PARIS: L'interpellation musclée samedi de Youssouf Traoré, à l'issue du rassemblement interdit en mémoire de son frère Adama, et les violences sur une femme et des journalistes ont remis la lumière sur la Brav-M, une unité de police à moto déjà décriée pour son comportement lors du mouvement contre la réforme des retraites.
Le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, qui avait défendu "l'utilité" de la Brav-M lors de la contestation sociale au printemps, a fait savoir dimanche qu'il "assumait pleinement" les interpellations de Youssouf Traoré et d'un autre membre du Comité Adama, identifié comme Samir.
"Les violences commises contre les forces de l'ordre, survenues en plus dans le contexte d'une manifestation interdite, (sont) intolérables", a poursuivi la préfecture de police (PP).
Youssouf (Yssoufou sur son état civil) Traoré est accusé par la police d'avoir "porté un coup" à une commissaire au début du rassemblement, place de la République.
C'est lors de son interpellation près de la gare de l'Est, lors de la dispersion dans le calme des participants, qu'une femme et au moins trois journalistes ont été violentés et projetés au sol, selon les images diffusées sur les réseaux sociaux.
Leur dossard, de couleur orange, indique que les policiers mis en cause, casqués et cagoulés pour certains, appartiennent à la 31e compagnie d'intervention de la préfecture de police, en formation Brav-M (Brigade de répression de l'action violente motorisée).
«Davantage d'agressivité»
"Jusqu'à ces dernières semaines, on n'avait pas eu tellement de problèmes avec cette compagnie", explique à l'AFP Clément Lanot, qui fait partie des journalistes brutalisés. En avril et début juillet, il s'était plaint que les policiers de cette unité dirigent leurs lampes vers les caméras pour empêcher les médias de filmer.
Le Schéma national du maintien de l'ordre (SNMO) autorise la presse à filmer la dispersion d'un attroupement s'ils ne "font pas obstacle à l'action des forces de l'ordre".
"On était proche mais pas sur leur chemin", se défend Clément Lanot, qui a déposé plainte à l'IGPN lundi, tout comme le photographe Florian Poitout.
Les Brav-M, créées au printemps 2019, servent à "intervenir vite, là où les grosses compagnies ne passent pas ou sont trop lourdes avec leurs kilos de matériel", expliquait en mars à l'AFP le commandant de police Patrick L., qui a participé à leur création.
"Sur le papier, le concept est pertinent, mais il présente des défauts structurels, comme la vulnérabilité ou le manque de cohésion des unités, qui sont peut-être compensés par davantage d'agressivité", analyse un policier de région parisienne.
"C'est une unité couteau-suisse. Qui peut être employée sur de la sécurité routière ou faire des opérations de contrôle dans des cités difficilement accessibles. Cela peut diluer les compétences", souligne Mathieu Zagrodzki, chercheur associé au Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales (Cesdip).
Enquête administrative
Une Brav-M était ainsi intervenue en février au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis) lors de la violente interpellation d'un mineur, accusé d'avoir pris à partie la police après une interpellation pour un refus d'obtempérer.
Le jeune homme de 17 ans avait reçu plusieurs coups de poings au visage, selon une vidéo diffusée par un témoin sur les réseaux sociaux. L'IGPN a été saisie de l'enquête.
Les Brav-M restent "parmi les unités les plus défendues par l'administration pour tout ce qui concerne les litiges survenus avec des personnes extérieures", estime le policier francilien.
"C'est une unité très valorisée par la PP, car déployée sur des situations compliquées. Cela peut être interprété comme un blanc-seing pour des interventions plus musclées", complète Mathieu Zagrodzki.
"Le comportement de quelques individus ne doit pas jeter l'opprobre sur toute une unité", avait estimé Laurent Nuñez après l'enregistrement des propos menaçants et humiliants tenus par des policiers de la Brav-M sur de jeunes manifestants en mars à Paris.
Le préfet de police a décidé de renvoyer trois d'entre eux en conseil de discipline et d'en sanctionner quatre autres d'un avertissement, la sanction la plus basse de la fonction publique.
Concernant les violences commises samedi sur les journalistes et la jeune femme, "une enquête administrative a été ouverte immédiatement, afin d'établir avec exactitude les circonstances des faits", a assuré la PP.