WASHINGTON : L'administration Trump a annoncé vendredi avoir placé des dizaines d'entreprises chinoises, dont le géant des puces électroniques Smic, sur une liste noire pour les empêcher d'accéder aux technologies américaines, invoquant leurs liens présumés avec l'armée chinoise.
«Le Bureau de l'industrie et de la sécurité (BIS) du Département du commerce a ajouté Semiconductor Manufacturing International Corporation (Smic) de Chine à la liste des entités» mises à l'index, a indiqué le département du Commerce, soulignant que cette mesure était destinée à «protéger la sécurité nationale des États-Unis».
Concrètement, cette désignation empêche les entreprises américaines d'exporter, sans licence, des technologies d'origine américaine vers les entreprises visées.
Washington a ajouté une disposition qui interdit en particulier au groupe de semi-conducteurs d'acquérir une technologie pour construire des puces avec des circuits de 10 nanomètres et plus petits, soit la meilleure classe des puces de l'industrie.
«Nous ne permettrons pas que la technologie avancée des États-Unis aide à développer l'armée d'un adversaire de plus en plus belliqueux», a commenté le secrétaire au Commerce Wilbur Ross cité dans un communiqué.
Cette décision est une manière de faire pression sur le fabricant de puces, un champion national qui a reçu des milliards de dollars de subventions de l'État et qui est au cœur des efforts de Pékin pour améliorer l'autosuffisance du pays dans les technologies critiques.
«Nous avons des preuves tangibles que leurs clients utilisent les puces produites par Smic pour aider l'armée chinoise dans des domaines tels que les missiles à courte et moyenne portée, les missiles balistiques, les exosquelettes pour les soldats», a détaillé lors d'une conférence téléphonique un haut responsable américain, qui a requis l'anonymat.
Selon lui, les autorités américaines ont mené des discussions «pendant plusieurs mois» pour éviter la décision annoncée vendredi, mais aucune solution alternative n'a été trouvée.
- Drones chinois ciblés aussi -
«Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser l'armée chinoise continuer à se positionner contre nous et ses voisins», a également martelé ce responsable.
«Smic illustre parfaitement les risques de l'influence de la Chine sur la technologie américaine pour soutenir sa modernisation militaire», avait insisté plus tôt Wilbur Ross.
Outre Smic, le département du Commerce souligne par ailleurs que son Bureau de l'industrie et de la sécurité a ajouté «plus de soixante autres entités à la liste des entités pour des actions jugées contraires à la sécurité nationale ou à l'intérêt de la politique étrangère des États-Unis».
Au cours de la conférence téléphonique, des responsables ont même évoqué 77 entités au total. La liste complète doit être publiée vendredi au journal officiel.
Il s'agit notamment d'entités en Chine «qui permettent des violations des droits de l'homme, qui ont soutenu la militarisation et les revendications maritimes illégales dans la mer de Chine méridionale, d'entités qui ont acquis des composants d'origine américaine à l'appui des programmes de l'Armée populaire de libération, ainsi que d'entités et de personnes qui se sont engagées dans le vol de secrets commerciaux américains», a détaillé le ministère.
Le haut responsable américain a cité en particulier le fabricant de drones chinois DJI, qui détient quelque 70% du marché mondial.
Cette entreprise avait déjà été ciblée en novembre 2019 par les autorités américaines quand le ministère de l'intérieur avait cloué au sol tous les drones fabriqués en Chine ou avec des composants chinois, les accusant alors de représenter un risque pour la sécurité nationale.
Vendredi, le responsable américain a précisé que cette fois, «DJI est sur la liste en raison de sa complicité dans les violations des droits de l'homme en Chine».
L'administration Trump a souvent usé de cette liste noire qui comprend désormais quelques centaines d'entreprises et filiales basées en Chine dont Huawei, champion de la 5G, pour toucher les principales industries chinoises.
Cette décision est dévoilée quelques semaines avant l'entrée en fonction du président démocrate élu Joe Biden, le 20 janvier.
«Je suis convaincu qu'ils (Biden et son équipe) comprendront l'impératif de sécurité nationale derrière les mesures que nous prenons aujourd'hui», a fait valoir le responsable américain vendredi.
«Les canaux de communication sont tout à fait ouverts, mais il n'y a pas eu techniquement de coordination à ce stade», a-t-il ajouté, car le président-élu Joe Biden est «en train de mettre en place son équipe».