Face aux émeutes, droite et extrême droite rivalisent d'appels à la fermeté

Marine Le Pen, députée française du parti d'extrême droite Rassemblement national (RN) (Photo, AFP).
Marine Le Pen, députée française du parti d'extrême droite Rassemblement national (RN) (Photo, AFP).
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Publié le Samedi 01 juillet 2023

Face aux émeutes, droite et extrême droite rivalisent d'appels à la fermeté

  • Marine Le Pen a estimé vendredi qu'il n'y avait «pas d'autre solution immédiate» que des «couvre-feux sectoriels»
  • «Il faut arrêter de nourrir le vivier de la crise identitaire en décidant un moratoire immédiat sur l'immigration»

PARIS: La droite et l'extrême droite rivalisent d'appels à la fermeté face aux violences urbaines, tout en commençant à afficher un soutien discret aux autorités chargées de restaurer l'ordre public.

Marine Le Pen a estimé vendredi qu'il n'y avait "pas d'autre solution immédiate" que des "couvre-feux sectoriels" et, en cas d'aggravation de la situation, une "déclaration de l'état d'urgence".

Une demande qui marque un durcissement de ton puisque jeudi encore le président du RN Jordan Bardella préférait botter en touche sur la question du couvre-feu.

Le gouvernement a annoncé vendredi le déploiement de blindés de la gendarmerie pour tenter d'enrayer le cycle des violences qui agitent de nombreuses villes depuis le décès mardi du jeune Nahel, tué par un policier lors d'un contrôle routier.

Il n'a en revanche pas annoncé d'état d'urgence, réclamé dès jeudi par Les Républicains et Reconquête qui se disputent un électorat très attaché aux questions régaliennes.

"Nous devons proclamer l'état d'urgence sur tous les territoires concernés", a réaffirmé vendredi le président de LR Eric Ciotti.

Malgré l'arrestation de 875 personnes dans la nuit de jeudi à vendredi, 492 bâtiments ont été visés et les autorités attendaient sur le qui-vive la soirée de vendredi.

Face à cette "période d'incertitude et d'inquiétude", Marine Le Pen a demandé à Emmanuel Macron de recevoir "sans plus attendre" les partis représentés à l'Assemblée nationale "pour évoquer la situation grave du pays" et les initiatives envisageables.

«Hordes»

Car la cheffe de file du RN le rappelle: elle est responsable de "la première force d'opposition". En tant que telle, sa ligne de conduite sera de "ne rien faire qui puisse empêcher ou entraver l'action des autorités légitimes qui ont en charge l'ordre public".

Même début de main tendue du côté des Républicains: dans une logique de "responsabilité", Eric Ciotti a appelé au "sens de l'unité nationale" pour permettre "le retour à l'ordre républicain".

Ultradroite: Un ex-gendarme néonazi condamné à 18 ans pour «terrorisme»

Quatre hommes appartenant à la mouvance néonazie et soupçonnés de projets criminels ont été condamnés vendredi à des peines allant de un à dix-huit ans de prison ferme par une cour d'assises spéciale des mineurs à Paris.

La peine la plus lourde, dix-huit ans de réclusion criminelle assortie d'une peine de sûreté des deux tiers, a été prononcée contre Alexandre Gilet, ex-gendarme volontaire grenoblois de 27 ans qui "détenait des armes, des explosifs (...) et avait pris un ascendant incontestable sur le groupe", selon le président de la cour, Christophe Petiteau.

Les trois autres accusés, qui comparaissaient libres sous contrôle judiciaire, sont condamnés à des peines plus légères, dont la partie ferme sera "aménageable", a précisé le président.

"Aucun soutien ne doit manquer à l'État dans la lutte qui l'oppose à ceux qui veulent l'abattre", a-t-il ajouté, alors que LR se targue d'incarner une opposition responsable pour se distinguer de l'extrême droite.

Tous se retrouvent en revanche à droite dans la critique des dirigeants de la gauche radicale, "forces antirépublicaines et extrémistes" qui selon Mme Le Pen "conduisent le pays sur les chemins terribles du désordre". Des critiques qui visent en particulier les insoumis, pour n'avoir pas appelé les jeunes de banlieue au calme.

Eric Ciotti a, lui, déploré des discours qui selon lui "sapent les fondements de notre cohésion sociale en appelant à la guerre civile".

Tous rivalisent aussi de fermeté dans leurs condamnations des auteurs de violences, qualifiés de "hordes" par Eric Ciotti comme par Marine le Pen.

Premier à plaider pour l'état d'urgence, Eric Zemmour a appelé vendredi à une "répression féroce" contre les auteurs des violences, décrites comme les prémices d'une "guerre civile".

