Désinformation et kyrielle d'élections, cocktail risqué pour 2024

Nikki Haley, ancienne ambassadrice de l'ONU et candidate à la présidentielle de 2024, s'exprime lors d'un événement de campagne à Hollis, dans le New Hampshire, le 18 janvier 2024. (AFP)
Nikki Haley, ancienne ambassadrice de l'ONU et candidate à la présidentielle de 2024, s'exprime lors d'un événement de campagne à Hollis, dans le New Hampshire, le 18 janvier 2024. (AFP)
Short Url
Publié le Vendredi 19 janvier 2024

Désinformation et kyrielle d'élections, cocktail risqué pour 2024

  • La campagne d'influence à Taïwan avant la présidentielle était selon des experts orchestrée par Pékin, qui revendique l'île comme partie intégrante de son territoire
  • En dénigrant les candidats, en jetant le doute sur le processus électoral et en suscitant l'abstention, la désinformation sape la légitimité des résultats

PARIS: 2024, année de tous les dangers: le spectre de la désinformation n'a jamais autant plané sur des élections, par dizaines ces prochains mois dans le monde, alors que l'intelligence artificielle (IA) vient encore compliquer la donne.

Près de la moitié de la population mondiale est concernée par un scrutin en 2024. Première élection aux enjeux internationaux, la présidentielle, le 15 janvier, à Taïwan, a vu déferler des vidéos trompeuses visant essentiellement les candidats favorables à l'indépendance.

"Un des enjeux les plus forts sera de voir si les progrès notamment en matière d'IA seront vraiment utilisés à une échelle suffisamment critique pour modifier le cours des votes. C'est une inconnue majeure", souligne auprès de l'AFP Julien Nocetti, chercheur associé au Centre Russie/Eurasie de l'Institut français des relations internationales (Ifri).

En jeu: "la capacité de résistance du modèle démocratique aux attaques d'acteurs" extérieurs.

Polarisation des opinions, délitement de la confiance dans les médias, défiance envers les dirigeants, conflits majeurs (Ukraine, Israël/Hamas): le contexte est porteur pour la désinformation, qui consiste essentiellement à attiser dissensions et sujets clivants (inflation, immigration, sujets religieux...).

Avec désormais une force de frappe potentiellement démultipliée par l'IA générative, qui permet de créer facilement des images de toutes pièces ou d'imiter des voix, et dont l'usage s'est largement démocratisé.

Comme, ces derniers mois, des images d'une arrestation de Donald Trump ou de fausses vidéos montrant un Joe Biden annonçant une mobilisation générale pour soutenir l'effort de guerre de l'Ukraine. La voix d'Emmanuel Macron a aussi fait l'objet de plusieurs faux sur internet.

«Sophistication»

Chine et Russie en particulier sont dans les radars.

La campagne d'influence à Taïwan avant la présidentielle était selon des experts orchestrée par Pékin, qui revendique l'île comme partie intégrante de son territoire.

Aux Etats-Unis, qui voteront en novembre, "Russie, Chine, Iran, militants violents et hackers vont très probablement conduire des campagnes d'influence à divers niveaux de magnitude et de sophistication pour façonner ou perturber" le scrutin, anticipe l'Insikt Group, entité de la société de renseignement Recorded Future, dans un rapport en décembre.

En dénigrant les candidats, en jetant le doute sur le processus électoral et en suscitant l'abstention, la désinformation sape la légitimité des résultats, avec des conséquences parfois dangereuses pour la démocratie, comme l'ont montré les allégations récurrentes de Donald Trump sur de prétendues fraudes électorales qui avait chauffé à blanc ses partisans partis à l'assaut du Capitole le 6 janvier 2021.

Pour Julien Nocetti, l'UE pourrait être confrontée lors des européennes de juin à des campagnes "délégitimant la cohésion et le projet européen, et le soutien apporté à l'Ukraine", des narratifs déjà récurrents ces derniers mois.

Meta (Facebook, Whatsapp et Instagram) et les autorités françaises ont vu la main de groupes proches du Kremlin dans l'opération "Doppelgänger" consistant à usurper l'identité de médias pour distiller des infox, anti-Ukraine en particulier.

Paradoxe, certains régimes répressifs pourraient aussi prendre prétexte de la lutte contre la désinformation pour imposer des mesures attentatoires aux droits humains, alerte par ailleurs le Forum économique mondial dans un rapport récent.

«Automatisation» de la lutte

Les Etats tentent de se mettre en ordre de bataille, mais le temps politique est plus lent que celui des réseaux sociaux et de la technologie.

Le "Digital India Act" du gouvernement indien manquera le rendez-vous des législatives du printemps.

Dans l'UE, la législation sur les services numériques ("Digital Services Act") impose aux plateformes le respect d'obligations, notamment agir "promptement" pour retirer un contenu signalé comme illégal ou de suspendre les utilisateurs bravant régulièrement les interdictions.

