PARIS : Que ce soit dans la mode, les arts la décoration ou l’architecture, ou simplement dans les coutumes, les couleurs ne sont jamais choisies au hasard. Elles ne sont pas non plus anodines. Leur choix peut être conditionné par l’accessibilité d’un certain pigment dans l’environnement, l’harmonie des tonalités ou la symbolique qui leur est attribuée. Celle-ci diffère souvent selon les civilisations, même si certaines évidences forment une base commune. Les essais abondent sur les caractéristiques et les vertus des couleurs dans le monde entier. Cependant, les éditions Orients viennent de livrer une pépite : la première étude sur la Philosophie des couleurs en islam.
L’auteur de l’ouvrage est Karim Ifrak, docteur de l’EPHE, chercheur au CNRS, spécialiste de l’histoire des textes et de la vie de la pensée dans le monde musulman.
Familier de l’esthétique et du traitement des couleurs dans l’illustration des manuscrits, ainsi que de la grande place qu’occupe la couleur dans l’art du livre arabe, il offre au lecteur dans ce nouvel essai, sous le titre « Philosophie des couleurs en islam », une grille de lecture et d’interprétation inédite sur la perception et l’utilisation des nuances dans le monde musulman.
De même que les sagesses asiatiques attribuent une couleur à chaque chakra, l’islam identifie la couleur à son contenant : « La couleur de l’eau dépend de son récipient » dit une maxime. Si le vert est la couleur de l’abondance, omniprésente dans la nature et sur les drapeaux des pays musulmans, le bleu est mystique dans son évocation du ciel et des océans. Cette couleur centrale invite aussi le blanc, valeur sacrée. Le noir, que se sont approprié les extrémistes, a sa propre histoire. Quant au rouge, couleur du sang des martyrs, il représente aussi, par sa chaleur et son énergie, la force et la passion.
Dans les textes sacrés, la couleur prend valeur d’indicateur visuel et facilite l’orientation du lecteur au fil de sa lecture.
Inventeurs des premières formes de l’art géométrique et abstrait, les civilisations islamiques ont usé et abusé des couleurs jusqu’à l’enchantement. Livres, architecture, jardins, vitraux, il n’est pas jusqu’à la tapisserie où la couleur joue son rôle, à la fois sensuelle et signifiante.
L’auteur entraîne le lecteur d’un univers à l’autre, de la nature dans le Coran aux allées ombragées des jardins, du territoire des mystiques à celui des architectes, de l’enluminure à l’illustration, de l’onirisme à la géométrie, de la lumière spirituelle à l’art contemporain.
Riche d’une iconographie et d’images fascinantes qui entraînent le lecteur dans un voyage mystique autour du monde musulman, Philosophie des couleurs en islam est un livre de référence, écrit par un érudit qui sait se faire conteur.
A savourer en cette rentrée littéraire comme un prolongement studieux des grandes vacances.
Engagées dans la transmission de la tradition orale du monde arabe, et notamment les récits autour des figures féminines légendaires de ce patrimoine, Orients Editions, sous la direction d’Ysabel Baudis, s’efforcent de jeter un pont entre les cultures arabe et occidentale. Chaque ouvrage publié lève un coin de voile sur des faits de culture inattendus et renforce, par la connaissance, les liens entre les civilisations.