Espèces invasives, une menace sous-estimée au cœur d'un rapport inédit

Des bateliers bangladais naviguent à travers des jacinthes d'eau denses sur la rivière Buriganga à Dhaka le 21 août 2014. Les jacinthes d'eau, une espèce végétale envahissante, peuvent rapidement recouvrir d'immenses étendues d'eau, ce qui entrave les mouvements des bateaux. (Photo par Munir Uz Zaman / AFP
Des bateliers bangladais naviguent à travers des jacinthes d'eau denses sur la rivière Buriganga à Dhaka le 21 août 2014. Les jacinthes d'eau, une espèce végétale envahissante, peuvent rapidement recouvrir d'immenses étendues d'eau, ce qui entrave les mouvements des bateaux. (Photo par Munir Uz Zaman / AFP
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Publié le Dimanche 03 septembre 2023

Espèces invasives, une menace sous-estimée au cœur d'un rapport inédit

  • Très adaptables, ces animaux ou ces plantes, introduits volontairement ou non par l’homme, prolifèrent, supplantent ou chassent les espèces indigènes, allant jusqu’à en faire disparaître certaines
  • Les espèces invasives sont l'un des «facteurs directs de perte de biodiversité à l'échelle mondiale», avec le changement climatique ou la pollution par exemple, rappelle l'IPBES, panel international d'experts réunis sous l'égide d'ONU

PARIS  : C’est une menace quasi-invisible mais pourtant bien réelle: les espèces exotiques envahissantes (EEE) sont au cœur du prochain rapport de l'IPBES, l’équivalent du Giec pour la biodiversité, qui sera publié lundi pour alerter sur le phénomène et réfléchir sur les moyens d’y faire face.

Très adaptables, ces animaux ou ces plantes, introduits volontairement ou non par l’homme, prolifèrent, supplantent ou chassent les espèces indigènes, allant jusqu’à en faire disparaître certaines et provoquant des impacts multiples, souvent insoupçonnés avant qu’il ne soit trop tard.

Les espèces invasives sont l'un des «facteurs directs de perte de biodiversité à l'échelle mondiale», avec le changement climatique ou la pollution par exemple, rappelle l'IPBES, panel international d'experts réunis sous l'égide d'ONU.

Son nouveau rapport, préparé par 86 experts internationaux originaires de 49 pays, s'appuie sur plus de 13.000 études de références, synthétisés pendant quatre ans, pour un coût total de plus de 1,5 million de dollars.

Il sort quelques mois après l'accord de Kunming-Montréal, où la communauté internationale s'est fixée comme objectif de réduire de 50% le taux d'introduction d'espèces exotiques envahissantes d’ici 2030.

«Le phénomène est encore peu connu et jusqu’à récemment, à part chez quelques scientifiques, suscitait peu d'attention. Mais c'est pourtant un problème majeur aussi bien sur le plan écologique que sanitaire ou même économique», souligne Christophe Diagne, chercheur à l'Institut de recherche pour le développement (IRD) de Montpellier.

Espèces invasives: quand l'Australie se débat avec le coup du lapin

Avec ses grandes oreilles et sa fourrure duveteuse, le lapin est souvent perçu comme mignon et inoffensif. Il est pourtant responsable de l'une des pires invasions biologiques mondiales, ravageant l'Australie qui a tenté par tous les moyens de l'éradiquer mais n'a souvent fait qu'empirer le problème.

En 1859, ils n'étaient pourtant que 24 Oryctolagus cuniculus, plus communément désignés comme lapins de garenne, à débarquer sur les côtes australiennes en provenance d'Angleterre, pour le bon plaisir du Britannique Thomas Austin, nostalgique de ses parties de chasse.

Mais plus de 150 ans plus tard, ils sont, selon une étude parue en 2022 dans PNAS, environ 200 millions à pulluler au pays des kangourous, dévorant la végétation, détruisant les cultures et menaçant la survie de plusieurs espèces.

