Les «otages d'Etat», un casse-tête diplomatique

Le journaliste américain Evan Gershkovich (à droite) est escorté à l'extérieur du tribunal Lefortovsky à Moscou le 24 août 2023. (AFP)
Le journaliste américain Evan Gershkovich (à droite) est escorté à l'extérieur du tribunal Lefortovsky à Moscou le 24 août 2023. (AFP)
Short Url
Publié le Samedi 16 septembre 2023

Les «otages d'Etat», un casse-tête diplomatique

  • Plusieurs dizaines d'Occidentaux sont détenus en Chine, en Iran, en Russie ou au Venezuela, accusés le plus souvent d'espionnage ou de complot contre l'Etat mais qui clament leur innocence
  • Faire libérer ces prisonniers est devenu un casse-tête diplomatique, qui peut prendre des années au prix d'importantes concessions

PARIS: D'abord l'incrédulité, puis le sentiment d'injustice et d'impuissance. "On ne sait pas combien de temps cela va durer, on ne sait pas ce qu'attendent les Iraniens et on ne le saura sans doute jamais": Sylvie Arnaud est la mère de Louis, un des quatre Français emprisonnés en Iran.

Comme Louis, arrêté le 28 septembre 2022, plusieurs dizaines d'Occidentaux sont détenus en Chine, en Iran, en Russie ou au Venezuela, accusés le plus souvent d'espionnage ou de complot contre l'Etat mais qui clament leur innocence.

Leurs pays dénoncent des détentions "arbitraires" utilisées comme monnaie d'échange. La France évoque même des "otages d'Etat".

"Au début, je n'ai pas voulu penser que c'était politique. Et le temps est passé", confie Sylvie Arnaud. "Sans que rien ne se passe".

Faire libérer ces prisonniers est devenu un casse-tête diplomatique, qui peut prendre des années au prix d'importantes concessions.

Les Etats-Unis viennent ainsi d'autoriser le transfert de six milliards de dollars de fonds iraniens gelés en Corée du Sud et la libération de cinq Iraniens pour faciliter la remise en liberté de cinq Américains qui étaient détenus dans la prison d'Evin.

Fin mai, l'humanitaire belge Olivier Vandecasteele a été relâché après 15 mois de détention en Iran, en échange d'un diplomate iranien, Assadollah Assadi, condamné en Belgique en 2021 à 20 ans de prison pour "tentative d'assassinats terroristes".

En octobre 2022, sept prisonniers américains détenus au Venezuela avaient été libérés en échange de deux proches du président Maduro.

«Simulacre de procès»

Toutes ces concessions suscitent des critiques.

"Le dilemme des gouvernements est assez classique", explique Etienne Dignat, professeur à Sciences Po et auteur d'un livre sur les otages. "En dégelant des avoirs, en échangeant des prisonniers, ils récompensent d'une certaine manière un crime et encouragent les Etats à poursuivre leur diplomatie des otages".

La critique est "d'autant plus fondée", dit-il, que Moscou, Téhéran ou Pékin ciblent des individus en fonction de leur nationalité "contrairement aux groupes armés qui ne connaissent souvent pas à l'avance l'identité de la personne qu'ils capturent".

Le nombre de cas "d'otages d'Etat" connus publiquement s'est ainsi accru "ces dernières années", souligne Daren Nair, consultant en sécurité et militant pour la libération des otages.

Citant l'exemple des Etats-Unis, il note que "la majorité des Américains détenus à l'étranger il y a dix ans l'étaient par des acteurs non étatiques dans des pays comme la Syrie, le Yémen et la Somalie".

Aujourd'hui, la majorité d'entre eux sont aux mains de l'Iran, du Venezuela, de la Russie et la Chine.

Le journaliste américain du Wall Street Journal, Evan Gershkovich, est lui emprisonné à Moscou depuis mars tandis que l'ex-Marine Paul Whelan purge depuis 2020 une peine de 16 ans de prison.

La réalité est qu'"en général, la seule façon de ramener un otage chez lui est de négocier", observe Joel Simon, fondateur de Journalism Protection Initiative.

Sans dialogue "avec les preneurs d'otages – qu'ils soient étatiques ou non – l'otage sera probablement tué ou croupira en détention ou en prison pendant une période prolongée", dit-il.

La tâche des gouvernements est d'autant plus complexe dans le cas des "otages d'Etat" que "le procédé est plus pernicieux" que pour les otages de groupes terroristes, poursuit Etienne Dignat.

Les Russes, les Iraniens ou les Chinois adoptent "un registre juridique", "mettent en place un simulacre de procès", "enferment dans de véritables prisons". La contrepartie se négocie en coulisses.

"C'est un point essentiel, car cette ambiguïté profite toujours aux Etats procédant à des arrestations", explique-t-il, surtout lorsqu'il s'agit de journalistes ou de chercheurs recueillant des informations ou travaillent dans le domaine de la sécurité.

