PARIS: Ils ont façonné et façonnent encore "la puissance industrielle et les normes sociales" de la France, mais se sentent "oubliés": un documentaire, diffusé mardi sur France 2, entend "rendre hommage" aux millions d'ouvriers qui se sont succédés dans les usines françaises depuis la seconde moitié du XIXe siècle.
Deux ans et demi après le succès d'audience de "Nous paysans" (5,5 millions de téléspectateurs), les documentaristes Fabien Béziat et Hugues Nancy ont repris la même méthode pour concevoir "Nous les ouvriers".
Le film juxtapose de nombreuses images d'archives parfois très anciennes --tournées pour les "actualités" ou à la demande des patrons dans les fonderies d'acier de Lorraine, les filatures textiles du Nord ou sur des chaînes de montage automobiles-- en les entrecoupant avec les souvenirs et les commentaires de témoins d'aujourd'hui, ouvriers retraités ou encore actifs.
Cette mise en regard vient souligner "la permanence des expériences", observe Hugues Nancy.
Le procédé permet d'aborder de nombreuses thématiques historiques et sociétales, comme le travail des enfants, la pénibilité, les accidents du travail, le recours à la main d'oeuvre immigrée, et bien sûr les fermetures d'usines et la "désindustrialisation".
Le film évoque également les nombreux conflits sociaux qui ont jalonné l'Histoire du XXe siècle, dont certains largement oubliés. Comme la révolte en 1924 des "sardinières" des conserveries de Douarnenez en Bretagne, qui menèrent une longue grève pour obtenir des augmentations de salaire, et dont l'hymne proclamait "Saluez, riches heureux, ces pauvres en haillons: ce sont eux qui gagnent vos millions!".
Un siècle plus tard, certains témoins sont émus en évoquant leurs décennies de labeur à l'usine. Comme Martine, entrée très jeune dans une filature de Tourcoing, et qui dit avoir pleuré au début de sa carrière car elle avait l'impression d'arriver "en prison ou au bagne" - mais elle précise avoir ensuite "adoré" son travail. Ou Jean, qui raconte sa peur dans les boyaux étroits du fond de la mine, où "on se traînait comme des lézards".
Plusieurs témoins expriment leur "fierté" d'être ou avoir été ouvriers, et certains leur regret que cette catégorie sociale soit aujourd'hui "absente du débat". "On n'en parle jamais, on a l'impression d'être oubliés", déplore ainsi Christophe, salarié d'une usine de porcelaine près de Limoges.
Pourtant, "on aurait tort de croire à notre disparition, car si nos métiers ont changé, nous les ouvriers sommes toujours là", au nombre de cinq millions, affirme le commentaire.
"Nous les ouvriers" mardi 10 octobre à 21H10 sur France 2.