Avec jusqu'à sept portées annuelles, de 5 lapereaux en moyenne chacune, et une maturité sexuelle dès l'âge de 3-4 mois, le lapin a la faculté de s'étendre rapidement.

Dès ses premières années aux antipodes, en l'absence de prédateurs naturels et grâce à sa rapide adaptation au climat, le léporidé ne s'en est pas privé.

Étendant son territoire de 110 km par an, il se répand en 70 ans sur 70% de la masse terrestre de l'Australie, "ce qui constitue l'invasion la plus rapide connue par un mammifère dans le monde entier", relate un rapport de l'organisme gouvernemental australien pour la recherche scientifique (CSIRO).

 

200 millions de dégâts annuels 

Le problème est que le petit mammifère à l'air placide est du genre vorace. Herbes, bulbes, graines, arbustes, aucun herbacé ne résiste à son appétit. Résultat: il contribue à la désertification de l'outback, prive de nourritures d'autres espèces et grignote les cultures.

Les dommages agricoles et horticoles causés par les lapins sont estimés à environ 200 millions de dollars australiens chaque année, selon le ministère de l'Agriculture d'Australie occidentale.

Alors depuis plus d'un siècle, le gouvernement tente par tous les moyens de régler le problème.

Chasse intensive, pièges, bulldozers pour détruire les terriers, poison ou même explosifs: rien n'y fait, la progression du lapin résiste à tout.

En 1901, l'Australie décide de construire une barrière de 1.800 km de long dans l'espoir de freiner l’irrésistible progression de la bestiole vers les terres agricoles de l'ouest.

Mais le temps que la construction soit achevée, le garenne est déjà de l'autre côté. S'ensuit une extension, puis une autre. Au total plus de 3.000 km de pieux et de grillages. En vain.

L'Australie passe alors au plan B: l'introduction de prédateurs, comme le renard.

Mais le remède s'avère pire que le mal. Le goupil préfère s'attaquer à des proies plus faciles, comme les petits marsupiaux endémiques de l'île, déjà menacés d'extinction.

 

«cas d'école»

Dans les années 50, la science est appelée à la rescousse. Le virus de la myxomatose, une maladie provoquant des tumeurs mortelles chez les lapins, est introduit dans le pays.

Dans un premier temps, le succès semble au rendez-vous, la population de lapins passe de 600 à 100 millions. Mais le léporidé s'adapte et finit par développer une résistance au virus, peu à peu inopérant.

Nouvel angle d'attaque quelques années plus tard: la puce espagnole, censée propager des maladies parmi les lapins. Mais là encore, c'est un échec. Pire, le parasite infecte d'autres espèces.

En 1995, une nouvelle tentative d'éradication, via un virus de fièvre hémorragique, finit par inquiéter la communauté scientifique, craignant qu'il ne mute.

Très efficace sur les lapins, ce pathogène hautement contagieux peut en outre se propager rapidement à d'autres pays via les moustiques. Il arrive d'ailleurs deux ans plus tard en Nouvelle-Zélande, elle aussi aux prises avec une invasion lapine.

Un mal pour un bien? Pas vraiment. Privé d'une partie des lapins, son prédateur principal, l'hermine, elle aussi importée, se rabat sur le kiwi, oiseau endémique de l'île qui se trouve à son tour menacé.

L'Australie comme la Nouvelle-Zélande représentent "des cas d'école" de ce qu'il ne faut pas faire en matière d'introduction et de gestion des espèces invasives, souligne Elaine Murphy, scientifique au département de conservation néo-zélandais.

Si la propagation du léporidé semble aujourd'hui stabilisée sous les 300 millions, le gouvernement australien indique "continuer les recherches" pour endiguer durablement le problème.

Des extinctions et des milliards

En s'installant durablement sur de nouveaux territoires, ces espèces «vont changer l'environnement local, avec des conséquences qu’on ne mesure pas toujours au début, mais qui peuvent conduire à faire disparaître certaines espèces natives», explique M. Diagne.

