TEL AVIV: Des milliers d'Israéliens ont pris part samedi à Tel-Aviv à une nouvelle manifestation contre le projet controversé du gouvernement de réformer le système judiciaire du pays, considéré par ses détracteurs comme une menace pour la démocratie.
L'annonce en janvier du projet, porté par la coalition du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou qui comprend des partis d'extrême droite et juifs ultra-orthodoxes, a déclenché l'un des plus grands mouvements de contestation de l'histoire du pays, qui mobilise chaque semaine des dizaines de milliers de manifestants.
Selon le gouvernement, la réforme vise entre autres à rééquilibrer les pouvoirs, en diminuant les prérogatives de la Cour suprême, que l'exécutif juge politisée, au profit du Parlement. Mais ses détracteurs estiment qu'elle risque d'ouvrir la voie à une dérive antilibérale ou autoritaire.
"Démocratie, Démocratie!", ont scandé les manifestants se dirigeant vers la rue Kaplan à Tel-Aviv. "Nous n'abandonnerons pas tant que la situation ne se sera pas améliorée. Descendez de votre balcon, le pays s'effondre", ont-ils encore crié.
Les Arabes israéliens, à l'écart du débat, inquiets de la réforme judiciaire
A l'écart du débat autour du projet controversé de réforme de la justice en Israël, la minorité arabe du pays craint que la future législation n'aggrave "les violations de ses droits", en favorisant notamment l'occupation des territoires palestiniens.
Alors que des centaines de milliers d'Israéliens manifestent depuis janvier contre ce projet porté par le gouvernement de droite de Benjamin Netanyahu, les Arabes israéliens, qui représentent 20% de la population du pays, ont été absents des grands rassemblements.
Certains se sont joints aux manifestations à Haïfa, une ville mixte judéo-arabe du nord d'Israël, appelant à l'égalité des droits.
Dans la petite ville de Majd al-Krum, dans le nord, Samira Kanaan Khalaylah affirme que la communauté arabe était "déjà mise de côté avant que la réforme ne soit annoncée".
"La situation après les changements dans la loi nous sera défavorable", ajoute cette femme de 57 ans, pour qui le gouvernement actuel est le "pire de tous les temps".
La minorité arabe, descendant de la population restée en territoire israélien à l'issue de la première guerre israélo-arabe, a toujours eu une influence limitée en politique, un seul parti arabe ayant fait partie d'une coalition gouvernementale depuis la création de l'Etat d'Israël en 1948.
«Israël déchiré»
"Malgré des mois de manifestations, les choses ne se passent pas comme nous le souhaitions, car une partie importante de la réforme du système judiciaire a été adoptée (au Parlement) il y a quelques semaines", a déclaré à l'AFP un manifestant, Ben Peleg.
"Mais si nous continuons à faire pression dans les rues, il est possible que nous puissions encore arrêter ces changements", espère ce médecin de 47 ans.
Une première clause du projet, limitant la possibilité pour la Cour suprême d'invalider une décision du gouvernement, a été adoptée par le Parlement.
Le processus législatif est actuellement en suspens en raison des vacances d'été du Parlement, M. Netanyahou s'étant engagé à être ouvert aux négociations sur les étapes futures.
Les manifestations ont été soutenues par des opposants politiques, des groupes laïques et religieux, des cols bleus et des travailleurs du secteur technologique, des militants pacifistes et des réservistes militaires.
Ces mois de manifestations, dont certaines en soutien au gouvernement, ont fait craindre une aggravation des fractures au sein de la société israélienne.
"Israël est déchiré et nous avons l'impression d'être au bord d'une guerre civile", a ajouté M. Peleg. "Lorsque nous sortons dans la rue pour protester, nous avons peur de ceux qui soutiennent le gouvernement (...) Ce gouvernement doit être renversé".
D'autres rassemblements ont également eu lieu samedi dans le nord du pays, notamment à Haïfa, Netanya et Herzliya.
Pour Yaël Katz-Levy, 58 ans, il est important de faire pression sur le gouvernement, "sinon ils feraient n'importe quoi".
Selon elle, la réforme va "démolir la Cour suprême et le système judiciaire", en plus de porter atteinte aux droits des citoyens.