"Cela n'en fait évidemment pas des espions mais c'est une raison suffisante pour agir aux yeux de régimes autoritaires", dit-il.

«Sanctionner au sommet»

Blandine Brière n'a, elle, jamais douté de l'innocence de son frère, un des deux Français libérés en mai dernier.

"On est des gens lambda", confie-t-elle à l'AFP. Elle a découvert l'expression "otage d'Etat" après l'arrestation de Benjamin en mai 2020.

Rendre publiques ces détentions complexifie aussi la tâche des négociateurs.

Les familles marchent, elles, "constamment sur des œufs", conscientes que leur soutien affiché peut compromettre ou accélérer la libération d'un proche, explique Blandine Brière. Elles se conforment le plus souvent aux recommandations gouvernementales mais s'interrogent sur les véritables "enjeux".

Pour Daren Nair, on ne pourra décourager la diplomatie des otages que si l'on sanctionne "les individus au sommet".

Dans les pays qui usent de cette pratique, "le pouvoir est concentré au sommet, imposer des sanctions à un juge ou à un fonctionnaire de niveau intermédiaire n'aura donc pas un impact suffisamment significatif", tranche-t-il.


Le président chinois appelle à un cessez-le-feu à Gaza

Xi s'exprimait à Brasilia, où il a été reçu mercredi par le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva pour une visite d'Etat. (AFP)
Xi s'exprimait à Brasilia, où il a été reçu mercredi par le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva pour une visite d'Etat. (AFP)
Short Url
  • Le président chinois Xi Jinping a appelé mercredi à un cessez-le-feu dans la bande de Gaza et à "mettre fin rapidement à la guerre", a rapporté l'agence officielle Chine nouvelle
  • Les Etats-Unis ont empêché mercredi le Conseil de sécurité de l'ONU d'appeler à un cessez-le-feu "immédiat, inconditionnel et permanent" à Gaza, un nouveau veto en soutien à leur allié israélien dénoncé avec force par les Palestiniens

BRASILIA: Le président chinois Xi Jinping a appelé mercredi à un cessez-le-feu dans la bande de Gaza et à "mettre fin rapidement à la guerre", a rapporté l'agence officielle Chine nouvelle.

Il s'est dit "préoccupé par l'extension continue du conflit à Gaza" et a demandé la mise en œuvre de la solution à deux Etats et "des efforts inlassables en vue d'un règlement global, juste et durable de la question palestinienne".

Xi s'exprimait à Brasilia, où il a été reçu mercredi par le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva pour une visite d'Etat.

Les Etats-Unis ont empêché mercredi le Conseil de sécurité de l'ONU d'appeler à un cessez-le-feu "immédiat, inconditionnel et permanent" à Gaza, un nouveau veto en soutien à leur allié israélien dénoncé avec force par les Palestiniens.

 


L'envoyé américain Hochstein va rencontrer Netanyahu jeudi

L'envoyé américain Amos Hochstein cherche à négocier un cessez-le-feu dans la guerre entre Israël et le Hezbollah. (AP)
L'envoyé américain Amos Hochstein cherche à négocier un cessez-le-feu dans la guerre entre Israël et le Hezbollah. (AP)
Short Url
  • L'émissaire américain Amos Hochstein, qui tente de faire aboutir un cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah libanais, doit rencontrer jeudi le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu

JERUSALEM: L'émissaire américain Amos Hochstein, qui tente de faire aboutir un cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah libanais, doit rencontrer jeudi le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, a-t-on appris de source officielle.

Omer Dostri, porte-parole de M. Netanyahu, a confirmé que les deux hommes devaient se voir dans la journée. La rencontre doit avoir lieu à 12H30 (10H30 GMT), selon un communiqué du Likoud, le parti du Premier ministre. Selon des médias israéliens, M. Hochstein a atterri en Israël mercredi soir en provenance du Liban et s'est entretenu dans la soirée avec Ron Dermer, ministre des Affaires stratégiques et homme de confiance de M. Netanyahu.


Cessez-le-feu à Gaza: nouveau veto américain au Conseil de sécurité de l'ONU

Les Etats-Unis ont empêché mercredi le Conseil de sécurité de l'ONU d'appeler à un cessez-le-feu "immédiat, inconditionnel et permanent" à Gaza, un nouveau veto en soutien à leur allié israélien dénoncé avec force par les Palestiniens. (AFP)
Les Etats-Unis ont empêché mercredi le Conseil de sécurité de l'ONU d'appeler à un cessez-le-feu "immédiat, inconditionnel et permanent" à Gaza, un nouveau veto en soutien à leur allié israélien dénoncé avec force par les Palestiniens. (AFP)
Short Url
  • "Il n'y a aucune justification possible à un veto contre une résolution tentant de stopper les atrocités", a lancé l'ambassadeur palestinien adjoint à l'ONU Majed Bamya
  • "Nous sommes humains et nous devrions être traités comme tels", a-t-il ajouté en tapant du poing sur la table du Conseil, jugeant que le texte bloqué n'était déjà que "le strict minimum"

NATIONS-UNIES: Les Etats-Unis ont empêché mercredi le Conseil de sécurité de l'ONU d'appeler à un cessez-le-feu "immédiat, inconditionnel et permanent" à Gaza, un nouveau veto en soutien à leur allié israélien dénoncé avec force par les Palestiniens.

