Au Pakistan, les conteurs d'histoires aux portes de l'oubli

Mohammad Naseem, longue barbe blanche et chapeau traditionnel vissé sur le chef, paraît toutefois surpris par l'attention qu'il reçoit (Photo, AFP)
Mohammad Naseem, longue barbe blanche et chapeau traditionnel vissé sur le chef, paraît toutefois surpris par l'attention qu'il reçoit (Photo, AFP)
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Publié le Lundi 14 décembre 2020

Au Pakistan, les conteurs d'histoires aux portes de l'oubli

  • «D'habitude, les gens me disent que je suis fou lorsque je raconte ces histoires»
  • Peshawar était alors une plaque tournante du commerce en Asie centrale et du Sud

SHOGRAN: Il était une fois un prince courageux, amoureux d'une fée, dont les tribulations furent si épiques qu'il donna son nom à un lac... Au Pakistan, les conteurs d'histoires sombrent chaque jour un peu plus dans l'oubli, détrônés par les réseaux sociaux. 

Les yeux de Mohammad Naseem brillent lorsqu'il narre la légende de Saif-ul-Malook, monarque aux aventures peu banales: tantôt son chapeau magique le rend invisible, parfois il se cache dans le corps d'un mouton. Une grotte mystérieuse lui permet aussi d'échapper au courroux d'un démon borgne dont il a crevé l’œil. 

Autour du conteur, une douzaine d'hommes sourient quand est mentionnée la mère du héros, « forte comme vingt-cinq lutteurs", ou sa promise, « tellement belle qu'elle fit s'évanouir ceux qui, cachés, la regardèrent se déshabiller ». Tous se dispersent, visiblement satisfaits, à la fin de l'épopée. 

Mohammad Naseem, longue barbe blanche et chapeau traditionnel vissé sur le chef, paraît toutefois surpris par l'attention qu'il reçoit, liée selon lui. « D'habitude, les gens me disent que je suis fou lorsque je raconte ces histoires ».

Âgé de 65 ans, ce petit boutiquier dit connaître « cinquante légendes » apprises de son père, dont la narration « peut durer des jours », remarque-t-il depuis Shogran (nord), un village d'altitude recouvert d'un épais manteau neigeux. Ces récits sont « authentiques », affirme-t-il, et ils constituent « l'histoire, la culture » du Pakistan. 

Mais Mohammad Naseem ne les a pas partagés avec ses six enfants. Et il les raconte trop rarement à ses amis, qu'ils n'intéressent plus guère, à l'heure de Facebook et d'Instagram. « Quand je mourrai, ces histoires mourront avec moi », soupire celui qui se voit comme « l'un des derniers conteurs d'histoires » de la région. 

« Bazar des conteurs »

A deux heures de route de Shogran, dans le bourg himalayen de Naran, près duquel se trouve le lac Saif-ul-Malook, des apprentis guides maîtrisent aussi l'histoire du prince et de la fée. Qu'ils restituent aux touristes de passage moyennant quelques roupies. 

Mais Naran et Saif-ul-Malook relèvent de l'exception. Les conteurs d'histoires, très populaires aux Pakistan il y a encore un demi-siècle, se sont depuis lors progressivement tus. 

Peshawar, la capitale de la province du Khyber-Pakhtunkhwa (nord), où se trouvent Naran et Shogran, a longtemps été leur place forte. La ville compte depuis le XVIe siècle un « Qissa khawani bazar », ou « marché des conteurs d'histoires », observe Muhammad Ali, qui a participé à la rédaction d'un livre sur le sujet. 

Le quartier, aujourd'hui tapissé de néons et encombré de tuk-tuks, fut « le Time Square de la région » de par « l'excellence de ses diseurs d'histoire », s'enthousiasme Naeem Safi, un consultant de Lok virsa, l'Institut du patrimoine folklorique pakistanais, basé à Islamabad. 

Peshawar était alors une plaque tournante du commerce en Asie centrale et du Sud. Des caravanes s'arrêtaient régulièrement dans la ville, qui chaque soir fermait ses portes. Les marchands, coincés sur place, partaient en quête de nouvelles ou de divertissement. Que leur procuraient les orateurs. 

