PARIS: Un Rwandais de 58 ans vivant en France a été mis en examen début juillet à Paris, notamment pour crimes contre l'humanité, soupçonné d'avoir participé à des exécutions de civils tutsi lors du génocide de 1994, ce qu'il conteste.
Madjaliwa Safari, domicilié près de Tours, "conteste fermement l'intégralité des faits qui lui sont reprochés", a réagi auprès de l'AFP son avocat, Me Abed Bendjador, qui attend de cette "information judiciaire qu'elle permette de rééquilibrer le contradictoire, d'expliquer sa situation".
M. Safari a été mis en examen par un juge d'instruction du pôle crimes contre l'humanité du tribunal judiciaire de Paris pour génocide, crimes contre l'humanité et complicité de ces deux chefs, a indiqué à l'AFP mercredi une source judiciaire, confirmant une information du journal régional la Nouvelle République.
Il a été placé en détention provisoire vendredi.
A ce stade, il est mis en examen pour la période du 6 avril à juillet 1994 et des faits commis notamment dans l'actuelle province rwandaise du Sud, en particulier dans les ex-préfectures de Gitarama et Butare, selon cette source.
M. Safari aurait joué un rôle particulier sur un barrage routier appelé "Chez Premier". Certains témoins décrivent son rôle de direction et sa participation active aux arrestations et exécutions de civils sur cette "barrière".
Le Rwanda avait émis en 2017 un mandat d'arrêt international contre lui et une information judiciaire avait été ouverte à Paris le 19 novembre 2019.
Les investigations sont menées par l'Office central de lutte contre les crimes contre l'humanité (OCLCH).
Selon une source proche du dossier, Madjaliwa Safari a obtenu de la France une carte de séjour avec statut de réfugié en 2017 et a été localisé par les enquêteurs français "assez rapidement" après l'ouverture de l'information judiciaire.
Massacres à grande échelle
En France, il vit sous sa véritable identité et se présente comme commerçant.
Selon l'acte d'accusation du procureur général de la République du Rwanda du 25 juillet 2017, consulté par l'AFP, il "s'occupait de l'agriculture et du commerce dans un restaurant de la ville de Nyanza" au moment du génocide.
Dans ce document, l'accusation rwandaise le tient pour "responsable des meurtres des Tutsi commis lors des tueries perpétrées dans le secteur de Kawumu", dans l'ancienne préfecture de Gitarama, et lui attribue une dizaine d'attaques au domicile des victimes ou au barrage routier.
Le génocide de 1994 au Rwanda, à l'instigation du régime extrémiste hutu alors au pouvoir, a fait plus de 800 000 morts, essentiellement parmi la minorité tutsi, selon l'ONU.
Les massacres à grande échelle ont débuté après un attentat contre l'avion du président rwandais Juvénal Habyarimana, de retour d'Arusha (Tanzanie) où se tenaient des négociations de paix avec la rébellion du Front patriotique rwandais (FPR, à majorité tutsi, aujourd'hui au pouvoir).
Les Tutsi sont accusés par le pouvoir, alors dominé par les Hutu, de collusion avec la rébellion du FPR venue d'Ouganda.
«L'étau se referme»
Des listes de personnes à tuer sont alors établies par les autorités. Les milices Interahamwe et l'armée (Forces armées rwandaises, FAR) massacrent méthodiquement les "Inyenzi" ("cafards" en kinyarwanda, désignant les Tutsi), les Hutu opposés au parti de Juvénal Habyarimana et ceux qui refusent de participer aux tueries.
Au titre de la "compétence universelle" exercée sous certaines conditions par la France pour juger les crimes les plus graves commis hors de son sol, la justice française a déjà condamné plusieurs Rwandais accusés de génocide.
"L'étau se referme lentement sur des personnes qui croyaient avoir trouvé refuge en France en toute impunité. Mais la justice française a pris beaucoup de retard, un retard qui ne se rattrapera jamais", a réagi mercredi Alain Gauthier, président du collectif pour les parties civiles pour le Rwanda (CPCR).
Un autre procès lié au génocide est prévu à Paris en novembre et décembre, celui du médecin rwandais Sosthène Munyemana.