LE CAIRE : Le décès de l'homme d'affaires d'origine égyptienne Mohammed al-Fayed à l'âge de 94 ans a mis un terme à une remarquable saga faite de succès, de revers, de tragédies et de redressements.
Pour les personnes d'une certaine génération, qui se souviennent des événements des années 1980, 1990 et du début des années 2000, sa mort au Royaume-Uni mercredi a véritablement marqué la fin d'une époque.
Dans une interview accordée au New York Times en 1995, Al-Fayed a fait part de son étonnement quant à la façon dont les Britanniques le percevaient.
«Ils ont tendance à considérer toute personne originaire d'une ancienne colonie comme l'Égypte comme insignifiante», a-t-il déclaré. «Mais lorsque vous prouvez vos capacités et réalisez de grandes choses, vous devenez le sujet de conversation de la ville. Ils se demandent comment quelqu'un comme moi, un simple Égyptien, a pu accomplir cela.»
Cette déclaration résume une grande partie de la vie d'Al-Fayed, qui a notamment amassé une fortune et s'est finalement heurté à la famille royale britannique.
EN BREF
• Mohammed al-Fayed a commencé à amasser sa fortune après avoir quitté l'Égypte pour s'installer au Royaume-Uni dans les années 1970.
• L’Empire commercial d’Al-Fayed englobe des secteurs tels que le transport maritime, l'immobilier, les banques, le pétrole, le commerce de détail et la construction.
• Sa notoriété s'est accrue lorsqu'il a racheté avec son frère l'hôtel Ritz Paris en 1979.
• Il a racheté le grand magasin Harrods à Londres en 1985, après une longue bataille de rachat.
• Il a réalisé d'importants investissements dans Harrods et a ouvert d'autres magasins sous la marque Harrods avant de la vendre en 2010 au fonds souverain du Qatar.
• Il a racheté le Fulham F.C. en 1997. Sous sa direction, le club est monté en première division anglaise, et a également atteint la finale de la Ligue européenne.
• Le Fulham F.C. a été vendu en 2013 à l'homme d'affaires Chahid Khan.
• Sa fortune a atteint 2 milliards de dollars (1 dollar = 0,93 euro), ce qui place Al-Fayed à la 12e place de la liste Forbes 2023 des Arabes les plus riches. Sa fortune au niveau mondiale le place au 1 516e rang.
Les exploits commerciaux d'Al-Fayed n'ont certainement pas été faciles à réaliser. Il a forgé cet empire à force de détermination, aidé par sa personnalité complexe.
Il a commencé sa vie dans la ville animée d'Alexandrie comme porteur de sacs et vendeur de boissons non alcoolisées et, plus tard, de machines à coudre, avant de devenir l'un des milliardaires les plus connus au monde dans les années 1990.
Après ces débuts modestes, il n'a jamais refusé une occasion, à condition qu'elle le conduise au succès et à une plus grande indépendance financière.
Sa personnalité ambitieuse lui a permis de nouer des liens avec l'écrivaine Samira Khachoggi, sœur du milliardaire Adnan Khachoggi, avec qui il a fini par se marier. Son mariage lui a ouvert les portes des États du Golfe et de la haute société britannique.
Al-Fayed a continué à accumuler des richesses de manière indépendante, en commençant par de petites entreprises qui ont ouvert la voie à des contrats lucratifs avec de nombreuses personnes fortunées.
Il est devenu millionnaire dans les années 1960 à la suite de rencontres avec le dirigeant haïtien Doc Duvalier et est devenu conseiller financier du sultan de Brunei, devenant ainsi l'un des hommes d'affaires les plus renommés au monde.
EN BREF
• Nom : Mohammed al-Fayed
• Date de naissance : le 27 janvier 1929
• Lieu de naissance : Alexandrie, Égypte
• Domicile : Grande-Bretagne, depuis les années 1970.
• Épouse : Samira Khachoggi, Heini Wathen
• Principales acquisitions : Hôtel Ritz Paris ; le groupe de grands magasins britanniques House of Fraser, notamment le grand magasin Harrods ; Fulham F.C. (1997)
Le défunt souverain de Dubaï, le cheikh Rachid al-Maktoum, a autorisé Al-Fayed à contribuer au développement de l'émirat. L'homme d'affaires réagit en engageant des entreprises britanniques pour lancer des projets de construction qui préfigurent la modernisation de Dubaï.
La richesse et le statut d'Al-Fayed lui ont permis d'obtenir la résidence complète en Grande-Bretagne en 1974. Il a ajouté «Al» à son nom, devenant ainsi «Mohammed al-Fayed» au lieu de simplement Mohammed Fayed. Le magazine satirique Private Eye le surnomme alors «le faux pharaon».
Ce faisant, il a marqué le début de ses relations tendues avec la Grande-Bretagne, ce qui était peut-être prédestiné.
