Le «bousier», pilier menacé du journalisme d'enquête en Afrique du Sud

Une audience mardi doit examiner sur le fond si le média peut continuer à publier des informations sur ce dossier (Photo, Instagram).
Une audience mardi doit examiner sur le fond si le média peut continuer à publier des informations sur ce dossier (Photo, Instagram).
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Publié le Dimanche 25 juin 2023

Le «bousier», pilier menacé du journalisme d'enquête en Afrique du Sud

  • Le droit sud-africain protège largement les lanceurs d'alerte
  • Une audience mardi doit examiner sur le fond si le média peut continuer à publier des informations sur ce dossier

JOHANNESBURG: C'est un petit scarabée tenace qui fouille les excréments: amaBhungane, bousier en langue zouloue, est un modeste mais incontournable media d'investigation sud-africain anti corruption, dont l'existence est désormais suspendue à une procédure judiciaire à la David et Goliath.

"Fouiller le fumier et fertiliser la démocratie, c'est notre slogan", reconnaît en riant Sam Sole, son rédacteur en chef, lors d'un entretien avec l'AFP.

Le journaliste hirsute de 61 ans, barbichette et lunettes fines, a pourtant peu le loisir de plaisanter ces derniers temps: une vaste enquête de son équipe sur un puissant homme d'affaires sud-africain, accusé de mener des affaires douteuses notamment avec le président du Zimbabwe voisin, lui vaut des ennuis.

Une audience mardi doit examiner sur le fond si le média peut continuer à publier des informations sur ce dossier, alors que l'intéressé, Zunaid Moti, l'accuse d'œuvrer sur la base de documents volés.

Le droit sud-africain protège largement les lanceurs d'alerte mais l'issue de cette procédure pourrait être cruciale pour le journalisme d'enquête sud-africain, terreau fertile d'une jeune démocratie encore fragile.

Fondé en 2010, amaBhungane, média indépendant financé par diverses ONG et du crowdfunding, a été sonné début juin par une décision en référé, ordonnant de geler toute publication sur le dossier Moti et de remettre les documents sur lesquels il a fondé son enquête.

Un autre juge, saisi dans la foulée, a rapidement contredit ce jugement, s'appuyant sur la liberté de la presse et la protection des sources.

L'association de défense de la presse Reporters sans frontières s'est dite "outrée" par la décision initiale contre ce média au "sérieux et professionnalisme indéniables". Elle demande au tribunal mardi de "respecter la liberté des choix éditoriaux et celle de révéler des informations d'utilité publique", dans un récent communiqué.

«Incroyablement têtus»

"On est petits", souligne Sam Sole, à la tête d'une équipe de 13 journalistes. "On essaye de faire des choix stratégiques, de viser des affaires qui représentent une menace systémique" aux institutions, aux confins "du business, de la politique et de la criminalité".

amaBhungane pousse aussi à plus de transparence, en obtenant des jurisprudences notamment sur l'accès aux informations fiscales ou en défiant une loi sur la surveillance.

"J'ai été écouté pendant six mois" à l'époque d'une enquête fondatrice sur la corruption du président Jacob Zuma et des sulfureux frères Gupta, raconte Sam Sole.

Sur cette dernière affaire, qui a provoqué un séisme dans le pays avec la démission de M. Zuma en 2018, amaBhungane a travaillé de concert avec le Daily Maverick, autre journal en ligne d'investigation, et le site d'infos News24. "Une collaboration entre compétiteurs qui s'est révélée incroyablement fructueuse", souligne Sam Sole.

Mais sur l'enquête actuelle sur le groupe Moti, qui est aussi visé dans un récent documentaire d'Al Jazeera, la réaction "en termes de campagne de communication comme sur le plan judiciaire est inédite", s'inquiète le rédacteur en chef.

