Pour le démographe François Héran: «La fermeté ne suffit pas» à bâtir une politique migratoire

Le ministre français de l'intérieur, Gérald Darmanin, assiste à une présentation par la Première ministre française des mesures en réponse aux émeutes urbaines de juin, en présence de nombreux ministres et maires, dans un amphithéâtre de l'Université de la Sorbonne à Paris le 26 octobre 2023. ( Photo, AFP)
Le ministre français de l'intérieur, Gérald Darmanin, assiste à une présentation par la Première ministre française des mesures en réponse aux émeutes urbaines de juin, en présence de nombreux ministres et maires, dans un amphithéâtre de l'Université de la Sorbonne à Paris le 26 octobre 2023. ( Photo, AFP)
Short Url
Publié le Lundi 30 octobre 2023

Pour le démographe François Héran: «La fermeté ne suffit pas» à bâtir une politique migratoire

  • Il faut rappeler qu'il n'y a pas de corrélation statistique entre l'immigration et la probabilité d'un attentat
  • Les responsables politiques sont tellement dans leur surenchère qu'il y a un décalage fabuleux entre la réalité des faits et les éléments du débat public, lié à cette compétition avec le Rassemblement national

PARIS: Il y a un "décalage fabuleux" entre les discours politiques sur l'immigration et "la réalité des faits", estime dans un entretien avec l'AFP le démographe François Héran, à une semaine de l'examen d'un projet de loi sur ce sujet sensible.

Sur fond de "surenchère" sécuritaire, notamment après l'attentat d'Arras commis par un immigré, le titulaire de la chaire migrations et société du Collège de France rappelle que "la fermeté ne suffit pas" à construire une politique migratoire.

Le calendrier de l'examen au Sénat, qui débute le 6 novembre, vous inquiète-t-il ?

Il y a toujours un danger à légiférer sous le coup de l'émotion. Il faut rappeler qu'il n'y a pas de corrélation statistique entre l'immigration et la probabilité d'un attentat. Nous avons 38.000 Syriens (en France), il y en a cent fois plus, 3,8 millions, en Turquie. Il n'y a pas cent fois plus d'attentats en Turquie. L'idée qu'il suffirait de réduire l'immigration pour réduire le danger d'attentat est absurde, mais percute à bon compte l'opinion publique.

Les responsables politiques sont tellement dans leur surenchère qu'il y a un décalage fabuleux entre la réalité des faits et les éléments du débat public, lié à cette compétition avec le Rassemblement national. A cet égard, s'en prendre à la CEDH (Cour européenne des droits de l'Homme, dont le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a dit vouloir s'affranchir pour expulser certains étrangers) en faisant appel à la fibre nationaliste, ça dénote d'un glissement: pendant longtemps, c'était l'extrême droite qui disait cela. Tout ça, c'est des gages donnés aux Républicains.

Les LR ont surtout le titre "métier en tension" comme ligne rouge...

Ils veulent zéro régularisation. Mais c'est aussi irréaliste que zéro immigration. Cet article de la loi est indispensable pour mettre fin à ces trappes à pauvreté et à précarité qu'est le

maintien des personnes dans une situation irrégulière. Une enquête du ministère de l'Intérieur a montré que 40% des personnes qui obtiennent des régularisations étaient déjà là depuis dix ans. Intégrer la régularisation dans la loi, de plein droit, c'est positif.

Comment qualifiez-vous le texte dans l'ensemble ?

Hétéroclite. Il joue sur le vieil équilibre +humain mais ferme+, en l'espèce plutôt +ferme mais humain+. Il y avait besoin d'une nouvelle loi, notamment pour réduire le volume du contentieux des étrangers, qui représente la moitié de l'activité dans nos tribunaux administratifs.

Mais parmi les mesures ajoutées (par amendements) en commission des Lois du Sénat, il y a la remise en cause de l'aide médicale d’État et un durcissement sur le regroupement familial, qui devrait être différé de deux ans au lieu d'un an et demi actuellement. Qu'est-ce que ça ajoute de séparer six mois de plus les parents des enfants ? C'est purement punitif, pour dire qu'on a encore serré les vis. Cette surenchère de fermeté, ça fait trente ans qu'on essaie. Ça veut dire quoi ? Que (Charles) Pasqua n'était pas ferme ? (Nicolas) Sarkozy non plus ? Il faudra se rendre compte un jour que la fermeté ne suffit pas. Qu'il faut prévoir des voies légales d'entrée, pour l'instant trop rares.