« L'écrit n'était pas très populaire. Le transfert de connaissance se faisait à l'oral. Raconter des histoires était fondamental: les gens se considéraient comme éduqués s'ils en avaient entendu suffisamment », indique M. Safi. 

Les conteurs étaient « les outils de communication de l'époque. Ils étaient les messagers », acquiesce Ali Awais Qarni, un chercheur en histoire et littérature de l'université de Peshawar. Certains rapportaient les périls courus sur les routes, les guerres des uns, la paix des autres. Des légendes étaient détricotées jusqu'au bout de la nuit.  

Chameaux  

« Quand ils disaient la vérité, ils y ajoutaient toujours un peu de poésie et de couleur », poursuit M. Qarni. « Leur auditoire les écoutait pendant des heures. Parfois, une histoire pouvait durer une semaine, ou un mois ». 

Âgé de 75 ans, Khwaja Safar Ali se souvient de sa jeunesse à Peshawar et de l'excitation quand arrivaient les caravanes. La journée, « nous courions entre les pattes des chameaux », sourit-il. Et quand venait le soir, « nous nous asseyions tous ensemble, et nous écoutions les conteurs ». 

« Ils nous narraient Kaboul, l'URSS, l'Ouzbékistan. Nous apprenions ces pays à travers eux ».

Mais le transport moderne a sonné le glas des caravanes, qui ont cessé de rejoindre Peshawar au début des années 1960, se souvient-il. Si les conteurs ont continué de se produire dans de plus petits cercles, ils ont petit à petit été remplacés par les radios, puis les télévisions. 

« Maintenant, les diseurs d'histoires ont disparu. Les gens n'ont plus le temps de les écouter. Et puis, ils ont des portables, les réseaux sociaux », constate Khwaja Safar Ali, tout en désignant son propre téléphone cellulaire: « C'est ça maintenant qui raconte les histoires ». 

L'un des derniers conteurs de Peshawar, né en 1934, y est mort cet automne, regrette Jalil Ahmed, un guide, qui emmenait jusqu'à récemment ses clients le rencontrer. Ancien propriétaire d'un petit hôtel, il narrait des légendes aux caravaniers « contre quelques pennies » alors que ceux-ci éclusaient du thé vert. 

Et de soupirer: « Maintenant, la seule manière de voir des conteurs d'histoire, c'est peut-être d'aller au cimetière ». 


AlUla accueille le Sommet pour les créateurs de contenu sur Instagram

Le programme comprend des tables rondes interactives, des discours d'ouverture et des conversations sur l'avenir de la création de contenu, couvrant des sujets tels que les médias sociaux, l'intelligence artificielle et l'évolution du paysage numérique. (SPA)
Le programme comprend des tables rondes interactives, des discours d'ouverture et des conversations sur l'avenir de la création de contenu, couvrant des sujets tels que les médias sociaux, l'intelligence artificielle et l'évolution du paysage numérique. (SPA)
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  • Ce sommet révolutionnaire est le premier du genre dans la région et réunira des créateurs de contenu de premier plan du monde entier

ALULA : AlUla s'apprête à accueillir le premier sommet pour les créateurs de contenu sur Instagram au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. L'événement aura lieu du 20 au 22 avril, organisé par Meta, la société de technologie, en partenariat avec la Commission royale pour AlUla, et en collaboration avec l'Autorité saoudienne du tourisme et Riyadh Air.

Ce sommet révolutionnaire est le premier du genre dans la région et réunira les principaux créateurs de contenu du monde entier. Au programme figurent des tables rondes interactives, des allocutions d'ouverture ainsi que des discussions prospectives sur l’avenir de la création de contenu. Les échanges aborderont des thématiques telles que les médias sociaux, l’intelligence artificielle et l’évolution du paysage numérique.

Ces créateurs ont collectivement collecté plus de 231 millions de followers dans le monde entier, soulignant l'importance croissante du marketing d'influence dans les destinations de voyage d'aujourd'hui.

Le sommet proposera également des sessions sur la manière d'utiliser au mieux les outils de la plateforme, d'explorer les dernières mises à jour techniques et d'identifier de nouvelles opportunités dans la Creator Economy.