Le Black Business Council, groupe de pression d'entrepreneurs noirs, a affirmé cette semaine que le groupe Moti (immobilier, minier, aviation et logistique) était "injustement traité par certains médias", et a dénoncé une "campagne médiatique" ciblant des intérêts noirs "à des fins de dénigrement et de diffamation".

A ce jour, le coût des procédures dans le seul dossier Moti a englouti "un vingtième de notre budget annuel en frais juridiques", note Sam Sole. "A partir de quel montant estime-t-on que ce sont des procédures pour nous faire taire? C'est notre plus grand défi en 13 ans d'existence".

En Afrique du Sud, les journalistes enquêteurs jouissent encore d'un prestige issu de la lutte contre l'apartheid, quand la presse devait contourner la censure.

"Nous héritons d'une culture de défiance" qui questionne le pouvoir, relève le journaliste respecté Mathatha Tsedu, 71 ans. "Nous sommes une bande d'obstinés incroyablement têtus", confirme Branko Brkic, rédacteur en chef du Daily Maverick.

Mais "le niveau de menace contre les journalistes n'a jamais été si élevé", s'inquiète Sam Sole. Or si pour les millionnaires, "ces procédures sont une blague", pour de petits médias, c'est une question de vie ou de mort, souligne M. Brkic.

Pour lui, amaBhuange est un rouage "absolument vital pour la survie de la démocratie" en Afrique du Sud, un pays où la presse reste pour l'heure un puissant contre-pouvoir.


Afghanistan: rare visite du chef suprême taliban à Kaboul

Le mystérieux chef suprême des autorités talibanes, Hibatullah Akhundzada, a effectué une visite rare dans la capitale afghane, a indiqué vendredi un site Internet du gouvernement, quittant son complexe isolé de Kandahar pour rencontrer les hauts responsables du pays. (AP)
Le mystérieux chef suprême des autorités talibanes, Hibatullah Akhundzada, a effectué une visite rare dans la capitale afghane, a indiqué vendredi un site Internet du gouvernement, quittant son complexe isolé de Kandahar pour rencontrer les hauts responsables du pays. (AP)
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  • Le pouvoir en Afghanistan s'exerce entre deux pôles: à Kandahar, le fief du mouvement d'où le chef suprême dirige le pays par décret, et à Kaboul, siège du gouvernement
  • Le site taliban Al Emarah a posté des extraits du discours prononcé jeudi par l'émir au ministère de l'Intérieur en présence de hauts responsables

KABOUL: Le chef suprême des talibans, l'émir Hibatullah Akhundzada, qui vit reclus dans son fief de Kandahar (sud), a fait une rare visite à Kaboul pour s'adresser à tous les gouverneurs des provinces afghanes, a-t-on appris vendredi de source talibane.

Le site taliban Al Emarah a posté des extraits du discours prononcé jeudi par l'émir au ministère de l'Intérieur en présence de hauts responsables, dont les gouverneurs des 34 provinces.

Cette visite entourée du plus grand secret de l'émir, dont une seule photo a jamais été rendue publique, lui a permis d'insister auprès des gouverneurs sur la priorité "à accorder à la religion sur les affaires du monde" et "à promouvoir la foi et la prière parmi la population".

L'émir a déclaré que l'obéissance était "une obligation divine", toujours selon Al Emarah, et appelé à "l'unité et à l'harmonie".

"Le rôle de l'émirat est d'unir le peuple", a insisté Hibatullah Akhundzada, et celui des gouverneurs "de servir le peuple".

Les gouverneurs ont été ainsi encouragés à "accorder la priorité à la loi islamique plutôt qu'à leurs intérêts personnels", et à lutter contre "le favoritisme" ou "le népotisme".

"La motivation de cette visite" de l'émir à Kaboul "semble être de rappeler la discipline, notamment la discipline financière", décrypte une source diplomatique occidentale. "Il est ici question de renforcer la discipline et l'unité".

