PARIS: Le gouvernement français a assuré jeudi soir n'avoir demandé "aucune déprogrammation d'artiste" du Niger, du Mali et du Burkina Faso, face à l'émoi suscité par une note de l'administration faisant craindre une suspension de tous échanges culturels avec ces pays.
Les professionnels de la culture ont tiré le signal d'alarme, via le Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac) et ses homologues, l'Aac, l'Accn, l’A-CDCN, l’ACDN et l'ASN.
En cause, un message qu'ils disent avoir reçu la veille des directions régionales de la culture (Drac), qui représentent le ministère, et sont chargées de conduire la politique culturelle de l'État dans les régions et les départements.
Ce message, "rédigé sur instruction du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères" selon les syndicats, et que l'AFP a pu consulter, énonce que "tous les projets de coopération qui sont menés (...) avec des institutions ou des ressortissants de ces trois pays doivent être suspendus, sans délai, et sans aucune exception".
"Tous les soutiens financiers doivent également être suspendus, y compris via des structures françaises, comme des associations par exemple. De la même manière, aucune invitation de tout ressortissant de ces pays ne doit être lancée", poursuit le message.
Ce message a été "relayé par toutes les Drac", a précisé à l'AFP un responsable de celle d'Occitanie, interrogé par téléphone.
Indignation à gauche
De quoi susciter la colère des acteurs culturels: "Cette interdiction totale concernant trois pays traversés par des crises en effet très graves n’a évidemment aucun sens d’un point de vue artistique et constitue une erreur majeure d’un point de vue politique. C’est tout le contraire qu’il convient de faire", a cinglé le Syndeac dans un communiqué.
"Cette politique de l’interdiction de la circulation des artistes et de leurs œuvres n’a jamais prévalu dans aucune autre crise internationale, des plus récentes avec la Russie, aux plus anciennes et durables, avec la Chine", a-t-il ajouté.
Suspension de visas avec le Niger, Mali, Burkina Faso Le monde de la culture inquiet en France
Dans un communiqué publié jeudi, le Syndeac (Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles) et d'autres organisations culturelles ont vivement réagi au message qu'ils assurent avoir reçu mercredi "en provenance des DRAC", les Directions régionales de la culture, et "rédigé sur instruction du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères".
"Ce message au ton comminatoire demande à nos adhérents de +suspendre, jusqu'à nouvel ordre, toute coopération avec les pays suivants : Mali, Niger, Burkina Faso+", s'émeuvent les syndicats dans un communiqué.
"Tous les projets de coopération qui sont menés par vos établissements ou vos services avec des institutions ou des ressortissants de ces trois pays doivent être suspendus, sans délai, et sans aucune exception", précise le message, transmis par courriel et que l'AFP a pu consulter.
"Tous les soutiens financiers doivent également être suspendus, y compris via des structures françaises, comme des associations par exemple. De la même manière, aucune invitation de tout ressortissant de ces pays ne doit être lancée", poursuit le message.
A gauche, plusieurs responsables se sont indignés.
"Les artistes sont l’expression de la liberté. Cette décision du Quai d'Orsay d’interdire de programmer en France les artistes du Niger, Mali et Burkina Faso, est absurde. En quoi sont-ils responsables des coups d’Etat dans leurs pays ?", a déclaré le patron du Parti socialiste Olivier Faure.
"Faire taire la culture, condamner au silence les artistes, comme s’ils étaient responsables des conflits internes ou entre pays est une erreur grave", ont déclaré les élus communistes et ultramarins dans un communiqué. Jean-Luc Mélenchon, lui, a moqué le "ministère de l'inquisition culturelle".
«Raisons de sécurité»
Mis en cause, les services de la ministre Rima Abdul-Malak se sont employés à déminer le terrain jeudi soir, soulignant qu'il n'était pas question de déprogrammer d'artistes, mais de tirer les conséquences de la suspension des délivrances de visa à Niamey, Ouagadougou et Bamako "pour raisons de sécurité", qui frappe tous les ressortissants et non les seuls artistes.
"La sphère culturelle est impactée comme les autres par la fermeture des services consulaires et de sécurité", a précisé à l'AFP une source proche du dossier.
La France a interrompu le 29 juillet avec le Niger et le 6 août avec le Burkina Faso toutes ses actions d'aide au développement et d'appui budgétaire. En novembre 2022, elle l'avait déjà fait pour le Mali.