Des dialogues interactifs offriront aux participants l’opportunité d’échanger directement avec les directeurs de produit de Meta, tandis que des forums ouverts favoriseront le partage d’expertise et la création de collaborations durables entre créateurs.

Ce sommet est l'occasion d'acquérir des connaissances, d'entrer en contact avec les leaders de l'industrie et de rester à l'avant-garde de la scène numérique en constante évolution.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le lancement de Cinamaa, une nouvelle ère pour les études cinématographiques en Arabie saoudite

L'exposition Cinamaa de la Commission saoudienne du film. (AN)
L'exposition Cinamaa de la Commission saoudienne du film. (AN)
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  • Des experts ont souligné l'importance du développement des études cinématographiques en Arabie saoudite

RIYAD : La Commission saoudienne du film a lancé une nouvelle initiative, Cinamaa, pour promouvoir les études cinématographiques et soutenir les personnes qui se lancent dans l'industrie.

Un événement de lancement a eu lieu mercredi au Palais culturel de Riyad, organisé par la commission et la National Film Archive.

Le site web Cinamaa, une plateforme destinée à aider à former les cinéastes, les critiques et les cinéphiles aspirants, en leur permettant de partager leur travail, offre aux utilisateurs l'accès à des articles, des études, des discussions, des ateliers et des courts-métrages sur divers sujets liés au cinéma.

À l’issue d’une table ronde consacrée à l’importance des études cinématographiques dans le milieu universitaire, Salma Tarek, professeure de littérature au département de langue française de l’Université du Caire, a déclaré à Arab News : « Nous devons distinguer entre les études universitaires et les études sur le cinéma, c'est-à-dire l'enseignement de niveau universitaire, et les études dans les instituts cinématographiques, qui visent à former des techniciens et des cinéastes ».

« Ces dernières sont très importantes et largement disponibles, mais les études cinématographiques aux niveaux scolaire et universitaire font encore défaut », a-t-elle ajouté. 

À l'étranger, par exemple, les enfants de l'école primaire suivent des programmes de lecture et d'alphabétisation qui comprennent une section sur la façon de "lire" un film. Ils apprennent ce qu'est un plan, ce que signifie un mouvement de caméra, car ces éléments font désormais partie du langage de base qui nous permet d'interpréter le monde qui nous entoure", a déclaré Mme Tarek.

« Le cinéma n'est plus seulement une forme d'art, c'est une forme de discours. Nous y sommes constamment exposés et il est très important que nous apprenions à décoder ses messages », a-t-elle indiqué. 

Selon Mme Tarek, ces messages sont constamment envoyés aux spectateurs, qui doivent les recevoir de manière ouverte et réfléchie.

« L'université est l'institution la mieux placée pour jouer ce rôle », a-t-elle précisé. 

Lorsqu'on lui demande ce qui peut être fait pour faire avancer ce programme, elle répond qu'il faut d'abord être convaincu de la valeur des études cinématographiques, une tâche qui, selon elle, n'est "pas simple".

Le point d'entrée, cependant, se trouve dans les études interdisciplinaires.

"Par exemple, les départements de littérature peuvent proposer des cours sur la relation entre l'art de la performance et le cinéma. Dans les départements d'histoire, il peut y avoir un cours sur le cinéma et l'histoire. Peu à peu, ces frontières s'ouvriront et nous commencerons à développer une culture cinématographique au sein des institutions académiques.

Ces institutions auront alors les capacités et les bases nécessaires pour créer des départements dédiés aux études cinématographiques, ce qui, selon M. Tarek, est le "but ultime".

Le panel a également discuté de la nécessité de produire davantage de contenu arabe original en plus des traductions de films étrangers.

Tareq Al-Khawaji, critique de cinéma et conseiller culturel au Centre du Roi Abdulaziz pour la culture mondiale, a déclaré que les jeunes Saoudiens intéressés par l'écriture de scénarios ont une grande opportunité de développer des scénarios qui peuvent contribuer à renforcer la scène cinématographique dans le Royaume.

Le lancement de Cinamaa a été suivi de la signature de deux protocoles d'accord entre la Commission du film saoudien et ses partenaires, la Saudi Broadcasting Authority et la Fédération internationale des critiques de cinéma.