Les exemples sont nombreux, du dodo de l’île Maurice, disparu en raison de la prédation d'animaux importés par les colons (rats, chats, chiens), à l’écrevisse américaine, prédateur redoutable dans les cours d'eau français ou l'apparemment inoffensif bourdon européen sur le point d'avoir la peau de son collègue chilien en ramenant un parasite ravageur.

Une étude en 2021 dans Global Change Biology montrait que 14% de la «diversité fonctionnelle» (habitat et masse) des mammifères était menacée par les invasions biologiques et que 27% des oiseaux, particulièrement vulnérables, pourraient disparaître au cours des cinquante prochaines années.

Pour la santé humaine, les impacts peuvent être ravageurs, par exemple avec le moustique-tigre, responsables d’épidémies de dengue ou de chikungunya.

Au niveau financier aussi, les conséquences ne sont pas négligeables: en 2021, une étude dans Nature chiffrait le coût des ravages à au moins 1.288 milliards de dollars depuis 1970.

«C’est énorme! A titre de comparaison, ce montant est supérieur au PIB de la plupart des pays africains réunis», souligne M. Diagne qui a coordonné cette étude. Une autre étude en avril juge le montant des dégâts à peu près similaire aux dommages causés par les tremblements de terre ou les inondations.

Selon Invacost, une base de données coordonnée notamment par le CNRS, ce coût «triple chaque décennie depuis 1970» quand dans «le même temps, les dépenses investies pour éviter ou contrôler ces invasions sont 10 à 100 fois moins importantes».

Selon l'IPBES, «la menace croissante» que représente les espèces exotiques envahissantes «est généralement mal comprise».

Son rapport inédit a pour objectif de «faire autorité» et de «contribuer grandement à combler les lacunes critiques en matière de connaissances, à soutenir les décideurs et à sensibiliser le public», souligne Helen Roy du Centre britannique d'écologie et d'hydrologie, qui copréside la publication.

- Constante évolution -

Peu de recensements officiels existent: la base de données mondiales des espèces invasives (GISD), coordonnée par l'Union internationale pour la conservation de la nature, estime leur nombre à 1.071, rappelle M. Diagne. Mais le changement climatique accélère le déplacement d'espèces.

Les effets néfastes peuvent longtemps rester invisibles et une espèce, considérée un temps comme envahissante, peut ne plus l’être quelques années plus tard car l'environnement s'y sera adapté ou elle aura simplement disparu d'elle-même.

D'où la nécessité de ne pas diaboliser: «il n'y a pas de +bonnes ou de mauvaises espèces+ en soi, c'est le fait qu'elle soit déplacée qui pose problème, pas l'espèce en elle-même», souligne M. Diagne.

En France, des lacs de montagne verdissent, un petit poisson désigné coupable

A 1 800 mètres d'altitude, l'étang d'Areau dans le sud-ouest de la France a pris une étrange couleur verte: comme d'autres lacs pyrénéens à l'eau habituellement cristalline, il est victime d'un dérèglement attribué par certains chercheurs à un petit poisson introduit par les pêcheurs.

"Quand on voit des poissons dans les lacs de montagne, on voit un écosystème qui est perturbé", assure à l'AFP Adeline Loyau, biologiste et ingénieure à l'Institut national polytechnique (INP) de Toulouse (sud-ouest).

Les poissons ont été introduits en montagne par l'être humain il y a plusieurs siècles, probablement autour du Moyen-Âge, d'abord comme source de protéines pour les bergers puis, de façon plus massive, pour approvisionner les hôtels et restaurants des villes thermales.

Adeline Loyau et son mari Dirk Schmeller, professeur spécialiste de l'écologie des montagnes à l'INP, s'intéressent en particulier à l'un d'entre eux: le vairon, une espèce de moins de dix centimètres qui vit normalement dans les rivières fraîches et qui est utilisé comme appât vivant.