Evoquant une "guerre ethnique" ou "raciale", le président de Reconquête a fait un parallèle avec les émeutes de 2005: "c'est pire", a-t-il assuré, car les quelque 40.000 forces de l'ordre déployées dans la nuit "sont dépassées" et ont selon lui "des ordres de ne pas aller au contact".

Dans la soirée, il a accusé l'exécutif de "lâcher nos policiers" et a appelé ses militants à soutenir les forces de l'ordre avec des "petits présents" dans les commissariats et casernes.

Lors d'une conférence de presse, le président du RN Jordan Bardella a lui réitéré les demandes de son parti: peines plancher, suspension des aides sociales aux parents de mineurs délinquants...

"Il faut aussi arrêter de nourrir le vivier de la crise identitaire en décidant un moratoire immédiat sur l'immigration", a-t-il ajouté.

Car le sens des responsabilités affiché face à la crise n'empêche pas la critique du gouvernement: dans son allocution, Mme Le Pen a aussi taclé "l'ivresse d'un pouvoir solitaire et de folle construction idéologique, notamment en matière d'immigration et de laxisme judiciaire".


Relations UE/Chine: Macron insiste sur la protection des «intérêts stratégiques» de l'Europe

Le président français Emmanuel Macron (CL) serre la main du Premier ministre japonais Fumio Kishida (Photo, AFP).
Le président français Emmanuel Macron (CL) serre la main du Premier ministre japonais Fumio Kishida (Photo, AFP).
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  • La visite d'Etat de XI Jinping vise à célébrer 60 ans de relations diplomatiques bilatérales
  • Les grandes crises internationales, et notamment la guerre en Ukraine, devraient également être au menu des discussions franco-chinoises

PARIS: L'Europe doit défendre ses "intérêts stratégiques" dans ses relations économiques avec la Chine, a déclaré jeudi le président Emmanuel Macron dans une interview à The Economist, à quelques jours d'une visite d'Etat en France du président chinois XI Jinping.

"Il faut être d'un grand pragmatisme et regarder cette question avec nos intérêts stratégiques", dit le chef d'Etat français, interrogé sur l'ouverture ou non du marché européen à la Chine.

"C'est un de mes objectifs principaux en accueillant le président Xi Jinping, il faut tout faire pour engager la Chine sur les grandes questions mondiales et avoir un échange sur nos relations économiques qui reposent sur la réciprocité", ajoute le président, qui accueillera son homologue chinois les 6 et 7 mai.

Et de citer le cas des voitures électriques chinoises, selon lui "taxées à 10%" sur le marché européen alors que leur production est "massivement aidée" par l'exécutif chinois. A l'inverse, les véhicules électriques européens, pour lesquels "l'Europe a des règles qui limitent les aides" à leurs producteurs, sont "taxés à 15%" sur le marché chinois.

Plan

"Aujourd'hui nous devons avoir sur le plan commercial avec la Chine un comportement respectueux, mais de défense de nos intérêts, de réciprocité et de sécurité nationale", insiste M. Macron, qui dit soutenir les enquêtes ouvertes par la Commission européenne sur le véhicule électrique, le photovoltaïque, l'éolien concernant des subventions chinoises soupçonnées de fausser la concurrence.

"Il ne faut pas oublier les enjeux de sécurité nationale", souligne M. Macron. "Il y a de nombreux secteurs pour lesquels la Chine exige que les producteurs soient chinois, parce qu'ils sont trop sensibles. Eh bien nous Européens, nous devons pouvoir faire la même chose."

La visite d'Etat de XI Jinping vise à célébrer 60 ans de relations diplomatiques bilatérales. Il s'agira du début de sa première tournée européenne depuis la pandémie de Covid-19, qui avait vu le géant asiatique couper longuement nombre d'interactions avec le reste du monde.

Les grandes crises internationales, et notamment la guerre en Ukraine, devraient également être au menu des discussions franco-chinoises.

"Notre intérêt est d'obtenir de la Chine qu'elle pèse pour la stabilité de l'ordre international. Ce n'est pas l'intérêt de la Chine aujourd'hui d'avoir une Russie déstabilisatrice de l'ordre international, d'avoir un Iran qui peut se doter de l'arme nucléaire et d'avoir un Moyen-Orient plongeant dans une forme de chaos. Il faut donc travailler avec la Chine pour construire la paix", affirme M. Macron.