"Il n'y a aucune justification possible à un veto contre une résolution tentant de stopper les atrocités", a lancé l'ambassadeur palestinien adjoint à l'ONU Majed Bamya.

"Nous sommes humains et nous devrions être traités comme tels", a-t-il ajouté en tapant du poing sur la table du Conseil, jugeant que le texte bloqué n'était déjà que "le strict minimum".

Les Palestiniens plaidaient en effet pour une résolution dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations unies qui permet au Conseil de prendre des mesures pour faire appliquer ses décisions, par exemple avec des sanctions, ce qui n'était pas le cas.

Le texte préparé par les dix membres élus du Conseil, vu par l'AFP, exigeait "un cessez-le-feu immédiat, inconditionnel et permanent qui doit être respecté par toutes les parties" et "la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages".

"Nous avons été très clairs pendant toutes les négociations que nous ne pouvions pas soutenir un cessez-le-feu inconditionnel qui ne permette pas la libération des otages", a justifié après le vote l'ambassadeur américain adjoint Robert Wood, estimant que le Conseil aurait envoyé au Hamas "le message dangereux qu'il n'y a pas besoin de revenir à la table des négociations".

La résolution "n'était pas un chemin vers la paix mais une feuille de route vers plus de terrorisme, de souffrance, de massacres", a commenté l'ambassadeur israélien Danny Danon, remerciant les Etats-Unis.

La plupart des 14 autres membres du Conseil, qui ont tous voté pour, ont déploré le veto américain.

"C'est une génération entière d'enfants que nous abandonnons à Gaza", a lancé l'ambassadrice slovène adjointe Ondina Blokar Drobic, estimant qu'un message uni et "sans équivoque" du Conseil aurait été "un premier pas pour permettre à ces enfants d'avoir un avenir".

En protégeant les autorités israéliennes, "les Etats-Unis de facto cautionnent leurs crimes contre l'humanité", a dénoncé de son côté Louis Charbonneau, de Human Rights Watch.

"Directement responsables"

Le Hamas a lui accusé les Américains d'être "directement responsables" de la "guerre génocidaire" d'Israël à Gaza.

Le 7 octobre 2023, des commandos infiltrés dans le sud d'Israël à partir de la bande de Gaza voisine ont mené une attaque qui a entraîné la mort de 1.206 personnes, majoritairement des civils, selon un décompte de l'AFP fondé sur les données officielles, incluant les otages tués ou morts en captivité.

Ce jour-là, 251 personnes ont été enlevées. Au total, 97 restent otages à Gaza, dont 34 déclarées mortes par l'armée.

En représailles, Israël a lancé une campagne de bombardements massifs suivie d'une offensive terrestre à Gaza, qui ont fait au moins 43.985 morts, en majorité des civils, selon des données du ministère de la Santé du Hamas, jugées fiables par l'ONU.

La quasi-totalité des quelque 2,4 millions d'habitants ont été déplacés dans ce territoire en proie à un désastre humanitaire.

Depuis le début de la guerre, le Conseil de sécurité de l'ONU peine à parler d'une seule voix, bloqué plusieurs fois par des veto américains, mais aussi russes et chinois.

Les quelques résolutions adoptées n'appelaient pas à un cessez-le-feu inconditionnel et permanent. En mars, avec l'abstention américaine, le Conseil avait ainsi demandé un cessez-le-feu ponctuel pendant le ramadan --sans effet sur le terrain--, et avait adopté en juin une résolution américaine soutenant un plan américain de cessez-le-feu en plusieurs phases accompagnées de libérations d'otages, qui n'a jamais abouti.

Certains diplomates espéraient qu'après la victoire de Donald Trump, les Etats-Unis de Joe Biden seraient plus flexibles dans les négociations, imaginant une répétition de décembre 2016.

A quelques semaines de la fin du mandat de Barack Obama, le Conseil avait alors adopté, pour la première fois depuis 1979, une résolution demandant à Israël de cesser la colonisation dans les Territoires palestiniens occupés. Un vote permis par la décision des Américains de ne pas utiliser leur droit de veto, alors qu'ils avaient toujours soutenu Israël jusqu'alors sur ce dossier.