ZHUOZHOU, Chine: Des "pertes énormes" pour des habitants parfois "pas avertis" par les autorités de la montée des eaux : une semaine après des inondations record près de Pékin, des villages toujours recouverts de boue pansent leurs plaies.
Des parties entières de Zhuozhou, une ville durement touchée en périphérie de la capitale dans la province du Hebei (nord), avaient été submergées. Des champs, des commerces et des maisons se sont retrouvés sous deux mètres d'eau.
La gestion des bassins de rétention des eaux pluviales par des autorités locales qui s'étaient engagées à limiter les inondations à Pékin est également soupçonnée d'avoir aggravé le fardeau de la province.
Sous 30 degrés à l'ombre mercredi, dans le village de Sanbuqiao, qui dépend administrativement de Zhuozhou (prononcer "Djouo-Djo"), des carcasses de voitures et des montagnes de meubles souillés par l'eau boueuse sont mises à sécher devant des magasins.
"On aurait vraiment aimé être prévenu par les autorités de l'arrivée soudaine des eaux", déclarent à l'AFP deux villageois qui souhaitent rester anonymes pour des raisons de sécurité.
"On a été surpris car l'eau est montée très rapidement", déplore l'un d'eux.
La semaine dernière, le principal dirigeant provincial, Ni Yuefeng, a dit que les bassins de rétention des eaux pluviales du Hebei devaient "être utilisés à bon escient" afin de "réduire la pression pesant sur Pékin en matière de lutte contre les inondations".
Ces déclarations ont provoqué chez certains internautes de la province l'impression qu'ils ont été en partie sacrifiés sur l'autel de la protection de la capitale.
Journalistes chassés
Une autre villageoise, qui souhaite également conserver l'anonymat, regrette elle aussi n'avoir pas reçu d'avertissement des autorités au moment de l'arrivée des crues.
"En une ou deux heures, ça a atteint deux mètres, en pleine nuit. Notre petite maison n'est pas haute donc heureusement qu'on s'est rendu compte que l'eau montait sinon on aurait peut-être été noyé. On s'est réfugié dans la maison des voisins", raconte-t-elle.
"Avec la voiture qui a été emportée, les marchandises de notre entreprise, on en a pour environ un million de yuans de pertes (126 000 euros). On n'a pas d'assurance. Pour les indemnisations, j'attends de voir."
Certains habitants se montrent toutefois hostiles à ce que des victimes des inondations parlent à la presse.
Un homme, qui se présente comme un "simple villageois", ordonne ainsi aux journalistes de l'AFP de "quitter les lieux".
"Personne ne veut vous parler. Les journalistes n'ont rien à faire ici, sauf s'ils sont envoyés par les autorités locales. Laissez les gens en paix", lance-t-il fermement en faisant des signes de la main.
Les journalistes en Chine n'ont pas besoin de la permission des autorités pour se rendre dans des zones frappées par des inondations.
«Très cher»
En face, de nombreux commerçants et habitants déblaient des débris, tandis que six ouvriers dans une camionnette font une pause déjeuner.
"On répare les lignes électriques dont beaucoup sont encore coupées. Il faudra encore quelques jours pour tout remettre en état", explique-t-il.
Au bourg de Matou, des employés d'un garage font sécher au soleil des filtres et d'autres pièces détachées afin de pouvoir les revendre.
Juste devant sont garées les épaves des voitures de leurs clients, submergées pendant les inondations.
A l'intérieur du garage, des employés raclent les dernières traces de boue et replacent sur les présentoirs bidons d'huile et de lubrifiant.
"Les pertes sont énormes pour nous évidemment. On n'avait pas d'assurance", lâche un employé.
"On attend le plan d'indemnisation du gouvernement. Tout ça va coûter très cher je pense. Peut-être plusieurs centaines de millions de yuans rien que pour la zone ici".
Le gouvernement chinois a annoncé mercredi soir l'allocation d'une aide d'urgence d'un milliard de yuans (126 millions d'euros) pour les victimes de zones particulièrement touchées par les inondations.
Un autre commerçant dit être bien conscient que la province du Hebei a été utilisée pour limiter les crues à Pékin.
"Après, est-ce que c'était nécessaire ou pas ? On est juste de petites gens. On ne connaît pas les détails de tout ça".
"On voit juste l'eau qui monte, les inondations et les pertes que ça entraîne. Le reste, ça nous dépasse."