PARIS : Au Tchad jeudi et vendredi, le Premier ministre français Jean Castex doit y rencontrer le président tchadien Idriss Déby, avant de réveillonner avec les troupes françaises de Barkhane, récemment endeuillées par le décès de trois soldats au Mali.
Pour son premier grand déplacement à l'étranger depuis sa nomination en juillet, Jean Castex sacrifie à la tradition des visites aux militaires pour les fêtes. Une coutume que le président français Emmanuel Macron, attendu au Liban mais malade de la Covid-19, n'a pu satisfaire cette année, après s'être rendu l'an passé en Côte d'Ivoire et fin 2018 à N'Djamena.
C'est aussi à N'Djamena, au camp Kosseï où sont installés le commandement de la force anjihadiste Barkhane et quelque 800 hommes, que M. Castex doit célébrer la bascule de 2020 et 2021, en dînant avec les soldats pour la Saint-Sylvestre.
Vendredi, il ira à la rencontre de la trentaine de soldats déployés à Faya-Largeau, une oasis du nord désertique du pays, puis visitera le contingent basé à Abéché, dans l'Est, non loin de la frontière soudanaise.
Après le décès lundi de trois militaires français, tués par l'explosion d'une mine au Mali, ce déplacement prend «une tonalité particulière», soulignent les services du Premier ministre.
M. Castex rendra hommage à ces trois soldats dans un discours, juste après les voeux télévisés d'Emmanuel Macron.
Au total 47 soldats français ont été tués depuis 2013 dans les opérations Serval puis Barkhane. La France s'interroge actuellement sur la tournure de son engagement au Sahel où environ 5100 de ses soldats sont déployés pour faire face à une menace terroriste transfrontalière.
Le président Macron avait indiqué fin novembre qu'il aurait, «dans les prochains mois des décisions à prendre pour faire évoluer Barkhane».
Paris, qui a envoyé 600 soldats supplémentaires en 2020, devrait ainsi réduire la voilure prochainement, sans doute en rappelant ces renforts. Hors de question cependant d'évoquer un «désengagement» pour les services du Premier ministre, qui évoquent également une «évolution» du dispositif.
«Rester autrement»
«Le débat se focalise trop sur: est-ce qu'il faut partir ou est-ce qu'il faut rester?», a déclaré sur la radio RFI le député de la majorité présidentielle Thomas Gassilloud. «A mon sens, il faut rester autrement, en continuant d'être sur place. Mais peut-être moins en première ligne et davantage en soutien des forces locales», a-t-il ajouté.
Le déplacement du Premier ministre ne devrait donner aucun indice sur les évolutions en gestation. Ce n'est pas le moment, fait-on comprendre dans son entourage, en renvoyant à un futur sommet «en janvier-février» à N'Djamena, réunissant France et pays du G5 Sahel (Tchad, Niger, Mali, Burkina Faso et Mauritanie).
Ce rendez-vous marquera le premier anniversaire du sommet de Pau qui avait entériné la concentration de l'action sur la région dite des trois frontières (Mali, Burkina, Niger) et contre le groupe Etat islamique au grand Sahara (EIGS), avec un certain succès.
Préfiguration, peut-être, d'inflexions stratégiques, fin novembre, le commandant de Barkhane Marc Conruyt a, devant l'Assemblée nationale française, désigné le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), alliance d'organisations affiliée à Al-Qaïda, opérant surtout dans le nord du Mali, comme l' «ennemi le plus dangereux».
Depuis quelques semaines, la France réfléchit aussi intensément aux moyens de relancer l'accord de paix au Mali de 2015 dont la mise en oeuvre patine. Si une source au sein de la présidence française estime qu'il n'y a «pas de négociation possible» avec l'EIGS, la question est plus complexe avec certaines composantes du GSIM.
Ces questions devraient s'inviter à la rencontre entre M. Castex et le président tchadien Idriss Déby jeudi. Le Tchad, qui subit par ailleurs des attaques terroristes de Boko Haram autour du lac Tchad, a par exemple promis il y a un an de projeter un nouveau bataillon dans la zone des trois frontières, sans effet pour l'instant.
Et récemment, des crispations sont intervenues après le démantèlement par Facebook de faux comptes, gérés depuis la Russie et la France, accusés de mener des opérations d'interférence en Afrique. Le gouvernement tchadien a saisi la justice de cette affaire.