PARIS: Un oligarque russe, Alexeï Kouzmitchev, proche de Vladimir Poutine, a été mis en examen mercredi à Paris notamment pour blanchiment de fraude fiscale aggravée et présomption de blanchiment. Il a été placé sous contrôle judiciaire et a dû s'acquitter d'un cautionnement de huit millions d'euros.
Alexeï Kouzmitchev, 61 ans, est présenté comme "un grand actionnaire du conglomérat d'Alfa Group, qui comprend la banque Alfa Bank, l'un des plus grands contribuables de Russie", selon l'Union européenne qui l'a classé sur la liste des personnes ciblées par des sanctions le 15 mars 2022 après l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
L'oligarque "est considéré comme l'une des personnes les plus influentes de Russie, aux liens bien établis avec le président russe: la fille aînée de Vladimir Poutine, Maria, a animé un projet caritatif, Alfa-Endo, qui était financé par Alfa Bank", a souligné l'UE dans un document détaillant la liste des personnes sanctionnées.
Il avait été interpellé lundi à Saint-Tropez (Var) et placé en garde à vue dans le cadre d'une enquête préliminaire du parquet national financier (PNF).
Des perquisitions ont été réalisées lundi "en plusieurs lieux, notamment dans le Var et au domicile parisien de M. Kouzmitchev", avait relaté lundi une source judiciaire.
La perquisition de sa maison à Saint-Tropez a duré toute une journée. "Du numéraire et des bijoux ont été saisis", a-t-elle précisé.
M. Kouzmitchev a ensuite été transféré mardi à Nanterre, à l'Office anticorruption (Oclciff) chargé des investigations.
A l'issue de 48 heures de garde à vue, il a été présenté mercredi à des juges d'instruction financiers parisiens qui l'ont mis en examen pour "blanchiment de fraude fiscale aggravée, présomption de blanchiment et exécution en bande organisée d'un travail dissimulé", a indiqué le PNF.
Ce dernier avait requis son placement en détention provisoire, mais M. Kouzmitchev "a finalement été placé sous contrôle judiciaire avec notamment" l'obligation "de verser un cautionnement d'un montant de 8 millions d'euros et l'interdiction "de quitter le territoire national", a précisé le PNF.
Son avocat n'a pas souhaité s'exprimer.
Protéger les droits
Le Kremlin s'était dit mardi prêt à "protéger les droits" de l'homme d'affaires russe.
"Nous devons être informés de la détention d'un citoyen de la Fédération de Russie par l'intermédiaire de notre mission diplomatique", avait déclaré à la presse le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov. Il avait précisé ne "pas bien connaître" la situation de l'homme d'affaires.
Les faits reprochés à M. Kouzmitchev portent entre autres sur son patrimoine immobilier en France et des revenus non déclarés, selon une source proche du dossier.
L'oligarque avait acheté en 2012, pour 28 millions d'euros, un hôtel particulier de 1.850 m2 à Paris, l'ancien siège du producteur français de vins et spiritueux Pernod-Ricard.
Il avait vu deux de ses yachts, "La Petite Ourse" et "La petite Ourse II", gelés en mars 2022 dans le cadre des sanctions prises par l'UE après l'invasion de l'Ukraine.
D'une longueur respective de 24 mètres et 16,5 mètres, ces deux navires, amarrés à Antibes et Cannes (Alpes-Maritimes) à l'époque, ont une valeur de quatre et 1,2 million d'euros, selon une source proche du dossier à l'époque.
L'homme d'affaires avait obtenu en octobre et en décembre 2022 l'annulation des procédures des douanes, mais cette décision n'a pas eu d'impact sur la mesure de gel de ses navires.
Selon une seconde source proche du dossier, M. Kouzmitchev a engagé auprès de l'UE une procédure pour faire annuler son inscription sur la liste des sanctions. La décision est attendue le 15 novembre.
Lors de l'épidémie de Covid-19 en 2020, il avait financé le vol d'un avion cargo en provenance de Chine contenant 26 tonnes de matériel médical, a indiqué la mairie de Nice, confirmant une information de médias niçois.
La justice française a lancé des investigations notamment pour blanchiment et fraude fiscale aggravée en lien avec le patrimoine immobilier acquis en France par plusieurs oligarques russes, dont certains proches du président Poutine.
Sur les trois dossiers qui sont au PNF, M. Kouzmitchev est le premier mis en examen.