PARIS: A l'approche de l'examen au Parlement du projet de loi sur l'immigration, qui débute le 6 novembre au Sénat, Les Républicains font monter les enchères en jouant sur les divisions au sein de l'exécutif.
Après avoir présenté pendant des mois comme une "ligne rouge" la régularisation des sans-papiers dans les métiers en tension, prévue par l'article 3 du projet de loi, la droite estime désormais que sa suppression n'est qu'un "préalable" pour accorder son soutien au texte.
"Cela ne suffit pas", a martelé jeudi sur Sud Radio le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau, énumérant une série de mesures qu'il compte ajouter lors du débat parlementaire comme l'arrêt de l'aide médicale d'Etat pour les sans-papiers.
Des propos qui confirment le changement de ton des Républicains depuis l'assassinat à Arras du professeur de français Dominique Bernard par un jeune Russe, originaire d'Ingouchie, fiché pour radicalisation islamiste depuis février 2021.
En réponse à Gérald Darmanin qui a durci son texte pour obtenir le soutien de la soixantaine de députés LR et éviter ainsi le recours au 49.3, la droite l'accuse désormais sans ambages de "mentir".
Elle fustige "l'impuissance" du projet gouvernemental et insiste sur une réforme constitutionnelle qui permettrait à la France de déroger au droit européen sur les questions migratoires au nom des intérêts de la nation.
Motion de censure?
Parallèlement, les dirigeants LR brandissent la menace d'une motion de censure, à l'image de Laurent Wauquiez, son candidat potentiel à la présidentielle en 2027, qui a promis de s'opposer de "toutes ses forces" à un texte qui conduirait à "ouvrir de nouveaux appels d'air pour encore plus d'immigration".
La droite compte également profiter des divisions au sein de la majorité: "on a l'impression que le gouvernement est guidé par l'aile gauche de la macronie", ironise un cadre de LR.
"M. Retailleau essaie de mettre le souk chez nous", reconnaît le député Renaissance Sacha Houlié, fer de lance de cette aile gauche, qui a bondi en découvrant dans les colonnes du Parisien que la cheffe du gouvernement se serait dite prête à renoncer à l'article 3 lors d'un dîner secret lundi avec le chef de file des sénateurs LR.
Près de 40 députés de la majorité, soit presque autant que de LR qui soutiendraient le projet de loi revu et corrigé, ont écrit à la Première ministre pour réaffirmer "leur attachement aux équilibres du texte initial", article 3 compris, et exiger "un rendez-vous à très court terme", précise Le Figaro.
De source gouvernementale, on dément fermement que Mme Borne ait tenu de tels propos.
M. Darmanin s'est, quant à lui, "montré ferme sur le maintien de l'article 3" lors d'un déjeuner jeudi avec la commission des Lois du Sénat, estimant qu'une "accroche législative" était nécessaire, a indiqué un participant.
M. Retailleau a assuré, au contraire, avoir compris que Mme Borne était davantage favorable à une simple "circulaire" qui donnerait aux préfets la capacité de régulariser "au compte-gouttes".
Mais le projet de loi divise aussi la droite, "entre des sénateurs qui souhaitent approuver un texte et des députés qui le refusent", explique à l'AFP un autre cadre du parti.
"On est tous sur la même ligne", rétorque l'entourage de M. Ciotti, qui en veut pour preuve les entretiens que le patron du parti a eu mercredi avec le président du Sénat, Gérard Larcher, ainsi qu'avec M. Retailleau et son homologue à l'Assemblée, Olivier Marleix.
Les mêmes s'étaient déjà concertés pour soumettre en décembre aux deux chambres du Parlement leur proposition concurrente de la loi sur l'immigration.
M. Retailleau prévient: si la droite vote un texte au Sénat, ce sera le sien et non plus celui de M. Darmanin qui "aura totalement changé".
Une démarche qui rappelle celle de LR lors de la réforme des retraites, comme le déplore un parlementaire macroniste: "Ils sont en train de nous faire le même coup. Si on leur en file chaque jour un peu plus, ils vont tout prendre et à la fin ils ne voteront pas la loi!"
Autre problème: même au Sénat où la droite est dominante mais pas majoritaire à elle seule, la suppression de l'article 3 ne semble pas du goût des centristes, traditionnels alliés de la droite.