Cette visite pourrait également être motivée par "une préoccupation au sujet des troubles du Badakhshan et de la manière dont ils sont gérés". Dans cette province du nord-est, plusieurs paysans cultivant du pavot malgré son interdiction ont été tués par des unités antinarcotiques talibanes au début du mois.

Les autorités afghanes ont par ailleurs réprimé des manifestations de nomades sédentarisés kouchis dans la province du Nangarhar (est) et sont confrontées à des attentats meurtriers réguliers du groupe jihadiste Etat islamique, particulièrement à Kaboul.

Le pouvoir en Afghanistan s'exerce entre deux pôles: à Kandahar, le fief du mouvement d'où le chef suprême dirige le pays par décret, et à Kaboul, siège du gouvernement. Si les décrets du leader suprême font autorité, les analystes font toutefois état de voix discordantes s'élevant du clan des responsables afghans plus "pragmatiques".

"A chaque fois qu'il y a des craquements ou des désaccords, Kandahar intervient et rappelle à chacun la nécessité de renforcer l'unité", conclut la source diplomatique.

L'émir n'était venu qu'une fois auparavant à Kaboul depuis le retour des talibans au pouvoir et ne s'exprime très rarement depuis son accession à la fonction suprême en 2016.

Le mystérieux mollah avait prononcé son dernier discours public le 10 avril dans une mosquée de Kandahar lors de la prière de l'Aïd el-Fitr marquant la fin du ramadan, mais aucune photo de lui n'avait circulé.

 

 


Sánchez annoncera mercredi la date de la reconnaissance par l'Espagne d'un Etat palestinien

Sanchez a déclaré en mars que l’Espagne et l’Irlande, ainsi que la Slovénie et Malte, avaient convenu de faire les premiers pas vers la reconnaissance d’un État palestinien aux côtés d’Israël, considérant qu’une solution à deux États est essentielle à une paix durable. (AFP)
Sanchez a déclaré en mars que l’Espagne et l’Irlande, ainsi que la Slovénie et Malte, avaient convenu de faire les premiers pas vers la reconnaissance d’un État palestinien aux côtés d’Israël, considérant qu’une solution à deux États est essentielle à une paix durable. (AFP)
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  • M. Borrell avait déclaré la semaine dernière avoir été informé par le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, que la date choisie était le 21 mai
  • Le schéma envisagé jusqu'à maintenant à Madrid était celui d'un décret adopté mardi en conseil des ministres par le gouvernement de gauche

MADRID: Le Premier ministre socialiste espagnol Pedro Sánchez a indiqué vendredi qu'il annoncerait mercredi prochain la date de la reconnaissance par l'Espagne d'un Etat palestinien, affirmant que celle-ci n'aurait donc pas lieu le 21 mai, mais "les jours suivants".

"Nous sommes en train de nous coordonner avec d'autres pays pour pouvoir faire une déclaration et une reconnaissance communes", a déclaré M. Sánchez, lors d'une interview à la chaîne de télévision La Sexta, pour expliquer pourquoi l'Espagne ne procèderait pas à cette reconnaissance dès mardi, date évoquée notamment par Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne.

M. Borrell avait déclaré la semaine dernière avoir été informé par le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, que la date choisie était le 21 mai.

M. Sánchez n'a pas précisé les pays avec lesquels son gouvernement était en discussions à ce sujet, mais il avait publié en mars à Bruxelles un communiqué commun avec ses homologues irlandais, slovène et maltais dans lequel ils faisaient part de la volonté de leur quatre pays de reconnaître un Etat palestinien.

Le chef de la diplomatie irlandaise, Micheal Martin, a confirmé mardi que Dublin "(reconnaîtrait) l'Etat de Palestine avant la fin du mois", sans toutefois indiquer de date ni dire si d'autres pays se joindraient à l'Irlande.

Le schéma envisagé jusqu'à maintenant à Madrid était celui d'un décret adopté mardi en conseil des ministres par le gouvernement de gauche.

