MOSCOU: Le dirigeant de la région russe du Bachkortostan a dénoncé jeudi des appels au "séparatisme" et agité la menace de lourdes peines, au lendemain de heurts ayant secoué cette république comptant une importante communauté musulmane et turcophone.
"Un groupe de personnes, dont une partie vit à l'étranger, et sont en fait des traitres, appellent à une séparation du Bachkortostan de la Russie. Ils appellent à une guérilla ici", a affirmé Radi Khabirov, dans un communiqué diffusé sur Telegram.
"Des enquêtes pour des crimes très graves, pour +troubles massifs+, ont été ouvertes, elles prévoient de longues peines de prison", a-t-il souligné, promettant de ne pas "tolérer l'extrémisme".
Mercredi, des échauffourées ont éclaté entre la police et plusieurs milliers personnes qui s'étaient rassemblées devant un tribunal pour apporter leur soutien à un opposant régional, Faïl Alsynov, qui a dénoncé l'assaut de Moscou en Ukraine.
Ce militant, qui lutte notamment contre l'exploitation des ressources énergétiques, a été condamné par ce tribunal à quatre ans de prison pour "incitation à la haine", lors d'un verdict à huis clos dans la ville de Baïmak, non loin du Kazakhstan voisin.
Les manifestants ont été dispersés à Baïmak avec du gaz lacrymogène, tandis qu'une vingtaine de personnes ont été arrêtées, selon l'ONG spécialisée OVD-Info, une organisation classée "agent de l'étranger" par l'Etat russe.
Une telle explosion de colère dans la rue est devenue rare en Russie, où toute critique du pouvoir est passible de prison.
Les dernières manifestations d'ampleur remontaient à l'automne 2022, au moment de la campagne de mobilisation de centaines de milliers de réservistes, des civils donc, pour renforcer les rangs de l'armée engagée en Ukraine.
Plus de la moitié de la population du Bachkortostan est composée, selon les statistiques officielles, de Bachkirs et de Tatars, deux minorités turcophones et musulmanes.
Comme de nombreuses régions pauvres de Russie, le Bachkortostan a fourni une proportion importante de soldats tués au front en Ukraine, selon les décomptes de médias indépendants.
Un opposant bachkir en exil, Rouslan Gabbassov, soutien de Faïl Alsynov, s'est exprimé jeudi lors d'une conférence de presse à Kiev, selon une journaliste de l'AFP présente sur place.
Il a demandé à l'Ukraine d'autoriser la formation d'une unité militaire bachkire qui combattrait côté ukrainien pour obtenir de l'expérience, en suggérant de recruter des soldats bachkirs de l'armée russe faits prisonniers sur le front.
Selon lui, cette force bachkire pourrait ensuite regagner la Russie et mener une guérilla "suivant l'expérience du débarquement de Fidel Castro à Cuba".
"Si la Russie s'effondre, c'est bon pour l'Ukraine", a-t-il assuré, appelant Kiev à reconnaître l'indépendance du Bachkortostan et à ne pas "sous-estimer" le "potentiel" des mouvements d'opposition liées aux minorités ethniques en Russie.
Des militants ont appelé, toujours selon lui, à manifester vendredi matin sur la place centrale d'Oufa, la capitale du Bachkortostan, pour la "défense de toutes les minorités ethniques" de Russie.
Dans un communiqué, la police régionale a invité jeudi soir les citoyens "à ne pas participer à des événements publics non autorisés", rappelant qu'une telle participation était "punissable par la loi".
Enfin, six manifestants arrêtés lundi lors d'une première manifestation avant le procès de Faïl Alsynov ont été condamnés à de courtes peines de prison, allant de 10 à 13 jours, a annoncé jeudi la justice russe.