PARIS: Le tribunal de Bobigny a placé jeudi Habitat en liquidation judiciaire en raison de ses graves difficultés financières, scellant ainsi le sort d'une enseigne qui a démocratisé le design pendant des décennies.
Moins de dix jours après le placement en redressement judiciaire de ce spécialiste de l'ameublement et de l'équipement de la maison qui emploie 383 personnes, les administrateurs judiciaires avaient annoncé le 15 décembre en comité social et économique (CSE) qu'ils demanderaient sa liquidation, vu la situation particulièrement détériorée des comptes.
Jeudi, dans sa décision consultée par l'AFP, le tribunal a "prononcé la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire sans maintien de l'activité de la société".
Habitat France emploie 315 salariés et la société mère, Habitat Design International, 68, pour des chiffres d'affaires respectifs en 2022 de 65 et 51,8 millions d'euros.
Le tribunal rappelle qu'il "ressortait du rapport de l'administrateur judiciaire qu'il n'existe aucune possibilité d'élaboration d'un plan de redressement" et que la situation était "irrémédiablement compromise" pour Habitat notamment "en raison de l'absence de trésorerie et de l'impossibilité d'utiliser la marque".
"La société ne réalise plus de chiffre d'affaires, les magasins sont fermés" et "l'encours des clients non livrés qui ont payé un acompte est de 9 millions d'euros", est-il précisé dans le jugement.
"Je suis abattu. C'est vraiment amer cette fin d'année", a confié jeudi à l'AFP Youcef Toumert, cadre-salarié et membre CGT du CSE d'Habitat, avouant avoir besoin "de tourner la page vite".
"Le CSE a fait un signalement au procureur de la République" concernant la gestion d'Habitat, avant un probable dépôt de plainte, a déclaré à l'AFP Maître Damien Condemine, l'avocat du CSE.
Thierry Le Guénic, le repreneur d'Habitat en 2020, a admis auprès de l'AFP ne pas avoir "réussi à relever ce challenge, tout comme les précédents actionnaires".
«Jamais profitable en France»
Tout en "ayant évité un plan social" et en affirmant avoir investi plus de 12 millions d'euros dans le numérique et l'ouverture de points de vente, Thierry Le Guénic concède que ses projets "n’ont pas pu être réalisés dans un contexte économique très défavorable (…), face à des résistances internes manifestes".
"Une autre phase s'ouvre, et nous sommes désormais engagés pour aider à trouver toute solution de reclassement de nos collaborateurs", ajoute l'homme d'affaires.
L'enseigne, qui compte 25 magasins en France, a été fondée en 1964 par le designer britannique Terence Conran (décédé en 2020), avec l'objectif de proposer à prix abordable des meubles et des objets de décoration à la fois sobres, épurés et modernes.
Le 30 novembre, la direction expliquait pourtant que sa demande de placement en redressement visait à "stabiliser la situation financière" d'une enseigne "jamais profitable en France", et "d'assurer sa viabilité à long terme".
Elle assurait alors "préparer un plan de redressement par voie de continuation" avec pour "objectif principal d'assurer le paiement de tous les fournisseurs et la livraison des commandes aux clients".
Mais en se plongeant dans les comptes, les administrateurs judiciaires ont constaté que "les conditions n'étaient pas réunies pour une poursuite de l'activité" et qu'il y avait "plus d'obstacles que d'opportunités", avait expliqué à l'AFP une source proche du dossier.
Habitat était déjà en perte nette à sa mise en vente en 2019 par son propriétaire de l'époque, le distributeur Cafom, qui indique posséder encore "outre-mer, cinq magasins sous enseigne Habitat (...), dont l'activité perdure normalement".
Habitat avait précédemment appartenu au fonds d'investissement américain Hilco et à la famille suédoise Kamprad (également propriétaire d'Ikea).
En 2020, elle avait été rachetée par l'entrepreneur-investisseur Thierry Le Guénic, acquéreur la même année de l'enseigne d'habillement Burton of London, placée en redressement judiciaire l'été dernier et qui n'a pas trouvé de repreneur.
M. Le Guénic avait également repris la marque de prêt-à-porter Paule Ka et celle de lingerie Maison Lejaby. Il faisait aussi partie d'un trio d'investisseurs, dont Stéphane Collaert, qui avait racheté en 2019 Chevignon à Vivarte.