PARIS : Apparition familière l'été sur le pourtour méditerranéen depuis un demi-siècle, le Canadair constitue la colonne vertébrale de nombreux pays pour la lutte aérienne contre les incendies. Mais le successeur de cet avion, qui n'est plus fabriqué depuis 2015, se fait attendre.
Cet hydravion à coque, qui peut écoper en 12 secondes 6.000 litres d'eau, tient son nom d'une compagnie canadienne ensuite intégrée au groupe Bombardier.
Il se décline en deux modèles. Le CL-215 a été produit à 125 exemplaires entre 1966 et 1989. Son successeur, le CL-415 est une version remotorisée et modernisée, produite à 95 exemplaires entre 1993 et 2015.
Selon De Havilland Canada, qui a racheté le programme en 2016, il reste environ 160 CL-215 et CL-415 encore en service dans le monde, dont 60% en Europe et les pays du pourtour méditerranéen, le reste en Amérique du Nord.
La stratégie européenne de lutte contre les feux consiste à s'attaquer massivement et le plus rapidement possible aux incendies pour empêcher leur propagation, rappelle John Gradek, spécialiste aéronautique à l'université McGill à Montréal.
La capacité du Canadair à larguer précisément l'eau sur des terrains accidentés et à amerrir pour remplir sa citerne explique son succès dans les pays méditerranéens, explique l'expert à l'AFP.
Mais sur ce marché de niche, la demande a longtemps été faible et la production a été arrêtée en 2015.
«Aujourd'hui, des avions construits dans les années 1970 et 1980 continuent de lutter contre les incendies. Leur durée de vie prolongée a probablement réduit la demande de nouveaux appareils», convient-on chez De Havilland, dans un courriel à l'AFP.
Mais la flotte vieillit, entraînant toujours plus de maintenance, et se réduit au fil des années avec les destructions d'appareils en mission. La France qui disposait de 15 appareils à l'origine, en a ainsi perdu trois.
Le 23 juillet, un CL-215 grec s'est écrasé lors d'une intervention sur l'île d'Eubée, tuant ses deux pilotes.
De Havilland a donc lancé le projet du Canadair de nouvelle génération, le DHC-515, qu'il entend produire d'ici 2027.
Six pays européens (France, Grèce, Italie, Croatie, Espagne et Portugal) ont signé l'an passé une lettre d'intention commune pour l'achat de 22 DHC-515, et l'Indonésie pour 8 appareils.
Au total, Paris compte remplacer ses 12 Canadair par «jusqu'à 16» appareils, a annoncé le président Emmanuel Macron à l'issue d'un été 2022 marqué par des feux de forêts gigantesques.
John Gradek pointe cependant les nombreuses inconnues qui entourent le projet de De Havilland.
«Ils n'ont aucune idée du coût final réel. L'avion est encore sur papier, il n'a pas encore volé», note-t-il, pointant le manque d'intérêt des investisseurs pour ce marché limité.
«Il faut accélérer son développement», selon lui: avec une production envisagée d'environ 10 avions par an, «si quelqu'un veut acheter un DHC-515 aujourd'hui, il ne verra pas la livraison avant 2030».