GROZA: Dans un nuage de poussière, des pelleteuses retiraient vendredi les gravats des ruines du café et du magasin à Groza, dans l'est de l'Ukraine, où 52 personnes ont été tuées la veille par un missile russe.
Des ouvriers découpent des planches de contreplaqué destinées à couvrir les fenêtres de maisons alentour soufflées par la violente explosion.
Valentina Koziïenko, 73 ans, et son mari Volodymyr, 76 ans, dont l'habitation est située en face du café, regardent des voisins qui installent une grande bâche blanche sur leur toit partiellement détruit.
"J'étais derrière la maison et ma femme était à l'intérieur. Quand cela s'est produit, une partie du toit est tombée dans le jardin. Ma femme a commencé à crier (...) Quand je suis sorti dans la rue, je n'ai vu que du feu et un nuage de poussière et de fumée", raconte l'homme.
Encore choquée, Galina Ioudina, 63 ans, se trouvait, elle, dans son bureau d'un petit bâtiment à 50 mètres de la frappe.
"J'étais là à travailler. L'une des fenêtres s'est violemment ouverte et l'autre a explosé. Je n'ai pas compris ce que c'était. J'ai commencé à trembler, je ne pouvais plus parler", explique, la voix hésitante et les yeux rougis, cette comptable d'une exploitation agricole.
Des bris de verre, de la poussière et du plâtre jonchent le sol de son bureau, dont une partie du plafond est effondré.
Munis de pelles, une vingtaine de pompiers sont venus dans la matinée de la grande ville de Kharkiv. Ils ont terminé de fouiller puis ont nettoyé les décombres du café et du magasin attenant.
La veille, jusque dans la nuit, des secouristes et des militaires ont retiré des gravats les dépouilles des victimes, dont plusieurs étaient démembrées ou décapitées.
Dans le cimetière à l'entrée du petit village, Oleksiï est venu avec des membres de sa famille pour délimiter l'emplacement des tombes où seront enterrés son frère et sa belle-soeur, tués dans la frappe.
"Le corps de mon frère était entier, mais celui de sa femme n'avait pas de tête", dit-il à l'AFP, au bord des larmes.
Dans une allée, la tombe du soldat Andriï Kozyr est couverte de couronnes de fleurs et surmontée d'un drapeau ukrainien.
«Collaborateur»
Des habitants et des membres de sa famille qui avaient participé à ses funérailles s'étaient rassemblés dans le café qui a été visé par la frappe.
Dans le village de 330 habitants -environ 500 avant la guerre- certains se demandent comment les Russes ont pu frapper à ce moment et à cet endroit précis.
"Tous ceux qui étaient aux funérailles sont morts. Ça s'est passé juste après que les gens sont rentrés dans le café", dit Valentina Koziïenko.
Et de s'interroger: "Comment les Russes ont-ils su qu'il y avait autant de gens là ? Peut-être que quelqu'un leur a dit."
"Dans le village, on savait qu'il y avait les funérailles", poursuit son mari Volodymyr.
"Je suis sûr qu'il y a pu avoir un collaborateur (des Russes) qui a donné les informations", assure-t-il.
Pour la comptable Galina Ioudina, "la frappe était délibérée. Les Russes étaient au courant du rassemblement", pense-t-elle.
Fin juin à Kramatorsk (est), un missile russe avait tué 13 personnes dans un restaurant très fréquenté, notamment apprécié par les militaires, à l'heure du dîner.
Vendredi, les services de police de la région de Kharkiv ont indiqué que l'enquête sur la frappe de jeudi portait notamment sur "l'identification des personnes susceptibles d'être impliquées" dans celle-ci.
Situé à 35 km à l'ouest de la ligne de front, le village de Groza a été occupé aux premiers jours de l'invasion russe en février 2022, jusqu'au début septembre de la même année.