C'est le risque d'"appel d'air" qui est invoqué à droite pour justifier ces durcissements. Est- ce fondé ?

Il y a l'idée que nous serions débordés. Or quand on regarde les données, la France se situe dans le milieu de tableau (au niveau européen). La proportion d'immigrés progresse de façon continue depuis 2000. Il ne faut pas le nier. Dans le monde entier, il y a eu 60% d'augmentation de l'immigration. En France, c'est autour de 45%.

Mais prenons les demandes d'asile. Nous représentons 15% de la population européenne, 18% du PIB. Nous n'avons accueilli que 4% des Syriens qui ont déposé une demande en Europe. On a fait mieux pour les Afghans, 11%, mais l'Allemagne c'est 34%. Nous n'avons pas pris notre part. Même pour les gens qui sont libres de s'installer chez nous, les autres Européens, nous sommes très peu attractifs. Regardez les Ukrainiens: on n'a accueilli que 4% des Ukrainiens qui ont obtenu la protection temporaire en Europe.

Ceci dément l'idée que nous aurions des dispositifs sociaux si attractif, généreux, que nous aimantons les migrants. Vous croyez que les Afghans ou les Soudanais calculent si l'allocation pour demandeurs d'asile est plus importante en France qu'en Allemagne ? On se raconte des histoires.


Crise de la dermatose en France : les vétérinaires cibles de menaces

La colère des agriculteurs français contre l'abattage des troupeaux affectés par cette maladie, qui a d'abord visé le gouvernement, s'est aussi tournée depuis plusieurs jours contre les vétérinaires, chargés des "dépeuplements" des bovins, selon les termes utilisés par l'Ordre des vétérinaires, institution professionnelle chargée d'encadrer la profession. (AFP)
La colère des agriculteurs français contre l'abattage des troupeaux affectés par cette maladie, qui a d'abord visé le gouvernement, s'est aussi tournée depuis plusieurs jours contre les vétérinaires, chargés des "dépeuplements" des bovins, selon les termes utilisés par l'Ordre des vétérinaires, institution professionnelle chargée d'encadrer la profession. (AFP)
Short Url
  • La colère des agriculteurs français contre l'abattage des troupeaux affectés par cette maladie, qui a d'abord visé le gouvernement, s'est aussi tournée depuis plusieurs jours contre les vétérinaires, chargés des "dépeuplements" des bovins
  • "Il a essayé de péter ma vitre (de voiture) avec son poing", a raconté à l'AFP une vétérinaire libérale exerçant dans la Savoie (est), qui a requis l'anonymat à la suite de cet incident avec des éleveurs

PARIS: "Vétérinaires = assassins", cliniques taguées "vétos = collabos"... "On a le droit à tout", déplore David Quint, président du Syndicat français des vétérinaires libéraux, qui témoigne du malaise dans la profession, en première ligne dans la gestion de l'épizootie de dermatose nodulaire contagieuse (DNC).

La colère des agriculteurs français contre l'abattage des troupeaux affectés par cette maladie, qui a d'abord visé le gouvernement, s'est aussi tournée depuis plusieurs jours contre les vétérinaires, chargés des "dépeuplements" des bovins, selon les termes utilisés par l'Ordre des vétérinaires, institution professionnelle chargée d'encadrer la profession.

"Il a essayé de péter ma vitre (de voiture) avec son poing", a raconté à l'AFP une vétérinaire libérale exerçant dans la Savoie (est), qui a requis l'anonymat à la suite de cet incident avec des éleveurs.

Durant l'été, elle a été mandatée pour abattre un cheptel dans une exploitation. "Deux voitures se sont garées au milieu de la route comme des cowboys pour nous bloquer le passage et on nous a demandé si nous étions +fiers de ce que nous avions fait+, mon confrère et moi", se souvient-elle.

"Ils étaient quatre, c'était stressant, j'ai appelé la gendarmerie et porté plainte le soir même", rapporte la vétérinaire.

"Pris en étau" 

"On est pris en étau entre la souffrance du monde agricole d'un côté et le fait de devoir faire notre métier de l'autre", a regretté auprès de l'AFP Jean-Yves Gauchot, président de la Fédération des syndicats vétérinaires.

Lundi, le vétérinaire a reçu cette menace: "dans un autre temps, votre tête aurait fini au bout d'une pique", après s'être exprimé sur la chaîne d'information BFMTV, une première en 35 années d'expérience.