"Améliorations utiles mais limitées", juge la chercheuse Federica Marconi dans une étude pour l'Istituto Affari Internazionale et le European Policy Centre publiée fin 2023.

Quant à l'"AI Act" européen, premier projet de législation visant à réguler spécifiquement l'IA, il ne devrait pas entrer en vigueur avant... 2026.

Aux Etats-Unis, Joe Biden a bien signé fin octobre un décret sur des règles et orientations aux entreprises du numérique - notamment la transmission des résultats des tests de sécurité des modèles d'IA générative. Mais pas de loi fédérale contraignante.

Exhortés à agir, les géants du secteur insistent sur de nouvelles initiatives: mention obligatoire de l'utilisation de l'IA dans les publicités chez Meta, outil Microsoft permettant aux candidats d'authentifier leurs contenus avec un filigrane numérique.

Mais elles "confient de plus en plus les taches de modération à des IA, dans une automatisation de la lutte contre la désinformation qui ne semble pas la meilleure voie si on veut comprendre les stratégies hostiles" de ses relais, souligne Julien Nocetti.


«Tout est sur la table »: le Canada se prépare à répondre aux menaces économiques de Trump

Le Premier ministre canadien Justin Trudeau s'exprime lors d'une conférence de presse à Rideau Cottage à Ottawa, Canada, le 6 janvier 2025. (AFP)
Le Premier ministre canadien Justin Trudeau s'exprime lors d'une conférence de presse à Rideau Cottage à Ottawa, Canada, le 6 janvier 2025. (AFP)
Short Url
  • Le Premier ministre canadien Justin Trudeau et les dirigeants provinciaux ont déclaré mercredi que toutes les options étaient sur la table pour répondre à la possible augmentation des droits de douane par les Etats-Unis
  • Depuis que le président élu américain a annoncé son intention de faire passer les taxes douanières à 25% avec ses voisins pour son retour à la Maison Blanche lundi prochain, le Canada cherche une parade

OTTAWA: Le Premier ministre canadien Justin Trudeau et les dirigeants provinciaux ont déclaré mercredi que toutes les options étaient sur la table pour répondre à la possible augmentation des droits de douane par les Etats-Unis, tout en gardant l'espoir d'éviter une guerre commerciale.

Depuis que le président élu américain a annoncé son intention de faire passer les taxes douanières à 25% avec ses voisins pour son retour à la Maison Blanche lundi prochain, le Canada cherche une parade.

"Si l'administration américaine choisit de mettre en œuvre son augmentation des droits de douane, nous réagirons de manière ciblée, énergique et résolue", a expliqué Justin Trudeau.

"Tout est sur la table", a-t-il ajouté.

Selon une source gouvernementale à l'AFP, Ottawa réfléchit notamment à imposer des droits de douane plus élevés sur certains produits en acier, sur les céramiques telles que des toilettes et des éviers, de la verrerie et du jus d'orange de Floride.

Les dirigeants des provinces et de l'opposition ont également évoqué la possibilité de bloquer les exportations de pétrole, d'électricité et de minéraux critiques du Canada.

Mais la Première ministre de l'Alberta, Danielle Smith, s'est désolidarisée de ses collègues sur ce point, refusant mercredi de signer le communiqué final de la réunion. Elle s'oppose à toute perturbation en matière d'exportations pétrolières: plus de trois millions de barils de pétrole sont expédiés quotidiennement depuis sa province vers les États-Unis.

"L'Alberta n'acceptera tout simplement pas de droits de douane sur l'exportation de notre énergie ou d'autres produits, et nous ne soutenons pas non plus une interdiction des exportations de ces mêmes produits", a-t-elle posté sur X.

A l'inverse, son homologue de l'Ontario, moteur économique du pays, préconise une réponse forte. "Je suis désolé mais lorsque quelqu'un attaque votre pays et tente de priver des gens de leurs moyens de subsistance, il faut se battre comme on ne l'a jamais fait auparavant", a déclaré Doug Ford.

Ce dernier a expliqué que 500.000 emplois seraient en danger dans sa province si Donald Trump augmentait les droits de douane à 25%.

Cette mesure serait catastrophique pour le Canada selon les experts. Les Etats-Unis en sont en effet le premier partenaire commercial et la destination de 75% de ses exportations. Près de 2 millions de personnes au Canada en dépendent, sur une population de 41 millions d'habitants.


Le secrétaire d'État désigné par Trump appelle à une « diplomatie audacieuse » pour mettre fin à la guerre en Ukraine

Le sénateur américain Marco Rubio témoigne devant une audience du comité sénatorial des relations étrangères sur sa nomination à la fonction de secrétaire d’État, au Capitole de Washington, DC, le 15 janvier 2025. (Photo par ANDREW CABALLERO-REYNOLDS / AFP)
Le sénateur américain Marco Rubio témoigne devant une audience du comité sénatorial des relations étrangères sur sa nomination à la fonction de secrétaire d’État, au Capitole de Washington, DC, le 15 janvier 2025. (Photo par ANDREW CABALLERO-REYNOLDS / AFP)
Short Url
  • L'actuel sénateur républicain de Floride a affirmé que le principal problème de l'Ukraine n'était pas qu'elle soit « à court d'argent », mais plutôt « à court d'Ukrainiens ».
  • « La vérité, c'est que dans ce conflit, la Russie ne peut en aucun cas s'emparer de l'ensemble de l'Ukraine », a-t-il affirmé.

