PARIS: Son ombre a flotté toute l'année au-dessus des marchés, mais les investisseurs ne l'ont finalement aperçue presque nulle part: la récession a été évitée en 2023, ce qui a beaucoup profité aux indices boursiers.
"Si on regarde nos prévisions l'année passée, on pensait que l'année 2023 tournerait autour de la récession aux Etats-Unis. Nous nous sommes trompés", reconnaît Colin Graham, responsable de la stratégie multi-actifs de Robecco.
Au troisième trimestre, la croissance de l'économie américaine, la plus importante du monde, s'est élevée à plus de 5% en rythme annualisé.
En Europe, la tendance est bien moins réjouissante: sur les trois premiers trimestres de 2023, la croissance des pays de l'Union européenne est de 0,2%, et celle de la zone euro de 0,1%.
La vigueur de l'économie américaine tient essentiellement à la force des consommateurs, qui ont ignoré jusqu'à présent tant l'inflation que la remontée des taux d'intérêt, commente Vincent Juvyns, analyste de JPMorgan AM.
Résultat: après une année 2022 difficile, les marchés actions ont rebondi. L'indice global MSCI World affiche un gain de 22% sur l'année, contre près de 20% de pertes l'an passé.
Sur l'ensemble de 2023, la Bourse de Paris a pris 16,52%, Francfort 20,31% - toutes deux ayant établi un nouveau record -, Milan 28,03% et Madrid 22,76%. Seule Londres n'a gagné que 3,78%.
En Asie, Tokyo a réalisé la meilleure année depuis dix ans (+28,2%), à ses plus hauts niveaux depuis trente ans.
Aux Etats-Unis, l'indice Dow Jones a atteint jeudi un nouveau plus haut à la clôture, le S&P 500 s'approchant lui de son record historique de janvier 2022.
«Sept Magnifiques»
Mais, au sein des indices boursiers, les rois de 2023 sont sans conteste les entreprises liées à l'intelligence artificielle (IA).
Leader du marché des semi-conducteurs utilisés pour le développement de l'IA générative, l'américain Nvidia a vu sa valeur plus que triplée en Bourse, pour atteindre 1.220 milliards de dollars, soit la sixième plus grosse entreprise au monde en termes de capitalisation boursière.
Avec les titans technologiques américains, Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft et Tesla, Nvidia forme le groupe des "Sept Magnifiques", des méga-capitalisations qui représentent une grande partie de la hausse des marchés actions en 2023.
Seuls les marchés boursiers en Chine ont peiné cette année - l'indice MSCI Chine perdant plus de 15% -, délaissés par les investisseurs en raison d'une reprise économique moins dynamique que prévu, des fragilités de l'immobilier et de l'absence de plan de relance massif de la part des autorités.
Mais au niveau mondial, la croissance, de même que les chiffres du chômage encore très bas, n'ont pas été toujours bien vus par les investisseurs, car cela implique aussi plus de difficultés pour les banques centrales dans leur lutte contre l'inflation.
Avec leur décision sur les taux d'intérêt directeurs ou leurs interventions sur les marchés par des rachats ou des ventes d'actifs, les banques centrales font la pluie et le beau temps sur les marchés. Leurs décisions et débats sont donc constamment scrutés. La Réserve fédérale américaine (Fed) a même dû intervenir en mars 2023 pour rassurer, et éviter que la faillite de trois banques régionales aux Etats-Unis n'entraîne une panique sur tout le système financier mondial.
Si le rythme de hausse des prix a ralenti au fil de l'année, les banquiers centraux ont refusé d'assouplir leur politique, la durcissant encore en septembre, repoussant la perspective d'une baisse de taux, tant espérée par les investisseurs.
La conviction que des diminutions des taux auront lieu lors des premiers mois de 2024 s'est finalement dessinée en novembre, permettant aux indices boursiers mondiaux de connaître leur meilleur mois en trois ans, et entraînant une chute drastique des taux d'emprunt sur les marchés.
"Le fait que le marché anticipe que les taux des banques centrales puissent baisser sans être passés par une phase de récession de l'économie a eu un impact direct" sur les marchés, explique Christopher Dembik, conseiller en stratégie d'investissement de Pictet AM.
Ce mouvement a aussi profité aux petites entreprises, jusqu'ici délaissées par les investisseurs, ce qui a creusé en cours d'année un gros écart de valorisation avec les multinationales.