Une enquête a été ouverte mardi par le parquet de Bergerac (sud-ouest) pour menaces de mort après la plainte du praticien.

"Il ne faut pas laisser passer", défend-il, appelant ses confrères à porter plainte en cas de menaces.

Il n'y a "rien qui justifie que l'on menace quelqu'un de mort", a réagi mardi David Quint, lors d'une conférence de presse de l'Ordre des vétérinaires et de plusieurs organisations syndicales, qualifiant ces intimidations d'"inacceptables".

La stratégie gouvernementale de lutte contre cette maladie animale très contagieuse, non transmissible à l'homme mais qui peut toucher très durement le cheptel, prévoit l'abattage systématique d'un troupeau dès la détection d'un cas, ce qui cristallise les tensions d'une partie des agriculteurs, notamment de la Coordination rurale (deuxième syndicat) et de la Confédération paysanne (3e).

"N'allez pas trop loin sinon vous n'aurez plus de vétérinaires !", a mis en garde le président du Conseil national de l'Ordre, Jacques Guérin, interrogé par l'AFP en marge de la conférence.

Droit de retrait ? 

Face à la pression qui a "monté d'un cran", il a appelé les vétérinaires à faire valoir leur droit de retrait "si les conditions ne réunissent pas leur sécurité et celle de leurs proches".

Cela signifie qu'un vétérinaire habilité et mandaté par une préfecture pour abattre un élevage pourrait refuser sa tâche, tout en argumentant les raisons auprès du préfet, explique l'Ordre, qui ne soutiendra toutefois pas les clauses de retrait "de principe".

Le standard de l'Ordre des vétérinaires est "submergé d'appels de personnes complotistes, antivax, anti-tout, qui déversent des tombereaux de bêtises à l'encontre de la profession. Cela finit par impacter fortement le moral des vétérinaires", déplorait son président il y a quelques jours auprès de l'AFP.

"C'est inadmissible de s'en prendre aux vétérinaires", a réagi auprès de l'AFP Stéphane Galais, porte-parole de la Confédération paysanne, arguant que la "responsabilité du climat de défiance" est à "aller chercher du côté du ministère de l'Agriculture".

La Coordination rurale, syndicat concurrent, "condamne" également "toutes les menaces" envers les vétérinaires, selon François Walraet, secrétaire général du syndicat, joint par l'AFP.

"Ce sont nos partenaires (...) Ce n'est pas à eux qu'il faut s'adresser si on veut que le protocole évolue", abonde-t-il.

Les mesures actuelles sont "absolument ce qu'il faut faire" pour éradiquer ce "virus extrêmement résistant dans les milieux extérieurs", insiste par ailleurs la présidente de l'association de vétérinaires SNGTV, Stéphanie Philizot.


Explosion d'un immeuble dans l'Ain: un troisième corps retrouvé

Lors d'une visite sur les lieux mardi, le ministre de l'Intérieur Laurent Nuñez avait déclaré qu'une personne "manque à l'appel, qui était probablement occupante d'un des logements". (AFP)
Lors d'une visite sur les lieux mardi, le ministre de l'Intérieur Laurent Nuñez avait déclaré qu'une personne "manque à l'appel, qui était probablement occupante d'un des logements". (AFP)
Short Url
  • Selon les secours, "des moyens supplémentaires déployés mardi ont permis de lancer des recherches afin de retrouver une personne portée manquante, ainsi que de procéder à des reconnaissances de sécurité dans les bâtiments environnants"
  • "La personne a été retrouvée après une heure trente (de fouilles) avec les pelleteuses", a détaillé auprès de l'AFP une source secouriste

LYON: Le corps d'une femme a été retrouvé mardi soir à Trévoux dans l'Ain, au lendemain de l'explosion d'un immeuble de quatre étages qui a fait deux autres victimes, des garçons de 3 et 5 ans, ont indiqué mercredi les secours.

"La victime manquante a été retrouvée décédée peu après 20H00 dans les décombres par les sapeurs pompiers", ont indiqué les secours dans un communiqué, précisant qu'il s'agit d'une femme.

Selon les secours, "des moyens supplémentaires déployés mardi ont permis de lancer des recherches afin de retrouver une personne portée manquante, ainsi que de procéder à des reconnaissances de sécurité dans les bâtiments environnants", ont précisé les secours.

"La personne a été retrouvée après une heure trente (de fouilles) avec les pelleteuses", a détaillé auprès de l'AFP une source secouriste.

