PARIS: "Nos vies valent plus que leurs profits", lançait Emmanuel Macron lors de la présidentielle de 2022, ravissant un slogan prisé à gauche. Mardi, c'est à la droite dure que le président a emprunté sa référence, en souhaitant que "la France reste la France."
Le décor a été planté dès le propos liminaire présidentiel: "Voilà pourquoi nous sommes là. Voilà pourquoi démocrates, écologistes et républicains se rassemblent autour d'un même projet, pour agir au service des Français et, au fond, avec une ligne simple: pour que la France reste la France. Pour que la France demeure cette nation de bon sens, de résistance et des Lumières."
Pour que "la France reste la France" ? Un slogan qui barrait l'affiche de campagne d'Eric Zemmour. Qui fut aussi celui du patron des Républicains (LR) Éric Ciotti lorsqu'il faisait campagne pour la présidence de son parti. Et qui avait suscité une vive polémique chez LR en 2018 quand il avait été déployé sur des tracts sous la présidence de Laurent Wauquiez.
"Honnêtement, vous ne mettez pas le logo des Républicains, vous pouvez mettre le logo du Front national", réagissait alors Aurore Bergé, ex-LR passée chez Emmanuel Macron dès 2017. "Ce n'est pas la droite que j'ai connue", "ça me choque par rapport à ce qu'a été la droite et ce qu'elle est en train de devenir", appuyait la désormais ministre d'Emmanuel Macron, dans cet entretien à L'Obs et à l'Internaute.
Au cours de sa conférence de presse, Emmanuel Macron a longuement insisté sur les thématiques d’éducation. Du moins celles qui lui sont chères: renforcement de l'instruction civique, tenue unique à l'école, généralisation possible du Service national universel (SNU). "Il nous a expliqué qu'il voulait revenir à la IIIe République avec la blouse et la craie au tableau", a raillé le premier secrétaire du PS, Olivier Faure. Emmanuel Macron a aussi évoqué la généralisation des cours de théâtre à l'école.
Le président a également longuement parlé de la natalité, un thème souvent mis en avant par le Rassemblement national mais aussi, au sein de sa majorité, par le MoDem de François Bayrou.
«Match politique avec le RN»
Emmanuel Macron "est clairement dans un match politique avec le RN. Il désigne clairement son opposition. Et votre opposition officielle, c’est votre meilleur allié. Parce qu’en fait vous ne partagez aucun électeur avec elle, et en installant une forme de duopole, vous installez une forme de concentration électorale autour de vous", analyse le constitutionnaliste Benjamin Morel.
Lors de cette conférence, la question sur le parti de Marine Le Pen qui a largement augmenté ses scores entre 2017 et 2022 et qui domine les sondages à six mois des élections européennes est celle qui a suscité la réponse la plus énergique du chef de l'État. Emmanuel Macron a durement attaqué le RN, parti "de l'appauvrissement collectif" et du "mensonge".
Mais si le chef de l’État "pointe le RN, en même temps, il ne parle pas valeurs. Il parle uniquement crédibilité. Il sait qu’une partie de son électorat potentiel n’attaque plus le RN sur les valeurs. Il y a une forme de normalisation, dans l’électorat de centre-droit, du RN qui n’est peut-être pas vu comme étant une possibilité électorale, mais qui n’est pas vu comme le diable", poursuit M. Morel.
"Emmanuel Macron se bat contre le RN par intermittence, simplement quand il y a une élection en vue. Mais désormais qui peut le croire ? Il a donné une victoire idéologique au RN" avec la loi immigration, dénonce Olivier Faure. "Comment voulez vous qu'il vienne nous expliquer qu'il est celui qu'il fera barrage à l’extrême droite ?".
Au delà de la "droitisation", le président emploie un "logiciel très commun dans la plupart des partis de droite qui ont survécu aux vagues populistes en Europe", ajoute M. Morel. En Grèce, en Autriche, "ce qui a permis à ces partis de se sauver, c'est d'avoir repris un certain nombre de symboles, du drapeau, etc. Ce que Boris Johnson avait conceptualisé dans le "Take back control". Dans l'idée de +réarmement+, il y a beaucoup de ça."