Lorsqu'il parvient à s'échapper de l'hameçon ou qu'il est relâché par les pêcheurs, il s'acclimate bien, dévorant amphibiens et insectes, ainsi que le zooplancton, "des petits crustacés microscopiques dont le rôle est de manger les algues et de maintenir l'eau très claire, très pure", explique Adeline Loyau.

Lorsqu'un lac devient vert, "c'est que les algues ont gagné", complète Dirk Schmeller.

 

«Cocktail de facteurs»

La prolifération des algues n'est toutefois pas uniquement due au vairon et l'impact réel de ce petit poisson sur l'écosystème est au coeur de débats animés entre chercheurs.

Pour Didier Galop, directeur de recherche au Centre national de recherche scientifique (CNRS) spécialiste de l'histoire et de la géographie de l'environnement, "il y a un cocktail de facteurs de perturbation" qui peuvent expliquer le verdissement des lacs, comme la concentration de troupeaux autour de ces points d'eau ou les températures plus élevées liées au réchauffement climatique.

Aux yeux du scientifique, également pêcheur, le verdissement est un phénomène qui reste assez marginal et n'est que l'un des nombreux symptômes de la dégradation de la qualité de l'eau des lacs de montagne. "Il y a aussi des lacs qui sont très bleus, mais qui ont zéro biodiversité", souligne-t-il.

Dirk Schmeller et Adeline Loyau estiment quant à eux que les lacs verts sont de plus en plus fréquents, notamment sur des petites surfaces d'eau.

"On a même des randonneurs qui sont parfois venus il y a trente ans et qui nous le font remarquer", assure la chercheuse.

 

Sensibiliser les pêcheurs 

De l'autre côté des Pyrénées, des lacs verts ont été observés dès 2011 par des chercheurs espagnols, qui ont entamé en 2014 des programmes d'élimination des poissons, à l'aide de filets ou de techniques de pêche électrique.

En 2018, le parc national des Pyrénées, en France, les a imités. Mais il a constaté que des poissons avaient été réintroduits de manière "sauvage" par la suite. Il compte donc sur la sensibilisation des pêcheurs pour trouver un équilibre entre loisirs et préservation de l'environnement.

Sébastien Delmas, président d'une association regroupant les fédérations de pêche des Pyrénées, reconnaît que le vairon pose problème et souhaite "harmoniser les règlementations", différentes d'un département à l'autre, pour limiter la pêche au vif en montagne. Mais il estime que d'autres poissons, comme les truites, y ont parfaitement leur place.

"Les poissons, c'est aussi de la biodiversité: s'ils sont là depuis des siècles c'est qu'ils y sont bien", soutient-il.

Selon lui, il faudrait aussi regarder du côté du tourisme pour comprendre la mauvaise santé des lacs, car la baignade avec de la crème solaire ou des produits anti-moustique ont également un effet sur l'écosystème.

"Sur une journée d'été, il peut y avoir trois ou quatre pêcheurs autour d'un lac, mais 300 baigneurs. Mais on accuse toujours les pêcheurs", regrette-t-il.

Dirk Schmeller, favorable à l'élimination des poissons, estime aussi qu'il faudrait réduire l'utilisation de polluants autour des lacs. "Après, on aura juste le réchauffement climatique à changer...", relève-t-il avec ironie.


BNP Paribas rehausse ses objectifs de solidité financière et bondit en Bourse

Plus ce ratio est élevé, plus une banque est capable d'absorber, grâce à son capital, des pertes liées à des crédits non honorés ou à des investissements risqués. (AFP)
Plus ce ratio est élevé, plus une banque est capable d'absorber, grâce à son capital, des pertes liées à des crédits non honorés ou à des investissements risqués. (AFP)
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  • Une banque peut améliorer ce ratio soit en augmentant ses fonds propres, par exemple en mettant en réserve ses bénéfices ou en émettant des actions, soit en réduisant ses crédits et investissements risqués
  • Les exigences de CET1 applicables aux banques françaises se situent généralement entre 9% et 10%

PARIS: Le groupe bancaire français BNP Paribas gagnait plus de 5% jeudi matin à la Bourse de Paris, après avoir annoncé qu'il visait un ratio de solvabilité supérieur d'ici 2027.

