NANTERRE: Un policier soupçonné d'avoir tiré sur un automobiliste de 17 ans mardi à Nanterre en raison d'un refus d'obtempérer a été placé en garde à vue après la mort du jeune homme, qui suscitait émotion et colère dans cette ville, théâtre de quelques tensions en soirée.
Les faits ont eu lieu vers 8h30 près de la station de RER Nanterre-Préfecture, en banlieue parisienne.
Dans un premier temps, des sources policières ont affirmé qu'un véhicule avait foncé sur les forces de l'ordre.
Mais une vidéo circulant sur Twitter, authentifiée par l'AFP, a montré qu'un des deux policiers intervenus tenait le conducteur en joue puis qu'il a tiré à bout portant quand il a redémarré.
La voiture a fini sa course quelques dizaines de mètres plus loin, encastrée dans un poteau.
La victime, Naël M., 17 ans, est décédée peu de temps après avoir été atteinte, malgré l'intervention du Samu.
En début de soirée, sept personnes ont été interpellées à Nanterre lors de tensions avec les forces de l'ordre, a-t-on appris auprès de la préfecture de police.
Deux unités de forces mobiles, dont des membres de la CRS 8 - spécialisée dans la lutte contre les violences urbaines -, sont déployées dans le chef-lieu des Hauts-de-Seine pour la nuit, selon le ministère de l'Intérieur.
Des feux de poubelle, rapidement maitrisés, ont été signalés dans l'après-midi.
Peu avant 21h00, une trentaine de personnes étaient réunies dans le calme devant un commissariat, scandant "la police mutile, la police assassine".
Deux enquêtes ouvertes
Une enquête a été ouverte pour refus d'obtempérer et tentative d'homicide volontaire sur personne dépositaire de l'autorité publique.
Une autre enquête, ouverte pour homicide volontaire par personne dépositaire de l'autorité publique, a été confiée à l'IGPN (Inspection générale de la police nationale), la police des polices.
"Un des policiers est actuellement en garde à vue pour homicide volontaire. Les opérations de dépistage d'alcoolémie et de consommation de produits stupéfiants ont été réalisées et se sont avérées négatives", a indiqué le parquet dans un communiqué.
Deux plaintes
"Nous déposerons ces prochains jours une plainte pour homicide volontaire contre le policier auteur du tir (...). La plainte visera également son collègue pour complicité d'homicide volontaire", a annoncé pour sa part l'avocat de la famille, Me Yassine Bouzrou, dans un communiqué.
"Une seconde plainte pour faux en écriture publique sera déposée à l'encontre des policiers qui ont affirmé que le jeune homme avait tenté de commettre un homicide sur leur personne en tentant de les percuter, ce qui est formellement démenti par le visionnage de la vidéo", a-t-il également écrit.
Deux autres personnes se trouvaient dans le véhicule au moment des faits: un premier passager a pris la fuite, alors que le second, également mineur, a été arrêté et placé en garde à vue. Cette dernière a été levée en début d'après-midi a indiqué le parquet.
Selon les premiers éléments de l'enquête rapportés de source policière, le conducteur du véhicule, une Mercedes AMG qui avait été louée, avait commis plusieurs infractions au code de la route. A la vue de motards de police, il s'est d'abord arrêté, avant d'accélérer.
Un fonctionnaire lui a alors tiré dessus au niveau du thorax.
"Une autopsie et des examens complémentaires notamment en matière de toxicologie ont été ordonnés et doivent être réalisés" mercredi, a précisé le parquet.
La police doit être "entièrement refondée", selon Mélenchon
La police "doit être entièrement refondée", a estimé mardi le leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon après la mort d'un automobiliste de 17 ans, tué par un policier à Nanterre après un refus d'obtempérer.
"La peine de mort n'existe plus en France. Aucun policier n'a le droit de tuer sauf légitime défense", a affirmé l'ancien candidat à la présidentielle sur Twitter.
Selon lui "cette police incontrôlée par le pouvoir discrédite l'autorité de l'Etat. Elle doit être entièrement refondée".
"Nous avons multiplié les alertes", a ajouté M. Mélenchon, qui avait été critiqué en 2022 pour avoir tweeté, pendant la campagne des législatives de 2022, que "la police tue".
"S'il s'agissait d'un refus d'obtempérer de pollueurs ou d'émigrés fiscaux on ne se poserait pas la question", a-t-il affirmé, en présentant ses "condoléances affligées" à la famille.
13 décès en 2022
Une quarantaine de personnes se sont brièvement rassemblées en début d'après-midi près des lieux du drame, larmes aux yeux, pour partager leur "colère".
"C'est tellement triste, il était tellement jeune. Je l'ai vu naître", a soupiré Samia Bough, 62 ans, ancienne voisine de l'adolescent, venue déposer un bouquet de roses jaunes.
La victime était déjà connue de la justice, notamment pour refus d'obtempérer.
Le maire (DVG) de Nanterre, Patrick Jarry, s'est dit "choqué" par la vidéo du drame, qui a été largement commenté à gauche.
"La peine de mort n'existe plus en France. Aucun policier n'a le droit de tuer sauf légitime défense", a tweeté le leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon, estimant que la police devait être "entièrement refondée".
A l'Assemblée nationale, Gérald Darmanin a parlé d'"images extrêmement choquantes" en appelant à "respecter le deuil des familles et la présomption d'innocence des policiers".
Le policier auteur du tir, âgé de 38 ans, est "très choqué" par le drame, a indiqué le préfet de police Laurent Nuñez sur BFMTV.
En 2022, 13 décès ont été enregistrés après des refus d'obtempérer lors de contrôles routiers, un record. Cinq policiers ont été mis en examen dans ces dossiers, les autres ayant été libérés sans poursuite à ce stade.