Lors d'une visite sur les lieux mardi, le ministre de l'Intérieur Laurent Nuñez avait déclaré qu'une personne "manque à l'appel, qui était probablement occupante d'un des logements".

Deux frères âgés de 3 et 5 ans avaient été retrouvés lundi dans la soirée sous les décombres, en arrêt cardio-respiratoire et n'avaient pas pu être réanimés.

Outre les trois décès, 13 personnes ont été hospitalisées en urgence relative, 53 autres ont été prises en charge pour des blessures légères ou en cellule psychologique, selon le bilan des secours.

Les gendarmes sont chargés d'une enquête menée sous l'égide du parquet de Bourg-en-Bresse pour déterminer les causes de l'explosion qui a eu lieu vers 17H30 lundi au rez-de-chaussée de l'immeuble.

Le maire de Trévoux, Marc Péchoux, a évoqué devant la presse la piste d'une explosion due au gaz mais le parquet a souligné mardi dans un communiqué qu'à ce stade, les causes exactes n'étaient "pas encore déterminées avec certitude".

Au total 22 appartements et 7 maisons individuelles sont désormais inhabitables. Mardi, les propriétaires de 14 maisons ont pu regagner leur domicile, qui présentent "des dégâts mineurs", selon les secours.


Commerce: Macron dit préférer une politique "coopérative" avec la Chine aux droits de douane

Le président français Emmanuel Macron attend avant d'accueillir le président roumain à l'Élysée, à Paris, le 9 décembre 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron attend avant d'accueillir le président roumain à l'Élysée, à Paris, le 9 décembre 2025. (AFP)
Short Url
  • Emmanuel Macron privilégie une approche coopérative avec la Chine pour corriger des déséquilibres commerciaux « non viables », tout en gardant l’option de droits de douane si Pékin ne réagit pas
  • Il appelle l’UE à renforcer sa compétitivité, à mieux mobiliser son épargne et à promouvoir l’euro

PARIS: Emmanuel Macron, qui avait menacé d'imposer à la Chine des droits de douane européens dans les "prochains mois", appelle dans une tribune publiée mardi dans le Financial Times à privilégier une approche "coopérative" avec Pékin pour résorber les déséquilibres commerciaux qui ne sont "plus viables".

"Imposer des droits de douane et des quotas sur les importations chinoises serait une réponse non coopérative", dit le président français dans le quotidien des affaires britannique.

"Nous devons reconnaître que ces déséquilibres sont à la fois le résultat d'une faible productivité européenne et de la politique chinoise d'une croissance tirée par les exportations. Poursuivre dans cette voie risque d'entraîner un conflit commercial grave, mais la Chine et l'UE ont toutes deux les moyens de corriger ces déséquilibres", plaide-t-il.

Au retour de son déplacement en Chine début décembre, Emmanuel Macron avait affirmé avoir prévenu les dirigeants chinois que "s'ils ne réagissaient pas" pour réduire leur excédent commercial qui ne cesse d'augmenter avec l'Union européenne, les Européens seraient "contraints, dans les tout prochains mois, de prendre des mesures fortes" comme "par exemple des droits de douane sur les produits chinois".

"Je préfère de loin la coopération, mais je plaiderai en faveur de cette dernière solution si nécessaire", explique-t-il dans le Financial Times, tout en se montrant plus conciliant.

"Je suis toutefois convaincu qu'en tenant véritablement compte des besoins et des intérêts de chacun, nous pouvons établir un agenda macroéconomique international qui profitera à tous", ajoute-t-il en effet, rappelant que "la résolution des déséquilibres mondiaux sera au cœur de l'agenda de la présidence française du G7" en 2026.

Pour montrer que l'Europe est prête à faire sa part dans cette approche "coopérative", le président français prône "un nouveau programme économique fondé sur la compétitivité, l'innovation et la protection" au niveau des Vingt-Sept.

"Afin de financer les investissements dont nous avons besoin, l'Europe doit tirer parti de son pool d'épargne d'environ 30.000 milliards d'euros", en en dirigeant une plus grande partie vers les entreprises européennes, estime-t-il.

"L'Europe devrait également chercher à renforcer le rôle international de l'euro à travers le développement de stablecoins en euros et l'introduction d'un euro numérique", ajoute-t-il parmi les mesures proposées.

Emmanuel Macron entend porter ces positions aussi lors du prochain Conseil européen, jeudi à Bruxelles.