PARIS: Deux suicides de salariés de la Banque de France, et une lettre incriminant directement l'institution et les conditions de travail, suscitent l'inquiétude des salariés et syndicats au sein de l'institution, a appris vendredi l'AFP de sources concordantes.
Les suicides ont eu lieu en juin au domicile des personnes. L'un des salariés ayant mis fin à ses jours a pointé dans une lettre les conditions de travail pour expliquer son geste.
Contactée par l'AFP, la banque a confirmé les deux suicides et déclaré que "la procédure est en cours, respectueuse des personnes et en toute indépendance". Les résultats de l'enquête sont attendus pour fin octobre.
"C’est naturellement un drame, auquel nous sommes tous sensibles et très attentifs" et "la banque renforcera bien entendu toutes les mesures nécessaires, s’il y a lieu, pour prévenir au maximum ces situations de grande détresse qui nous affectent profondément", avait déclaré la direction dans un message transmis mercredi à l'ensemble des salariés. Une cellule psychologique a été mise en place.
Une réunion exceptionnelle du comité social et économique central sur le sujet a eu lieu le 11 septembre, à l'issue de laquelle les élus du personnel ont dénoncé le refus de la direction de répondre à leurs demandes, et notamment de faire une pause dans les réformes.
Une nouvelle réunion doit se tenir le 4 octobre où les organisations syndicales devraient voter "une expertise pour danger grave et imminent sur l'ensemble du périmètre de la banque", a déclaré la CGT, premier syndicat, contactée par l'AFP.
Une filière instable
Les deux salariés ayant mis fin à leurs jours travaillaient au sein de la filière fiduciaire (qui délivre et collecte les billets et les pièces) une "filière qui vit dans l’insécurité permanente", avec des fermetures de sites régulières, a dénoncé Hugo Coldeboeuf, délégué syndical de la CGT Banque de France, évoquant "une vraie inquiétude d’un risque France Telecom", en référence à la série de suicides de salariés qu'a connu l'entreprise dans les années 2000.
"On a des témoignages (de salariés) qui nous remontent, on sent que cela a libéré la parole", ajoute-t-il, rappelant que l'ensemble des syndicats dénoncent depuis des années la dégradation des conditions de travail au sein de la banque, qui a réduit ses effectifs de 25% depuis 2015.
Dans un rapport de 2021 sur les risques psychosociaux, quatre salariés sur dix indiquaient être en situation de stress, et la situation s'est en grande partie dégradée depuis 2011, avec les risques de "pression, intimidation", de "conflit de valeur", d'"incertitude vis-à-vis de l'avenir" et de "sens et intérêt du travail".