Son titre prenait 5,79% vers 08H15 GMT, à 70,93 euros, en première place d'un CAC 40 en hausse de 1,13%. BNP Paribas table désormais sur un "ratio CET1 fixé à 13% à l'horizon 2027".

Plus ce ratio est élevé, plus une banque est capable d'absorber, grâce à son capital, des pertes liées à des crédits non honorés ou à des investissements risqués.

Une banque peut améliorer ce ratio soit en augmentant ses fonds propres, par exemple en mettant en réserve ses bénéfices ou en émettant des actions, soit en réduisant ses crédits et investissements risqués.

Les exigences de CET1 applicables aux banques françaises se situent généralement entre 9% et 10%.

BNP Paribas vise aussi une amélioration "continue" de son coefficient d'exploitation, un indicateur de rentabilité qui rapporte les coûts fixes au produit net bancaire (équivalent du chiffre d'affaires pour les banques).

L'objectif est qu'il atteigne 61% en 2026 et 58% en 2028, "un engagement fort de maîtrise des coûts", selon le communiqué.

BNP Paribas souhaite par ailleurs rester "à l'écoute de [ses] actionnaires grâce à une politique de distribution attractive et disciplinée", a expliqué Jean-Laurent Bonnafé, directeur général de BNP Paribas, cité dans un communiqué.

Le groupe a aussi annoncé qu'il lancerait courant novembre son programme de rachat d'actions de 1,15 milliard d'euros, dans le cadre de sa distribution du résultat de 2025.


Quatre banques françaises accusées par des ONG de financer la déforestation en Amazonie

Les ONG Reclaim Finance et Canopée ont pointé du doigt jeudi les groupes bancaires BNP Paribas, BPCE, Crédit Agricole et Société Générale pour leurs prêts à deux négociants de soja, dont Cargill, accusés de se fournir auprès de fermiers qui ont déforesté au Brésil. (AFP)
Les ONG Reclaim Finance et Canopée ont pointé du doigt jeudi les groupes bancaires BNP Paribas, BPCE, Crédit Agricole et Société Générale pour leurs prêts à deux négociants de soja, dont Cargill, accusés de se fournir auprès de fermiers qui ont déforesté au Brésil. (AFP)
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  • Entre janvier 2024 et août 2025, BNP Paribas, Crédit Agricole et le groupe BPCE ont été impliqués conjointement dans trois opérations (prêt ou obligation) avec Bunge pour un montant total de 4,3 milliards de dollars, a relevé Reclaim Finance
  • BNP Paribas a également prêté 1,5 milliard de dollars à Cargill en octobre 2024 et la Société Générale a participé à une opération de prêt à Bunge de 3,2 milliards de dollars en mars 2024, toujours selon les ONG

PARIS: Les ONG Reclaim Finance et Canopée ont pointé du doigt jeudi les groupes bancaires BNP Paribas, BPCE, Crédit Agricole et Société Générale pour leurs prêts à deux négociants de soja, dont Cargill, accusés de se fournir auprès de fermiers qui ont déforesté au Brésil.

Les deux négociants, les géants de l'agroalimentaire américains Bunge et Cargill, ont cumulé 200 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2024.

Les ONG ont comparé la localisation des zones déforestées en Amazonie, cartographiées par le réseau MapBiomas, qui surveille par satellite l'occupation des sols, et celle des entrepôts de Bunge et Cargill, recensés par les cadastres brésiliens.

Les associations ont remarqué qu'à 273 reprises, ces silos étaient situés à moins de 50 kilomètres de fermes implantées sur des champs déforestés, suggérant que Bunge et Cargill s'y approvisionnent.

Or, entre janvier 2024 et août 2025, BNP Paribas, Crédit Agricole et le groupe BPCE ont été impliqués conjointement dans trois opérations (prêt ou obligation) avec Bunge pour un montant total de 4,3 milliards de dollars, a relevé Reclaim Finance.

