Comment le Royaume-Uni peut jouer un rôle clé dans la résolution du conflit israélo-palestinien

Avec ses qualifications impeccables, sa responsabilité historique et son rôle unique en Palestine, le Royaume-Uni peut être un acteur de premier plan (Photo, Reuters).
Avec ses qualifications impeccables, sa responsabilité historique et son rôle unique en Palestine, le Royaume-Uni peut être un acteur de premier plan (Photo, Reuters).
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Publié le Dimanche 07 janvier 2024

Comment le Royaume-Uni peut jouer un rôle clé dans la résolution du conflit israélo-palestinien

Comment le Royaume-Uni peut jouer un rôle clé dans la résolution du conflit israélo-palestinien

Peu de pays européens ont eu des liens aussi étroits avec la Palestine que le Royaume-Uni, qui a gouverné le pays par le biais du Mandat pour la Palestine pendant près de trois décennies et a joué le rôle le plus important dans la création de l’État d’Israël. Ainsi, son point de vue sur Gaza et sur la question plus large de la Palestine revêt une importance considérable. Londres peut et doit jouer un plus grand rôle dans ce conflit qu’il ne l’a fait récemment.

Les liens de l’Angleterre avec la Palestine sont séculaires. Elle a participé aux deuxième (1145-1149), troisième (1189-1192) et neuvième (1271- 1272) croisades, avec une implication minimale dans certaines autres. Les aventures du roi Richard (Richard Cœur de Lion) ont longtemps été matière à bien deslégendes.

Son engagement moderne remonte au début du 19e siècle, mais il s’est consolidé pendant la Première Guerre mondiale. Le 2 novembre 1917, avant la conquête de la Palestine par la Grande-Bretagne, celle-ci a publié la déclaration Balfour, affirmant qu’elle «considère favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif et fera tout son possible pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne doit être fait qui puisse porter atteinte aux droits civils et religieux des communautés non juives existant en Palestine». Ces communautés «non juives» représentaient environ 90% de la population à l’époque, selon les chiffres de l’ONU.

Le mois suivant, les forces britanniques s’emparent de Jérusalem, puis du reste du pays, qui est administré par les Britanniques jusqu’à la fin de la guerre. En 1919, la Grande-Bretagne s’empare du contrôle de la Palestine à travers la Conférence de paix de Paris et nomme Herbert Samuel, un haut fonctionnaire responsable de la rédaction de la déclaration Balfour, comme premier Haut-Commissaire. En 1920, la Société des Nations a accordé à la Grande-Bretagne, à sa demande, un mandat sur la Palestine afin de mettre en œuvre ce qu’elle avait promis dans la déclaration Balfour.

«Les actions de la Grande-Bretagne ont clairement facilité l’établissement de l’État d’Israël dans certaines parties de la patrie des Palestiniens.» 

Dr Abdel Aziz Aluwaisheg

La Palestine est restée sous domination britannique pendant près de trois décennies, au cours desquelles le pays a été plongé dans la violence. La puissance mandataire a facilité la création de l’État d’Israël, mais n’a pas réussi à protéger les droits de la majorité de la population palestinienne. Elle a parfois eu recours à une violence excessive pour réprimer les protestations des Palestiniens, tout en ignorant les avertissements des pays arabes, tel que l’Arabie saoudite, et d’autres pays du monde. Depuis lors, la région est en proie à des troubles, bon nombre de ces conflits étant nés ou étant aggravés par l’incapacité à remédier au sort des Palestiniens.

En 1947, la Grande-Bretagne a proposé un plan de partage sans tenir compte de l’avis des Palestiniens, qui représentaient à l’époque environ deux tiers de la population. Ils s’opposent à ce plan et le qualifient d’injuste, car il donne aux Juifs plus de la moitié du pays alors qu’ils représentent moins d’un tiers de la population. La Grande-Bretagne a fait approuver ce plan de partage par l’Assemblée générale de l’ONU le 29 novembre 1947. Le plan prévoyait la création d’un État juif et d’un État arabe distincts, fonctionnant dans le cadre d’une union économique, et le transfert de Jérusalem sous la tutelle de l’ONU. Deux semaines plus tard, Londres a annoncé que le mandat britannique prendrait fin le 15 mai 1948. Le dernier jour du mandat, la déclaration d’indépendance de l’État d’Israël est publiée.