Ukraine: Macron assume à nouveau la possibilité d'envoyer des troupes occidentales au sol

Le président français Emmanuel Macron (Photo, AFP).
Le président français Emmanuel Macron (Photo, AFP).
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  • Macron a créé la controverse fin février en affirmant que l'envoi de troupes occidentales sur le sol ukrainien ne devait pas «être exclu»
  • Ce débat doit dépasser l'Union européenne, avance encore le président français

PARIS: Emmanuel Macron a détaillé, dans The Economist, son plan pour éviter une mort "brutale" de l'Europe, assumant au passage sa position controversée sur la possibilité d'envoyer des troupes au sol en Ukraine, si Moscou allait "percer les lignes de front".

"Si les Russes devaient aller percer les lignes de front, s'il y avait une demande ukrainienne – ce qui n'est pas le cas aujourd'hui – on devrait légitimement se poser la question", a dit le président français dans un long entretien publié jeudi par l'hebdomadaire britannique.

Le chef de l'Etat français a créé la controverse fin février en affirmant que l'envoi de troupes occidentales sur le sol ukrainien ne devait pas "être exclu" à l'avenir. La plupart des pays européens, ainsi que les Etats-Unis, s'étaient nettement démarqués, même si certains ont depuis fait un pas en sa direction.

Dans The Economist, Emmanuel Macron affirme que la Russie "est rentrée dans une logique de guerre totale". Et il faut l'empêcher de gagner en Ukraine, faute de quoi "nous n'aurons plus de sécurité en Europe".

Plus largement, il inscrit cette question dans la nécessité d'aboutir à une "crédibilité militaire européenne", lors d'un débat qu'il a appelé de ses voeux il y a une semaine à la Sorbonne.

Dans ce discours, à l'approche des élections européennes de juin qui voient son camp largement distancé dans les sondages par l'extrême droite, il avait mis en garde: "l'Europe peut mourir".

Cette "mort" peut être "beaucoup plus brutale qu'on ne l'imagine", insiste-t-il jeudi. Selon lui, "un sursaut est possible" mais doit être "beaucoup plus profond" face à un "triple risque existentiel pour notre Europe": "militaire et de sécurité", "économique" et démocratique.

Sur la défense, les Européens doivent s'asseoir "autour de la table pour bâtir un cadre cohérent", plaide Emmanuel Macron. "L'Otan apporte une de ces réponses et il ne s'agit pas de balayer l'Otan. Mais ce cadre est beaucoup plus large", ajoute-t-il.

«Braqueurs»

Ce débat doit dépasser l'Union européenne, avance encore le président français, qui veut "arrimer la discussion dans le cadre de la Communauté politique européenne", ce nouveau format qu'il a inspiré pour inclure notamment Londres après le Brexit. "Ce serait une erreur d'exclure des pays qui ne sont pas dans l'UE", comme la Norvège, le Royaume-Uni ou les Balkans".

La réflexion doit aussi inclure l'arme nucléaire, dont la France et le Royaume-Uni sont dotés en Europe, réitère-t-il. Il propose que les partenaires européens "prennent en compte" cette "capacité" française, "sans pour autant la mutualiser".

Sur le plan économique, à la veille d'une visite d'Etat en France du président chinois Xi Jinping, lundi et mardi, Emmanuel Macron appelle l'Europe à défendre ses "intérêts stratégiques" et "les enjeux de sécurité nationale" au nom de la "réciprocité" dans ses relations commerciales avec Pékin. "Il y a de nombreux secteurs pour lesquels la Chine exige que les producteurs soient chinois, parce qu'ils sont trop sensibles. Eh bien nous Européens, nous devons pouvoir faire la même chose."

S'agissant de la "vulnérabilité démocratique", le chef de l'Etat, qui a promis de s'impliquer dans la campagne des européennes, lance enfin un avertissement aux électeurs: "la meilleure façon de construire ensemble, c'est d'avoir le moins de nationalistes possible".

"Je dis aux Européens: réveillez-vous!", "tous les nationalistes européens sont des brexiters cachés", ajoute-t-il, visant particulièrement l'extrême droite française.

Après avoir prôné la sortie de l'Europe, le Rassemblement national tire maintenant "les dividendes de l'Europe en voulant la détruire sans rien dire", accuse le président Macron. "C'est comme si on était en train de dire +ce n'est pas grave de confier la banque à des braqueurs+", ajoute-t-il.