Le directeur général de la commission, Abdullah Al-Qahtani, a pris la parole aux côtés de Mohammed Fahad Al-Harthi, directeur général de la SBA et ancien rédacteur en chef d'Arab News, et du directeur général de Fipresci, Ahmad Shawky.

La création de l'Association des critiques de cinéma a également été annoncée. Il s'agit de la première entité professionnelle indépendante dédiée à la critique cinématographique en Arabie Saoudite.

À la fin de la soirée, les portes se sont ouvertes pour accueillir les invités dans une exposition sur l'histoire du cinéma dans le monde arabe. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


L’Arabie saoudite célèbre la Journée du patrimoine mondial avec six jours d’évènements à Riyad

Abdullah Al-Fawzan est l'un des artistes participant à l'événement. Il présente ses œuvres en bois sculpté inspirées des motifs des portes Najdi. (Photo AN)
Abdullah Al-Fawzan est l'un des artistes participant à l'événement. Il présente ses œuvres en bois sculpté inspirées des motifs des portes Najdi. (Photo AN)
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  • Les événements, qui se déroulent du 16 au 21 avril à la vallée de Laysen, visent à honorer et à promouvoir les valeurs historiques et culturelles du Royaume et de son patrimoine par le biais d'activités éducatives et interactives
  • Les visiteurs seront accueillis par une expérience immersive qui les transportera dans les huit sites du patrimoine mondial du Royaume et mettra en valeur leur importance culturelle

RIYAD : Une série d'événements spéciaux se déroulent cette semaine à la vallée de Laysen à Riyad pour célébrer la Journée du patrimoine mondial le 18 avril.

Organisées par la Commission du patrimoine du ministère de la Culture, ces activités, qui se déroulent du 16 au 21 avril, visent à honorer et à promouvoir les valeurs historiques et culturelles de l'Arabie saoudite et de son patrimoine par le biais d'activités éducatives et interactives.

Selon les organisateurs, les visiteurs de la vallée de Laysen seront accueillis par une expérience immersive qui les transportera dans les huit sites du patrimoine mondial du Royaume et mettra en évidence leur importance culturelle par le biais de récits, d'un spectacle de lumière numérique et de recréations en direct des lieux.

Un certain nombre d'artistes participent aux événements, notamment Abdullah Al-Fawzan, dont les œuvres en bois sculpté s'inspirent des motifs najdi. Les portes de l'ancien Najd, connues pour leur riche décoration et leurs motifs inspirés des structures naturelles, sont emblématiques des racines profondes et de la culture de la région centrale de l'Arabie saoudite.

Interrogé par Arab News, M. Al-Fawzan a expliqué que la sculpture sur bois est un élément essentiel des traditions de sa famille, qui remonte à six générations. Sous la direction de son père, il a commencé à apprendre cette technique à l'âge de sept ans. Il a créé une centaine de portes de style najdi pour de nombreux projets dans différentes parties de la capitale, notamment à Diriyah et à Al-Doho, un quartier historique du sud de Riyad.

« On peut dire que les artisans sont considérés comme le pont entre le passé et le présent. Nous travaillons sur des pièces entièrement faites à la main, tout en préservant l'authenticité et l'identité du Najd », a-t-il affirmé. 

M. Al-Fawzan travaille de six à dix heures par jour pour sculpter et peindre ses œuvres, et son métier lui a appris l'art de la patience, en particulier lorsqu'il rencontre des problèmes.

« Nous avons un proverbe qui dit : Celui qui est patient triomphe. Je ne peux pas travailler sur quelque chose de grand si je suis de mauvaise humeur. Je dois être d'humeur claire, loin de tout problème et prêt à travailler », a-t-il lancé. 

Parmi les autres attractions de la Journée du patrimoine figurent un espace réservé aux enfants et des pavillons présentant des objets d'art et d'artisanat traditionnels. Des ateliers, des démonstrations en direct par des artisans et des marchés où les artisans vendront des articles faits à la main sont également prévus. En outre, une série de spectacles de drones sera organisée à Wadi Al-Turath le 18 avril.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com