BNP Paribas a également prêté 1,5 milliard de dollars à Cargill en octobre 2024 et la Société Générale a participé à une opération de prêt à Bunge de 3,2 milliards de dollars en mars 2024, toujours selon les ONG.

BNP Paribas a indiqué à l'AFP que ses clients devaient avoir mis en oeuvre l'objectif "zéro déforestation" d'ici à fin 2025. "La conformité des clients avec cette politique sera évaluée (...) courant 2026", a indiqué à l'AFP la banque.

En l'occurrence Bunge et Cargill ont pris des engagements pour éliminer la déforestation d'ici à fin 2025.

Côté Société Générale, leur politique de lutte contre la déforestation "inclut des critères d'exclusion spécifiques pour les clients opérant dans les chaînes de valeur du soja en Amérique du Sud", a affirmé à l'AFP l'entreprise.

Crédit Agricole a également indiqué avoir pris des engagements "zéro déforestation", et suivre leur mise en oeuvre auprès des clients.

Le groupe BPCE a lui critiqué vivement le travail des deux ONG, fustigeant des "chiffres invérifiables, sans méthodologie explicite", ni "preuve apportée", et ajoute qu'il "publiera sa démarche sur la déforestation fin 2025".

L'Amazonie joue un rôle majeur contre le réchauffement climatique via l'absorption de carbone. C'est un des principaux thèmes de la COP30 à Belém, au Brésil, qui s'achève vendredi.

Un moratoire signé en 2006 bannit la commercialisation du soja issu de terres déboisées en Amazonie après 2008.

 


Forum sur l'investissement Arabie saoudite - États-Unis: des milliards d'euros de transactions privées, un partenariat technologique et énergétique renforcé

Le prince héritier saoudien Mohammed bin Salman et le président américain Trump ont salué le renforcement du partenariat entre l'Arabie saoudite et les États-Unis en annonçant de nouveaux accords d'investissement substantiels. (AFP)
Le prince héritier saoudien Mohammed bin Salman et le président américain Trump ont salué le renforcement du partenariat entre l'Arabie saoudite et les États-Unis en annonçant de nouveaux accords d'investissement substantiels. (AFP)
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  • La coopération technologique, y compris l'intelligence artificielle et la fabrication avancée, est apparue comme un pilier central du partenariat en pleine évolution
  • Les chefs d'entreprise ont exprimé leur optimisme quant à l'élargissement des opportunités, considérant le partenariat comme une plateforme de croissance dans les secteurs à forte valeur ajoutée

WASHINGTON D.C. L'élan économique généré par la rencontre à la Maison Blanche entre le prince héritier saoudien Mohammed bin Salman et le président américain Donald Trump mardi s'est rapidement déplacé vers le Forum d'investissement américano-saoudien au Kennedy Center à Washington.

C'est là, mercredi, que les accords gouvernementaux de haut niveau annoncés dans le bureau ovale et lors d'un dîner de gala de la Maison-Blanche la veille se sont rapidement traduits par des accords concrets avec le secteur privé, d'une valeur de plusieurs milliards.

Le forum, organisé par le ministère des investissements d'Arabie saoudite sur le thème "Leadership for Growth : Renforcer le partenariat économique entre l'Arabie saoudite et les États-Unis", a rassemblé des hauts fonctionnaires, des investisseurs et des PDG de certaines des entreprises américaines les plus puissantes.
S'adressant au forum mercredi après-midi, le prince héritier a déclaré que les bases d'un partenariat plus fort entre l'Arabie saoudite et les États-Unis avaient été jetées et que d'autres accords d'investissement dans les domaines de la défense, de l'énergie, de l'IA et des services financiers pouvaient être attendus.

Dans ses propres remarques, le président Trump a déclaré que 270 milliards de dollars d'accords et de ventes étaient signés entre des dizaines d'entreprises. Il a fait l'éloge du prince héritier, le qualifiant de dirigeant audacieux qui s'est engagé dans la relation entre l'Arabie saoudite et les États-Unis.