M. Sánchez doit comparaître le lendemain devant le Congrès des députés pour faire le point sur divers sujets d'actualité, dont la politique de Madrid au Proche-Orient et la reconnaissance d'un Etat palestinien, sujet sur lequel l'Espagne est en pointe.

"Je pense que je serai en mesure le 22 (...) de clarifier devant le Parlement la date à laquelle l'Espagne reconnaîtra l'Etat palestinien", a-t-il dit.

"Sérieux doutes 

M. Sánchez est devenu au sein de l'UE la voix la plus critique vis-à-vis du gouvernement israélien et de son offensive militaire dans la bande de Gaza contre le mouvement palestinien Hamas.

Le conflit actuel a été déclenché le 7 octobre par une attaque surprise du Hamas dans le sud d'Israël qui a entraîné la mort de plus de 1.170 personnes du côté israélien, dans leur grande majorité des civils, selon un décompte de l’AFP réalisé à partir de chiffres officiels israéliens.

L'offensive militaire lancée en riposte par Israël a causé la mort d'au moins 35.303 Palestiniens, en majorité des civils, dans la bande de Gaza, selon le dernier bilan publié vendredi par le ministère de la Santé du Hamas.

Evoquant la situation à Gaza, M. Sánchez a de nouveau sévèrement critiqué vendredi le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

Interrogé sur le fait de savoir s'il considérait les évènements de Gaza comme un génocide, le chef du gouvernement espagnol a évité de répondre, mais a déclaré, à trois reprises, avoir de "sérieux doutes" sur le respect des droits humains par Israël.

Il a aussi établi un parallèle entre l'invasion de l'Ukraine par la Russie et l'offensive militaire israélienne dans la bande de Gaza.

"Nous défendons la légalité internationale", a-t-il dit. "En Ukraine, logiquement, on ne peut pas violer l'intégrité territoriale d'un pays, comme le fait la Russie (...). Et en Palestine, ce que l'on ne peut pas faire, c'est ne pas respecter le droit humanitaire international, comme le fait Israël".

La politique de Madrid, a-t-il conclu, "est appréciée par la communauté internationale, aussi bien du point de vue du gouvernement ukrainien que du point de vue de la communauté arabe".

 

 


Armes à Israël: les républicains tentent de forcer la main à Biden

Des Palestiniens déplacés marchent autour d'une flaque d'eau devant des bâtiments et des tentes détruits à Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 mai 2024, au milieu du conflit en cours entre Israël et le groupe militant Hamas. (Photo par AFP)
Des Palestiniens déplacés marchent autour d'une flaque d'eau devant des bâtiments et des tentes détruits à Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 mai 2024, au milieu du conflit en cours entre Israël et le groupe militant Hamas. (Photo par AFP)
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  • Pour les républicains, Joe Biden n'a pas le droit d'interférer dans la manière dont Israël mène sa campagne militaire, qui a provoqué un désastre humanitaire à Gaza
  • Mais 16 démocrates se sont joints aux républicains pour adopter la proposition de loi, défiant le chef de l'Etat

WASHINGTON: La Chambre américaine des représentants, dominée par les républicains, a voté jeudi une mesure largement symbolique visant à forcer le président démocrate Joe Biden à mettre fin à sa suspension d'une livraison de bombes à Israël.

Cette suspension de la livraison d'une cargaison d'armes, composée de bombes de 2 000 livres (907 kg) et de 500 livres (226 kg), a été décidée au moment où Washington, premier soutien militaire d'Israël, s'oppose à une offensive d'ampleur des troupes israéliennes à Rafah.

La mesure votée jeudi n'a aucune chance de devenir loi. En théorie, elle empêcherait M. Biden de geler toute aide militaire à Israël approuvée par le Congrès.

"Le président et son administration doivent immédiatement faire marche arrière et se tenir aux côtés d'Israël", a déclaré Mike Johnson, chef républicain de la Chambre des représentants, dans un communiqué.