WASHINGTON: L'enquête de la justice américaine sur l'assaut du Capitole et les tentatives de renverser le résultat de l'élection de 2020 avance à grand pas et expose Donald Trump à plusieurs poursuites pénales.
L'ancien président a annoncé lui-même mardi avoir reçu une lettre du procureur fédéral Jack Smith l'informant qu'il était visé personnellement par cette enquête. Cela suggère qu'une inculpation dans cet autre dossier est possible. M. Smith a refusé de commenter.
Le tempétueux homme politique et milliardaire, grand favori des primaires républicaines pour 2024, est en effet déjà doublement inculpé par la justice: dans l'affaire des documents confidentiels de la Maison Blanche et pour des paiements suspects à une ancienne actrice de films X. Il a plaidé non coupable dans les deux cas.
Selon plusieurs médias américains, Jack Smith a informé M. Trump qu'il le visait, dans cette troisième enquête sur l'élection perdue de 2020, pour trois chefs d'accusation: complot à l'encontre de l'Etat américain, entrave à une procédure officielle et privation de droits.
Revue en détail:
Complot à l'encontre de l'Etat américain
En premier lieu, Donald Trump peut être inculpé pour sa participation à un "complot à l'encontre de l'Etat américain", qui requiert l'implication d'au moins deux personnes et est passible de cinq ans d'emprisonnement.
Selon Daniel Richman, un ancien procureur fédéral aujourd'hui professeur à l'université Columbia de New York, c'est une qualification très large qui peut être retenue pour différentes actions de Trump, avant et après le scrutin de novembre 2020.
Par exemple: "la tentative frauduleuse d'induire le Congrès américain en erreur et de repousser, voire de bloquer, la validation du scrutin", par Donald Trump, explique Daniel Richman.
Il est aussi envisageable que ce chef d'accusation soit retenu pour qualifier les pressions exercées par Donald Trump sur son vice-président Mike Pence pour qu'il ne valide pas la victoire du démocrate Joe Biden au Congrès, le 6 janvier 2021, jour de l'assaut du Capitole. Mike Pence n'avait pas cédé.
Ce chef peut également permettre de poursuivre le milliardaire républicain pour de présumées fraudes électorales commises dans certains Etats visant à lui assurer la quantité de grands électeurs nécessaires à sa réélection.
Cette semaine, la justice de l'Etat du Michigan (nord) a d'ailleurs inculpé 16 personnes accusées d'avoir cherché à usurper la fonction de grand électeur pour faire pencher la balance en faveur de Donald Trump, le tout en suivant une stratégie orchestrée par deux avocats proches de l'ex-président, Rudy Giuliani et John Eastman, qui sont, eux aussi, potentiellement exposés à poursuites.
Entrave à une procédure officielle
Ce chef d'accusation couvre le fait d'avoir cherché, de manière frauduleuse, à influencer ou à bloquer une procédure officielle, dans ce cas la certification de l'élection remportée par Joe Biden. Il a déjà été retenu pour plus de 300 partisans de l'ancien président qui ont pris d'assaut le Capitole le 6 janvier 2021.
Dans le cas de Donald Trump, il "pourrait être utilisé maintes fois", selon Daniel Richman. Par exemple lorsque Donald Trump a appelé ses partisans à "se battre comme des diables", peu avant qu'ils ne marchent vers le siège du Congrès, bien que lui-même ne se soit pas rendu au Capitole ce jour-là.
L'entrave à une procédure officielle est passible de trois ans de prison.
Privation de droits
Cette qualification remonte à la fin de la guerre de Sécession (1861-1865). Elle visait alors à poursuivre ceux qui cherchaient à priver les anciens esclaves afro-américains de leur droit de vote.
Elle permet de poursuivre une personne qui tenterait de priver un citoyen des droits qui lui sont conférés par la Constitution ou les lois fédérales, notamment le droit de vote et le droit à la prise en compte de ce suffrage.
Plus récemment, ce chef d'inculpation a été utilisé pour poursuivre des personnes accusées de fraude électorale.
"Ce qui est important, c’est que cette qualification permet de montrer que les victimes n'ont pas été seulement des agents de l'Etat" mais bien des citoyens ordinaires, a déclaré à l'AFP Daniel Richman.
Elle peut entraîner une peine allant jusqu'à 10 ans d'emprisonnement.