M. Trump a également déclaré qu'il commencerait à "travailler" sur la guerre au Soudan après que le prince héritier lui a demandé d'aider à mettre fin au conflit, qui fait rage depuis avril 2023 et qui a pris une tournure plus sombre le mois dernier après la chute d'El-Fasher.

"Sa majesté aimerait que je fasse quelque chose de très puissant en rapport avec le Soudan. Ce n'était pas dans mon programme, je pensais que c'était quelque chose de fou et d'incontrôlable", a déclaré M. Trump.

"Mais je vois à quel point c'est important pour vous, et pour beaucoup de vos amis dans cette salle, le Soudan. Et nous allons commencer à travailler sur le Soudan".

Lors de l'ouverture du forum mercredi matin, le ministre saoudien de l'investissement, Khalid Al-Falih, a souligné l'ampleur de la coopération entre l'Arabie saoudite et les États-Unis, annonçant que l'événement donnerait lieu au lancement "d'accords commerciaux révolutionnaires d'une valeur de plusieurs centaines de milliards de dollars".

"Hier, à la Maison Blanche, nous avons assisté à la signature d'une série d'accords stratégiques G2G dans plusieurs secteurs verticaux, notamment la défense, l'IA, les chaînes d'approvisionnement en minerais et en métaux critiques, entre autres", a déclaré M. Al-Falih.

Il a déclaré que la visite du prince héritier à Washington démontrait "la force du partenariat entre l'Arabie saoudite et les États-Unis et notre ambition commune."

M. Al-Falih a ajouté qu'une "étape importante" avait été franchie lors de la discussion de mardi concernant le "cadre stratégique américano-saoudien sur l'accélération des investissements, un mécanisme qui soutient les approbations d'investissements en temps opportun entre nos deux pays".

"Aujourd'hui, nous assisterons également, une fois de plus, au lancement d'accords commerciaux révolutionnaires d'une valeur de plusieurs centaines de milliards de dollars, soulignant ainsi la force de notre partenariat et de notre ambition commune."

Le ministre de l'investissement a souligné que les États-Unis sont le premier investisseur étranger en Arabie saoudite, "un dollar sur quatre investis par des investisseurs internationaux dans le Royaume d'Arabie saoudite provenant des États-Unis".

Le secrétaire américain au commerce, Howard Lutnick, qui s'est adressé au forum après M. Al-Falih, a ajouté que les accords récemment finalisés "ouvrent la voie aux entreprises américaines pour qu'elles deviennent des leaders mondiaux (en) matière d'innovation, de sécurité et de déploiement".

L'événement a été conçu pour consolider les dimensions économiques de l'alliance en alignant les ambitions d'investissement saoudiennes - en particulier celles qui sont à l'origine de la transformation Vision 2030 - sur l'innovation et la technologie américaines.

Il a souligné l'importance stratégique de la technologie, en particulier de l'intelligence artificielle, en tant que pierre angulaire du nouveau partenariat.

Après la signature officielle du partenariat stratégique sur l'intelligence artificielle entre le ministre saoudien des affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan, et le secrétaire d'État américain Marco Rubio, les deux parties ont affirmé qu'il s'agissait d'une étape historique pour faire progresser l'innovation et le progrès technologique.

Ce partenariat vise à tirer parti des avantages concurrentiels de l'Arabie saoudite en termes de terres disponibles, de ressources énergétiques et de situation géographique pour créer des pôles technologiques d'intelligence artificielle répondant à la demande locale, régionale et mondiale.

La collaboration englobe la fourniture de semi-conducteurs avancés, le développement d'applications et d'infrastructures d'IA avancées, le renforcement des capacités nationales et l'expansion des investissements à forte valeur ajoutée.

Le secteur privé a immédiatement tiré parti de cette orientation en créant d'importantes coentreprises. Advanced Micro Devices, Cisco Systems et la startup saoudienne Humain ont annoncé la création d'une coentreprise pour construire des centres de données au Moyen-Orient.