Al-Fayed et son frère ont acquis l'hôtel Ritz à Paris en 1979. En 1985, ils ont acheté le grand magasin haut de gamme Harrods à Londres pour 615 millions de livres sterling (1 livre sterling = 1,17 euro), à la suite d'une longue bataille juridique avec l'homme d'affaires britannique Roland Rowland. Ce dernier a ensuite ouvert d'autres magasins sous la marque Harrods.
Ces acquisitions historiques se sont heurtées à des obstacles et à des réticences. Une enquête gouvernementale sur le rachat du groupe de magasins House of Fraser, en particulier Harrods, publiée officiellement en 1990, a révélé qu'Al-Fayed et son frère avaient été malhonnêtes au sujet de leur richesse et de leurs origines. Les deux hommes ont qualifié ces allégations d'injustes, mais cinq ans plus tard, la première demande de citoyenneté britannique d'Al-Fayed a été rejetée.
«Pourquoi ne m'accordent-ils pas un passeport britannique ? Je possède Harrods et j'emploie des milliers de personnes dans ce pays», a-t-il protesté.
Sans se laisser décourager, Al-Fayed a décidé d'intensifier sa lutte pour la citoyenneté en accusant deux ministres conservateurs, Neil Hamilton et Tim Smith, d'avoir accepté de l'argent de sa part en échange de la défense de ses intérêts à la Chambre des communes.
En conséquence, les deux politiciens ont été contraints de démissionner de leurs fonctions gouvernementales, un sort qui attendait également Jonathan Aitken, alors ministre d'État chargé des marchés publics de la défense, après qu'Al-Fayed eut révélé qu'il avait séjourné gratuitement à l'hôtel Ritz de Paris en même temps qu'un groupe de trafiquants d'armes. La chute d'Aitken a été importante puisqu'il a été emprisonné pour parjure.
En 1997, Al-Fayed a acquis le club de football anglais Fulham. Sous sa direction, Fulham est monté en première division anglaise et a atteint la finale de la Ligue européenne. Il a vendu le club en 2013 à un autre homme d'affaires, Chahid Khan, pour un montant estimé à 300 millions de dollars.
À cette époque, Al-Fayed se bat surtout avec le parti politique britannique au pouvoir plutôt qu'avec la famille royale. Ses relations avec cette dernière étaient principalement basées sur des intérêts mutuels, tels que le parrainage de courses de chevaux.
La relation de son fils Imad, plus connu sous le nom de «Dodi», avec la princesse Diana, épouse du prince Charles, l'actuel roi, allait changer radicalement la donne. Cette relation allait changer le cours de la vie d'Al-Fayed et de sa famille.
En 1997, Diana et Dodi ont été tués lorsque leur voiture a heurté une colonne de béton dans le tunnel de l'Alma à Paris. Les rapports criminels ont confirmé que le conducteur était en état d'ébriété au moment de l'accident.
En plus de ses divergences croissantes avec la famille royale, Al-Fayed a parcouru l'Europe en insistant sur le fait que l'élite dirigeante britannique était responsable de la mort de son fils et de Diana. Bien qu'il n'ait pas directement accusé qui que ce soit, ces accusations lui ont coûté cher.
Harrods a perdu le privilège royal que lui accordait le prince Philip, et les relations commerciales du palais de Buckingham avec le prince et le célèbre grand magasin se sont dégradées. En réponse, Al-Fayed a révoqué tous les privilèges restants pour la famille royale.
Après s'être réinstallé en Suisse en 2002, Al-Fayed est devenu plus virulent dans ses accusations contre l'establishment britannique.
En février 2008, il a accusé Philip, l'époux de la reine Elizabeth II, d'avoir ordonné la mort de son fils et de Diana. Il a également affirmé que les services de renseignement britanniques étaient impliqués.
En 2010, Al-Fayed a vendu Harrods à Qatar Holding pour 1,5 milliard de livres sterling.
L'année suivante, il finance la production d'un documentaire intitulé «Unlawful Killing» («Homicide illégal»), dans lequel il accuse à nouveau Philip d'être responsable de la mort de son fils et de Diana. Le film a été présenté au Festival de Cannes, mais n'a pas été diffusé en raison de problèmes juridiques.
L'antagonisme d'Al-Fayed à l'égard de la monarchie britannique l'a conduit à soutenir la sécession de l'Écosse du Royaume-Uni. En 2012, il a déclaré à la BBC qu'il s'installerait en Écosse si celle-ci devenait indépendante, et qu'il envisageait d'obtenir le statut de résident écossais et de se présenter à la présidence de l'Écosse.
Il a même prétendu que l'Écosse avait des origines égyptiennes sur la base d'une princesse pharaonique qui aurait voyagé dans ce pays dans le passé.
Tout au long de sa vie, Al-Fayed a bâti un empire couvrant divers secteurs, notamment le transport maritime, l'immobilier, les banques, le commerce de détail et la sous-traitance, mais il est resté attaché à la philanthropie. Avec une fortune estimée à 2 milliards de dollars, il est mort en homme riche et figurait en 12e position sur la liste Forbes des Arabes les plus riches de cette année.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com