La médiocrité politique tue

Le droit international, les résolutions de l’ONU doivent être appliquées. C'était la voix claire et forte de Jacques Chirac qui le rappelait sans cesse et qui l’imposait aussi (Photo, AFP).
Le droit international, les résolutions de l’ONU doivent être appliquées. C'était la voix claire et forte de Jacques Chirac qui le rappelait sans cesse et qui l’imposait aussi (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 01 novembre 2023

La médiocrité politique tue

La médiocrité politique tue
  • Plus personne, à l'exception des mouvements terroristes, ne remet en cause le droit à l'existence et la sécurité d'Israël; un État seul persiste
  • C'est sur cette menace-là que devraient se concentrer les efforts israéliens; plus Israël niera les droits légitimes des Palestiniens, plus il renforcera cet État hostile

Le Hamas a pris l’initiative d’une attaque meurtrière contre Israël. La réaction de ce dernier est effroyable. C’est la première fois qu’Israël est aussi durement touché, mais pas la première fois que la réplique est totalement disproportionnée. Cette situation n’est pas seulement une négation du droit international humanitaire, c’est une régression par rapport à la loi du talion.

Si l'on ne peut rien attendre du Hamas, organisation terroriste, à l’inverse, Israël se prévaut d'être un État démocratique. Comment, dans ces conditions, expliquer la mansuétude à son égard ou plus précisément à celui de son éternel Premier ministre, Benjamin Netanyahou, malgré les violations répétées du droit international en période d’accalmie et celles du droit humanitaire en période de guerre?

En réalité, Israël a globalement gagné la bataille de l'opinion auprès des décideurs politiques. C’est le cas en France. Beaucoup se sont résignés à reconnaître les droits du vainqueur sur le terrain, par idéologie, par lâcheté ou simplement par ignorance béate de l’Histoire de ce conflit et de ses enjeux. En effet, la majorité de la classe politique s’intéresse peu aux relations internationales, un investissement coûteux en temps et sans retombées électorales immédiates, et elle ne connaît ce conflit qu’à l’aune des crises, voyant Israël comme une démocratie occidentale qui fait face à un océan de «barbares» ou de «terroristes». Vraiment?

Le droit international, les résolutions de l’ONU doivent être appliqués. C'était la voix claire et  forte de Jacques Chirac qui le rappelait sans cesse et qui l’imposait aussi.

Certes, les élections sont libres en Israël. Mais c’est aussi un pays dont le Premier ministre a pour principale préoccupation de museler la Cour suprême afin d’échapper à une condamnation pour ses malversations. Un pays qui considère 20% de sa population comme des citoyens de seconde zone. Un pays dont les ressortissants sont désormais juifs avant d’être Israéliens. Un pays qui soutient et arme le dictateur Aliyev qui se livre à un nettoyage éthique au Haut-Karabakh et menace l’Arménie. Un pays qui se rapproche de la Russie et s’éloigne des États-Unis. Un pays qui viole sciemment le droit international et le droit humanitaire.

Le droit international, les résolutions de l’ONU doivent être appliquées. C'était la voix claire et forte de Jacques Chirac qui le rappelait sans cesse et qui l’imposait aussi. Cela ne signifie pas être propalestinien ou anti-israélien, mais que nul ne peut s’affranchir des règles de la communauté internationale sous peine d’être logiquement mis au ban des nations.

Les anciens chefs des services de renseignement israéliens ont appelé M. Netanyahou à une paix honorable avec les Palestiniens, de longue date.

La France a abandonné cette politique gaullo-chiraquienne et elle s’est contentée d’apporter un soutien constant et aveugle à M. Netanyahou qui gouverne aujourd’hui avec des fanatiques, ceux-là mêmes qui ont assassiné Yitzhak Rabin, homme de paix et généralissime de Tsahal, car ils n'ont jamais voulu la paix. Le président français semble, ces derniers jours, s’émanciper de conseils peu avisés, retrouvant un instinct politique et une intelligence globale de la situation. L’électrochoc aura probablement été les réactions à cette proposition aberrante d'étendre la coalition anti-Daech au Hamas. Le degré zéro de la réflexion antiterroriste. Mais il est bien trop tôt pour parler d’inflexion. La France navigue à vue et risque fort de mécontenter tout le monde.

Ceux qui ont cru que la portée du conflit israélo-palestinien était étroitement circonscrite se sont lourdement trompés.

Il s’agit d’une lutte emblématique pour mettre un terme à ce que l'on appelle trivialement le «deux poids, deux mesures» qui sévit sur la scène internationale et qui donne un sentiment d'humiliation à un grand nombre d'Arabes. Tant qu'une paix acceptable pour les deux parties ne sera pas signée, la région entière ne sera pas stabilisée et la fabrique à terroristes proliférera.

En effet, la colonisation nous ramène un siècle et demi en arrière. Nombre de colons sont de nouveaux arrivants qui profitent des incitations financières données par l’État israélien pour s’enrichir en volant la terre d’autrui. Ils doivent être conscients qu’ils mettent leur vie en danger.

Les anciens chefs des services de renseignement israéliens ont appelé Benjamin Netanyahou à une paix honorable avec les Palestiniens, de longue date. Pour eux, la création d'un État palestinien est la meilleure option. Plus personne, à l'exception des mouvements terroristes, ne remet en cause le droit à l'existence et la sécurité d'Israël. Un État seul persiste. C'est sur cette menace-là que devraient se concentrer les efforts israéliens. Plus Israël niera les droits légitimes des Palestiniens, plus il renforcera cet État hostile.

Car le bilan de M. Netanyahou est calamiteux. Ce politicien, non sioniste, mais plutôt sioniste révisionniste, a du sang palestinien et du sang israélien sur les mains. Du sang arabe et du sang juif sur les mains. En matière sécuritaire, son inefficacité est criante. Le Hamas, version palestinienne des  Frères musulmans, est devenu non plus seulement un mouvement islamiste, mais une organisation terroriste désormais ouvertement soutenue par l’Iran et structurée à l’image du Hezbollah, malgré la défiance originelle entre l’Iran et le Hamas, soit celle entre chiites et sunnites. En effet, ce n'est pas tant l'attaque du Hamas qui a surpris, mais son ampleur, sa coordination, sa cruauté. Le Hamas en était totalement incapable, il y a quelques années encore. Une extension du conflit n’est pas à exclure.

La politique de Benjamin Netanyahou, d’un point de vue diplomatique, a abouti à mettre en danger Israël    et plongé dans la perplexité les pays arabes qui ont déjà normalisé leurs relations avec cet État, mais aussi ceux qui sont tentés de le faire.

Peut-il rester à la tête d'Israël? Ses déclarations sur des «comptes à rendre» doivent être relativisées, car elles émanent d’un menteur pathologique. Il faut  espérer que les Israéliens le pousseront effectivement à partir.

Du côté palestinien, il est évident qu'un passage de relais doit être opéré. Mahmoud Abbas n’a jamais été l’homme de la situation. Il est urgent de retrouver un leader qui marginalise politiquement le Hamas, car aucune opération terrestre ne permettra de le faire disparaître totalement. Pour beaucoup, Marwan Barghouti est l’homme de la situation. Israël devrait comprendre que l’on ne fait la paix qu’avec ses ennemis. Menahem Begin, issu de la même mouvance que M. Netanyahou, l’avait lui compris quand il signa les accords de Camp David.

 

Erwan Davoux a été conseiller à l'international de plusieurs personnalités politiques de droite, chargé de mission à la cellule diplomatique de l'Élysée (2010-2011) en charge de la Francophonie puis du monde arabe. X : @erwandavoux

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.