stéphanie Rist.


Censure du gouvernement : Le Pen fait monter la pression avant sa rencontre avec Barnier

Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. (Photo RTL)
Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. (Photo RTL)
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  • "Nous n'accepterons pas que le pouvoir d'achat des Français soit encore amputé. C'est une ligne rouge. Si cette ligne rouge est dépassée, nous voterons la censure"
  • Le vote de cette motion de censure interviendrait alors dans la deuxième quinzaine de décembre lorsque le gouvernement aura recours à l'article 49.3 de la Constitution, comme c'est probable faute de majorité, pour faire adopter sans vote le budget

PARIS: Marine Le Pen fait monter la pression sur Michel Barnier, avant leur rencontre lundi à Matignon : elle assure que son parti n'hésitera pas à censurer le gouvernement à la veille de Noël si "le pouvoir d'achat des Français est amputé" dans le projet de budget 2025.

"Nous n'accepterons pas que le pouvoir d'achat des Français soit encore amputé. C'est une ligne rouge. Si cette ligne rouge est dépassée, nous voterons la censure", a affirmé mercredi la cheffe de file des députés du Rassemblement national sur RTL.

Le vote de cette motion de censure interviendrait alors dans la deuxième quinzaine de décembre lorsque le gouvernement aura recours à l'article 49.3 de la Constitution, comme c'est probable faute de majorité, pour faire adopter sans vote le budget de l'Etat.

Si le RN et la gauche votaient conjointement cette motion alors la coalition Barnier, fragile attelage entre LR et la macronie, serait renversée et le projet de budget rejeté.

Si elle n'a pas détaillé la liste précise de ses revendications, Marine Le Pen a en particulier jugé "inadmissible" la hausse envisagée par le gouvernement pour dégager trois milliards d'euros des taxes sur l'électricité, une mesure toutefois supprimée par l'Assemblée nationale en première lecture.

"Taper sur les retraités, c'est inadmissible", a-t-elle aussi affirmé, insatisfaite du compromis annoncé par le LR Laurent Wauquiez. Celui-ci prévoit d'augmenter les retraites de la moitié de l'inflation au 1er janvier, puis d'une deuxième moitié au 1er juillet pour les seules pensions sous le Smic.

Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. Si elles étaient suivies, celles-ci pourraient empêcher Mme Le Pen de participer à une quatrième élection présidentielle.

Face à cette menace de censure, Michel Barnier va recevoir en début de semaine prochaine, un par un, l'ensemble des présidents de groupes parlementaires, à commencer par Marine Le Pen dès lundi matin.

Ce premier tête à tête, depuis son entrée à Matignon, suffira-t-il ?

"Et-ce que M. Barnier va respecter l’engagement qu’il a pris, que les groupes d’opposition puissent reconnaître dans son budget des éléments qui leur paraissent essentiels ?", s'est interrogée la cheffe de file des députés RN.

Les demandes de notre parti étaient "de ne pas alourdir la fiscalité sur les particuliers, de ne pas alourdir sur les entrepreneurs, de ne pas faire payer les retraités, de faire des économies structurelles sur les dépenses de fonctionnement de l'Etat", a-t-elle récapitulé. "Or nous n'avons pas été entendus, nous n'avons même pas été écoutés".

Poker menteur 

Alors qu'il a déjà lâché du lest sur les économies demandées aux collectivités locales, aux retraités et aux entreprises face aux critiques de sa propre majorité, le Premier ministre, confronté à la colère sociale des agriculteurs, des fonctionnaires ou des cheminots, a très peu de marge de manoeuvres.

"L'objectif est d'arriver à un équilibre entre les ambitions des groupes parlementaires et les impératifs de rigueur" budgétaire, répète Matignon, alors que le déficit public est attendu à 6,1% du PIB fin 2024 contre 4,4% prévu initialement.

L'exécutif agite, à destination du RN mais aussi des socialistes, la menace du chaos.

"Celui ou celle qui renversera le gouvernement privera le pays d'un budget et le précipitera dans le désordre et la chienlit", a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, sur CNews.

"Le pire pour le pouvoir d'achat des Français, ce serait une crise financière", a alerté de son côté sur LCI sa collègue Astrid Panosyan-Bouvet (Travail).

Une question demeure: le RN bluffe-t-il ?

"Si le gouvernement tombe, il faudra attendre juin pour qu'il y ait des élections législatives parce qu'il ne peut pas y avoir de dissolution pour le moment!", a semblé nuancer le porte-parole du RN Julien Audoul.

Dans tous les cas, ce jeu de poker menteur risque de durer jusque la veille de Noël, lorsque l'Assemblée nationale aura à se prononcer définitivement sur le projet de budget 2025 de l'Etat.

Le RN n'entend, en effet, pas déposer ou voter de motion de censure sur les deux autres textes (fin de gestion de 2024 et projet de budget de la Sécurité sociale) qui pourraient être adoptés par 49.3 avant.