Bien que les chercheurs ne s’entendent pas sur le sens exact du texte de la déclaration Balfour et de ses implications, les actions de la Grande-Bretagne ont clairement facilité l’établissement de l’État d’Israël dans certaines parties de la patrie des Palestiniens. Compte tenu de l’histoire sanglante qui a suivi cette décision fatidique prise en 1917, notamment l’actuelle guerre d’anéantissement menée par Israël contre Gaza, on peut penser qu’il y a eu quelques doutes quant au bien-fondé de cette décision et à la manière dont elle a été mise en œuvre.

Cependant, le Royaume-Uni semble toujours fier de cette réalisation, à en juger par la commémoration du centenaire de la déclaration Balfour en 2017. La Première ministre de l’époque, Theresa May, a déclaré : «Alors, quand certains suggèrent que nous devrions nous excuser pour cette lettre, je dis absolument pas». Elle a ajouté : «Nous sommes fiers de notre rôle de pionniers dans la création de l’État d’Israël. Nous sommes fiers de nous tenir ici aujourd’hui aux côtés du Premier ministre (Benjamin) Netanyahou et de faire part de notre soutien à Israël. Nous sommes fiers des relations que nous avons construites avec Israël. À l’heure où nous célébrons le centenaire de la déclaration Balfour, nous sommes impatients d’approfondir ces relations davantage».

Il ne fait aucun doute que les efforts de la Grande-Bretagne ont largement contribué à la création d’Israël et que ce dernier prendrait ses conseils au sérieux. Les États-Unis, principal et parfois unique bailleur de fonds d’Israël, demandent souvent conseil à Londres sur le conflit israélo-palestinien. D’autresEuropéens apprécient également l’avis du Royaume-Uni, qui est le pays le plus impliqué dans l’histoire moderne de la Palestine.

«Il ne fait aucun doute que les efforts de la Grande-Bretagne ont largement contribué à la création d’Israël et que ce dernier prendrait ses conseils au sérieux.»

Dr Abdel Aziz Aluwaisheg

Malgré les souvenirs mitigés du mandat britannique en Palestine, de nombreux Palestiniens et autres Arabes apprécient les conseils du pays, même lorsqu’ils ne sont pas du même avis. Ils attendent de Londres qu’elle joue un rôle plus audacieux et plus constructif.

Le Royaume-Uni peut jouer ce rôle, en particulier dans le contexte actuel de polarisation au sein du Conseil de sécurité de l’ONU et de paralysie du système onusien qui en découle. Les États-Unis, le pays qui a le plus d’influence sur Israël, sont préoccupés par les prochaines élections présidentielles et législatives.

Les pays arabes et musulmans ont présenté des propositions sérieuses pour mettre fin à la guerre à Gaza et au conflit israélo-palestinien en général, appelant à une normalisation complète entre Israël et ses voisins. L’Initiative de paix arabe proposée est un compromis historique, selon les frontières de 1967, visant à ce que deux États vivent côte à côte dans la paix et la sécurité. Assurant la présidence tournante de la Ligue arabe et de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), l’Arabie saoudite est le fer de lance des efforts conjugués déployés par ces deux blocs pour s’engager et parvenir à une résolution du conflit. Ces efforts sont soutenus par l’Union européenne et par la quasi-totalité des pays du monde.

Le Royaume-Uni pourrait se joindre à ces efforts. Avec ses qualifications impeccables, sa responsabilité historique et son rôle unique en Palestine, il peut faire la différence et permettre àces efforts de porter leurs fruits.

Le Dr Abdel Aziz Aluwaisheg est le secrétaire général adjoint du Conseil de coopération du Golfe pour les affaires politiques et la négociation et un chroniqueur régulier d’Arab News.

Twitter: @abuhamad1

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com