WASHINGTON : Marco Rubio, désigné secrétaire d'État par Donald Trump, a appelé mercredi à une « diplomatie audacieuse » des États-Unis pour mettre un terme à la guerre menée en Ukraine par la Russie.

« Cette guerre doit cesser, et cela devrait être la politique officielle des États-Unis que nous voulons qu'elle cesse », a déclaré le probable futur chef de la diplomatie américaine lors de son audition de confirmation au Sénat.

L'actuel sénateur républicain de Floride a affirmé que le principal problème de l'Ukraine n'était pas qu'elle soit « à court d'argent », mais plutôt « à court d'Ukrainiens ».

« La vérité, c'est que dans ce conflit, la Russie ne peut en aucun cas s'emparer de l'ensemble de l'Ukraine », a-t-il affirmé.

Mais « il est également irréaliste de croire qu'une nation de la taille de l'Ukraine, aussi compétente soit-elle (...), puisse repousser ces gens jusqu'à l'endroit où ils se trouvaient la veille de l'invasion » en 2022, a ajouté Marco Rubio.

Le 20 janvier, dès son retour à la Maison Blanche, Donald Trump a promis de résoudre le conflit en « 24 heures », ce qui fait craindre à l'Ukraine d'être forcée à faire des concessions majeures en échange de la paix. Or, Moscou a gagné du terrain ces derniers mois, tandis que l'armée ukrainienne, épuisée, manque de moyens.

Mercredi, Marco Rubio a également affirmé que « le rôle des États-Unis et de l'OTAN au XXI^e siècle » devait être remis en question.

Tout en reconnaissant l'importance de l'Alliance atlantique pendant la Guerre froide, le sénateur a affirmé qu'il était important pour les États-Unis d'avoir « non seulement des alliés de défense », mais aussi « des alliés de défense compétents, capables de défendre leur région ».

Début janvier, Donald Trump avait déclaré que les pays de l'Otan devaient accroître leur budget de défense pour le porter à 5 % de leur PIB.

Le président élu ne cache pas son mépris pour l'Alliance atlantique, pilier de la sécurité en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.

Il avait notamment semé la panique durant la campagne électorale en menaçant de ne plus garantir la protection des pays de l'Otan face à la Russie tant que ceux-ci ne consacreraient pas un budget suffisant à leur défense.


L'UE appelle les 27 à scruter les investissements des entreprises à l'étranger pour endiguer les fuites de technologies

Short Url
  • La Commission européenne a recommandé aux États membres de l'UEd'examiner les risques d'investissements étrangers de leurs entreprises, craignant des fuites de technologies
  • Bruxelles recommande aux Vingt-Sept de « réexaminer » les « risques pour la sécurité économique » des transactions entre les entreprises européennes et celles de « pays tiers »

BRUXELLES : La Commission européenne a recommandé mercredi aux États membres de l'UE d'examiner les risques d'investissements étrangers de leurs entreprises, craignant des fuites de technologies dans trois secteurs clés : les semi-conducteurs, l'intelligence artificielle et le quantique.

Bruxelles recommande aux Vingt-Sept de « réexaminer » les « risques pour la sécurité économique » des transactions entre les entreprises européennes et celles de « pays tiers » dans ces trois domaines.

La Commission ne mentionne pas l'invasion russe en Ukraine, la concurrence de la Chine ou l'arrivée au pouvoir de Donald Trump aux États-Unis, mais le commissaire européen au Commerce, Maros Sefcovic, évoque le contexte « géopolitique » et les « risques potentiels » qu'il peut entraîner.

« L'objectif est d'empêcher les investissements sortants de l'UE d'avoir une incidence négative sur la sécurité économique de l'Union en veillant à ce que des technologies et un savoir-faire essentiels ne tombent pas entre de mauvaises mains », a expliqué la Commission.

Le réexamen demandé par Bruxelles « doit durer 15 mois et couvrir les transactions en cours et passées, en remontant jusqu'au 1^(er) janvier 2021 ».

Les États membres sont invités à fournir un premier rapport d'avancement pour le 15 juillet, puis un rapport complet sur les risques identifiés pour le 31 mars 2026.

La souveraineté industrielle est au cœur du nouveau mandat de l'exécutif européen, dans le sillage du rapport de Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale européenne (BCE) et ancien Premier ministre italien, qui doit être publié en 2024.

L'Europe accuse un retard économique par rapport aux États-Unis et accroît sa dépendance envers la Chine, a-t-il mis en garde.