Cette initiative débutera par un projet de centre de données de 100 mégawatts en Arabie saoudite.

Le PDG de Humain, Tareq Amin, a confirmé que la startup de vidéo générative Luma AI a déjà signé un contrat pour acheter la totalité de la capacité de ce premier cluster, dont la construction est prévue pour 2026 et qui utilisera une énergie entièrement renouvelable.

La coentreprise vise à construire jusqu'à un gigawatt de nouveaux centres de données d'ici 2030 pour desservir un marché massif couvrant l'Asie, l'Europe, l'Inde, le Moyen-Orient et l'Afrique.

Elon Musk, PDG de Tesla, et Jensen Huang, PDG de Nvidia, ont également participé à une discussion sur les progrès de l'IA. Elon Musk a confirmé par la suite que son entreprise d'IA, XAI, et l'Arabie saoudite travaillaient sur un projet de 500 mégawatts avec Nvidia.

En marge du forum, Wassim Chourbaji, président du Moyen-Orient et de l'Afrique pour Qualcomm, a déclaré à Arab News : "L'ambiance est très positive. Le partenariat est excellent et solide. Je vois des opportunités à long terme.

"Dans le cas de Qualcomm, nous avons annoncé la création d'un centre d'ingénierie de l'IA dans les locaux de Humain. Nous avons annoncé un partenariat avec Humain et Adobe pour exécuter tout le contenu créatif sur notre solution de centre de données avec Humain.

"Nous avons annoncé précédemment la mise en place de nos puces et solutions d'IA les plus avancées avec Humain dans le Royaume d'Arabie saoudite pour construire ce que l'on appelle l'IA hybride... Et l'autre partie est la partie industrielle, où l'IA transforme les industries, y compris le pétrole et le gaz."

Le secteur de l'énergie, qui constitue traditionnellement le socle de la relation, a connu un regain d'intérêt pour les investissements à long terme. Amin Nasser, PDG du géant pétrolier saoudien Aramco, a annoncé que l'Arabie saoudite signerait des accords dans le secteur de l'énergie avec les États-Unis pour un montant de 30 milliards de dollars.

En outre, un accord important a été annoncé pour sécuriser les chaînes d'approvisionnement en minerais essentiels, un pilier clé de la Vision 2030.

MP Materials, qui exploite la seule mine américaine de terres rares, s'associe au ministère américain de la défense et à la société minière saoudienne Maaden pour construire une raffinerie de terres rares en Arabie saoudite.

Cette coentreprise vise à développer le traitement au Moyen-Orient de ces minéraux critiques, qui sont essentiels pour les avions de chasse, les véhicules électriques et d'autres technologies clés.

La Chine domine actuellement le raffinage mondial, et cette nouvelle installation représente un effort coordonné pour trouver d'autres sources d'approvisionnement stables.

En vertu de l'accord, l'entreprise commune entre MP et le ministère américain de la défense détiendra une participation combinée de 49 % dans la raffinerie saoudienne, Maaden détenant les 51 % restants.

L'installation raffinera des terres rares lourdes et légères qui seront utilisées par les industries manufacturières et de défense américaines et saoudiennes et vendues aux pays alliés.

De plus petites entreprises étaient également représentées au forum afin de trouver des moyens de pénétrer le marché saoudien dans des domaines aussi divers que le sport et le divertissement.

Nicholas Cooper, fondateur et PDG de Convergenz, société spécialisée dans les infrastructures de divertissement et de création, a déclaré à Arab News : "Il est très excitant d'être présent au forum d'investissement pour une raison essentielle.

"Je pense que beaucoup de gens sont venus en Arabie saoudite pour prendre, et mon objectif est de pouvoir apporter une valeur ajoutée.

"Je reconnais qu'il existe actuellement un positionnement unique permettant de jeter un pont entre les mondes de la technologie, du style de vie et du divertissement, et de contribuer réellement à influencer la culture. Mais surtout, j'aimerais apporter une valeur ajoutée à la prochaine génération.