CASABLANCA: Au Maroc, les professionnels du tourisme agonisent. La crise sanitaire qui a frappé le Royaume cette année a très durement affecté un secteur hautement stratégique pour l’économie du pays: il représente 750 000 emplois directs, pèse 7% du PIB national et a généré, en 2019, près de 79 milliards de dirhams, soit environ 7,3 milliards d’euros.
Des pôles touristiques comme Marrakech et Agadir, qui concentrent plus de 60% des nuitées du pays, sont quasiment déserts depuis la mi-mars 2020. Plusieurs établissements d’hébergement touristique et plusieurs restaurants ont mis la clé sous la porte, entraînant le licenciement de dizaines de milliers d’employés et aggravant le taux de chômage du pays, qui devrait culminer à près de 14% cette année. Toutefois, les licenciements n’ont pas atteint un niveau si catastrophique que cela, car l’État marocain a conditionné ses mesures de soutien au secteur à la préservation d’au moins 80% des emplois.
Des mesures de soutien jugées inefficaces
Ces mesures ont cependant été jugées insuffisantes par les professionnels. Contacté par nos soins, Fouzi Zemrani, vice-président de la Confédération nationale du tourisme (CNT), ne cache pas son amertume. Il lance un appel à l’État marocain et aux parties prenantes afin de mettre en place, de manière urgente, des mesures plus réalistes et plus efficaces. «Tous les professionnels souffrent énormément au niveau de leur trésorerie à cause de l’arrêt de leurs activités pendant neuf mois. La majorité d’entre eux n’ont pas réalisé de chiffre d’affaires au cours de cette période. Les plus chanceux ont eu un manque à gagner de 80% par rapport à l’année 2019. L’État a lancé des mesures de soutien, qui consistent principalement en des indemnités pour les employés du secteur, en plus des crédits garantis par l’État», souligne Zemrani.
Mais ces crédits n’ont pas été salvateurs, si l’on en croit notre source, puisque «les banques ont rechigné à octroyer des crédits aux opérateurs». En effet, la démarche est jugée trop risquée, le taux des créances en souffrance ayant atteint des niveaux alarmants au Maroc. Outre les banques, les assurances n’ont pas non plus joué le jeu, déplore Zemrani: «Elles ont exigé le paiement de leurs polices d’assurances, notamment auprès des agences de location de voiture, malgré le fait que leurs véhicules étaient immobilisés pendant cette période.» D’ailleurs, le transport touristique a été l’un des segments les plus touchés. Les loueurs de véhicules touristiques ont à maintes reprises donné l’alarme auprès des autorités marocaines, en vain. On dénombre plusieurs cas de suicide, nous confie une source proche de la corporation.
Un contrat-programme qui tarde à être concrétisé
Pour essayer de limiter la casse, l’État a signé, le 6 août 2020, le «contrat-programme 2020-2022» avec les professionnels du secteur, qui s’articule autour de trois objectifs: le maintien des emplois et la préservation du tissu économique, la stimulation de la demande, et la transformation structurelle du secteur. Malgré sa signature, la concrétisation de ce contrat-programme tarde encore. Sur les vingt et une mesures prévues, seules deux ont été lancées pour le moment: les crédits garantis par l’État et les indemnités pour les employés du secteur.
Pour stimuler la demande, l’Office nationale marocain du tourisme (ONMT) a initié un programme de promotion du tourisme interne, mais il n’a pas atteint les résultats escomptés. «Le tourisme interne n’a pas été au rendez-vous. À cause de la crise sanitaire, le pouvoir d’achat des Marocains a été considérablement affecté. De plus, le maintien de l’État d’urgence et les mesures restrictives, relatives aux déplacements interurbains notamment, ont découragé les Marocains de voyager», précise Fouzi Zemrani.
L’ONMT et la RAM prennent les devants
Ces derniers jours, l’ONMT a en tout cas multiplié les communiqués destinés à relancer rapidement le secteur. Il a ainsi annoncé l’ouverture de nouvelles lignes aériennes et la reprise des vols de plusieurs compagnies aériennes, comme Air France et sa filiale low cost, Transavia.
Le 8 décembre 2020, afin d’amorcer la relance touristique, l’ONMT et Royal Air Maroc ont annoncé la mise en place, à compter du 15 décembre, de quinze nouvelles routes aériennes en direction de la France, de l’Allemagne, de l’Espagne, de l’Italie, de la Belgique et du Royaume-Uni, pays qui représentent les principaux marchés touristiques du Royaume. En tout, ce sont dix métropoles européennes qui seront reliées à Marrakech, à Agadir et à Dakhla. Cette initiative devrait permettre l’ajout de 150 255 sièges lors des cinq prochains mois.
La reprise dépend du début de la campagne de vaccination
Pour le moment, toutefois, les touristes n’affluent pas. L’incertitude et le manque de visibilité sont toujours de mise, notamment en ce qui concerne les restrictions des déplacements. Pour Zemrani, les prémices d’une relance touristique dépendent du début de la campagne de vaccination, prévue en principe pendant la dernière semaine du mois courant. «Nous espérons une ouverture totale des frontières au mois d’avril 2021, mais seulement si la campagne de vaccination démarre réellement à la fin du mois de décembre ou au début du mois de janvier. Toutefois, cette ouverture des frontières doit être annoncée maintenant, ou au plus tard le 10 janvier, pour que nous puissions la communiquer à nos partenaires, tour-opérateurs, compagnies aériennes et hôtels», prévient Fouzi Zemrani.