Sciences Po: place au débat interne, après la mobilisation de soutien à Gaza

Des manifestants brandissent des pancartes du drapeau palestinien alors qu'ils manifestent près de l'entrée de l'Institut d'études politiques (Sciences Po Paris) occupé par des étudiants, à Paris, le 26 avril 2024 (Photo, AFP).
Des manifestants brandissent des pancartes du drapeau palestinien alors qu'ils manifestent près de l'entrée de l'Institut d'études politiques (Sciences Po Paris) occupé par des étudiants, à Paris, le 26 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • A Saint-Etienne, le blocage d'un des sites de l'université Jean Monnet par une quinzaine d'étudiants réclamant le cessez-le-feu à Gaza a repris jeudi matin
  • Des actions se sont multipliées en France ces derniers jours, principalement sur les sites de Sciences Po en régions, mais aussi dans quelques universités

PARIS: Sciences Po Paris a accueilli jeudi un débat interne sur le Proche-Orient, qualifié de "dur" et de riche en "émotion" par la direction, au moment où le gouvernement redouble de vigilance face à la multiplication d'actions en soutien à Gaza sur les campus français.

"Ça a été un débat dur, avec des prises de position assez claires, beaucoup d'émotion et donc j'aspire maintenant à ce que chacun retrouve le calme" avant les examens prévus lundi, a indiqué Jean Bassères, l'administrateur provisoire de la prestigieuse école parisienne.

Il a admis rester "extrêmement prudent sur la suite des événements", alors que la mobilisation se diffuse en France, en écho à la mobilisation croissante des campus aux Etats-Unis, marquée par le déploiement de la police sur plusieurs sites.

Le débat à peine fini, les organisations étudiantes mobilisées - Union étudiante et Solidaires - ont appelé à sit-in jeudi après-midi dans le hall d'entrée de Sciences Po.

L'administrateur provisoire a reconnu avoir "pris des positions assez fermes sur certains sujets", en refusant "très clairement la création d'un groupe de travail qui était proposé par certains étudiants pour investiguer nos relations avec les universités israéliennes".

"Après un début où les débats étaient apaisés, la tension est montée à la fin", a témoigné auprès de l'AFP Hugo, 22 ans, étudiant en master à Sciences Po, pour qui "la principale information est le refus du directeur de créer un groupe de travail pour réévaluer les partenariats de Sciences Po".

«Maintien de l'ordre»

"Il y avait des demandes claires et il n’y a pas eu de réponse claire", a regretté une étudiante en master d'urbanisme, qui a refusé de donner son nom, fustigeant "une mollesse de l'administration".

Après une mobilisation émaillée de tensions vendredi dernier, le mouvement avait été suspendu à Sciences Po Paris: la direction avait accepté d'organiser un débat interne "ouvert à toutes les communautés de Sciences Po", qualifié de "townhall", terme utilisé aux Etats-Unis pour une grande réunion publique.

Sur la demande des étudiants d'interroger les "partenariats de l’école avec les universités et organisations soutenant l’Etat d’Israël", la ministre de l'Enseignement supérieur Sylvie Retailleau avait répété jeudi matin qu'il était "hors de question que les universités prennent une position institutionnelle en faveur de telle ou telle revendication dans le conflit en cours au Proche-Orient".

La ministre a demandé aux présidents d'université de veiller au "maintien de l'ordre" public, en utilisant "l'étendue la plus complète des pouvoirs" dont ils disposent, notamment en matière de sanctions disciplinaires en cas de troubles ou de recours aux forces de l'ordre, lors d'une intervention en visioconférence au conseil d'administration de France Universités.

A l'issue de cet échange, France Universités, qui fédère 116 membres, dont 74 universités, a "salué la détermination de la ministre à porter une voie équilibrée et ferme pour un retour au calme".

Actions à Lille et Saint-Etienne 

Des actions se sont multipliées en France ces derniers jours, principalement sur les sites de Sciences Po en régions, mais aussi dans quelques universités. Le tout dans un contexte politique électrique, en pleine campagne des européennes, La France Insoumise étant notamment accusée par la droite d'"instrumentalisation" du mouvement.

Jeudi matin à Lille, l'institut d'études politiques est resté fermé et les accès à l'école supérieure de journalisme (ESJ) étaient bloqués et les cours annulés.

A Saint-Etienne, le blocage d'un des sites de l'université Jean Monnet par une quinzaine d'étudiants réclamant le cessez-le-feu à Gaza a repris jeudi matin, a constaté l'AFP. Ils n'ont pas trouvé d'accord avec la présidence de l'université pour l'organisation d'une conférence sur la situation à Gaza, selon un représentant étudiant.

La police était intervenue mardi sur ce site stéphanois pour déloger des militants pro-Palestiniens. La police est aussi intervenue lundi pour évacuer des manifestants de la Sorbonne après avoir déjà mis fin à une occupation nocturne d'un site de Sciences Po Paris la semaine dernière, les deux fois à la demande du Premier ministre Gabriel Attal.

Selon l'organisation étudiante Le Poing Levé, le campus Jourdan de l'Ecole normale supérieure (ENS) à Paris était bloqué jeudi, des étudiants appelant à un rassemblement sur le site à 15H00.