BRUXELLES: La Commission européenne dévoile mardi sa stratégie pour répondre de façon plus musclée aux risques pesant sur sa sécurité économique, avec notamment la Chine en ligne de mire.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait évoqué en mars, lors d'un discours sur les relations UE-Chine, de potentielles restrictions sur certains investissements ou exportations sensibles.
De nombreuses mesures ont déjà été adoptées. L'Union européenne a approuvé début juin la création d'un instrument commun visant à punir tout pays utilisant des sanctions économiques pour faire pression sur un de ses membres, comme l'a fait la Chine contre la Lituanie.
D'autres dispositions sont proposées comme le renforcement du filtrage des investissements étrangers dans l'UE, le contrôle des exportations sensibles et le contrôle des investissements hors de l'UE qui risquent de provoquer des fuites de technologies, a-t-on indiqué de source diplomatique.
"Nous devons veiller à ce que le capital, l'expertise et le savoir-faire de nos entreprises ne soient pas utilisés pour renforcer les capacités militaires et de renseignement de ceux qui sont également nos rivaux systémiques", avait insisté Mme von der Leyen.
La stratégie présentée mardi, que la Commission n'a pas explicitement décrite comme une réponse à Pékin, identifiera les risques économiques pesant sur l'UE et les solutions possibles pour y faire face.
Ce plan, qui s'éloigne de l'approche libre-échangiste de l'Union européenne, traditionnellement très ouverte à la concurrence mondiale, a fait naître des inquiétudes chez certains Etats membres sur une poussée protectionniste. Les actions doivent être" proportionnées, précises et ciblées", a-t-on précisé de source européenne.
La pandémie de la Covid-19, qui a paralysé les chaînes d'approvisionnement en Asie au point de mettre en difficulté l'industrie automobile européenne, ainsi que les tensions géopolitiques autour de la Chine, ont suscité une prise de conscience dans l'UE.
Les Européens ont réalisé la nécessité de lutter contre leurs dépendances, en matière notamment de principes actifs de médicaments, de semi-conducteurs et de métaux nécessaires à la transition énergétique.
«Nous devons nous protéger
"Chine et États-Unis se ferment. Il ne faut plus être naïfs. Nous devons nous protéger", a déclaré un diplomate sous couvert de l'anonymat, soulignant le nombre croissant de voitures électriques chinoises vendues dans l'UE.
Bruxelles veut trouver son propre positionnement à l'égard de Pékin, malgré les pressions exercées par les États-Unis en faveur d'une ligne dure.
Certains États membres de l'UE redoutent de déclencher une guerre commerciale avec la Chine, tandis que d'autres estiment qu'il est temps d'agir pour protéger la sécurité économique de l'Union.
"Si nous n'évaluons pas les risques d'un point de vue européen, les lignes de démarcation seront tracées soit à Pékin, soit à Washington", avait déclaré la vice-présidente de la Commission, Margrethe Vestager, lors d'une conférence de presse en mai.
Pour la présidente de la Commission, les Européens doivent se "concentrer sur la réduction des risques, et non sur la distanciation". Partenaire commercial "essentiel", la Chine est aussi vue comme un acteur incontournable dans la coopération sur le changement climatique.
«Juste équilibre»
L'UE veut aussi tirer les leçons de l'invasion de l'Ukraine par Moscou, qui a montré sa trop grande dépendance au pétrole, au gaz et au charbon russes et l'a conduite à chercher de nouvelles ressources.
BusinessEurope, la voix du patronat européen, a toutefois appelé l'UE à prendre "soigneusement" en considération les intérêts et la compétitivité de l'Europe "avant d'introduire des restrictions supplémentaires sur les exportations de biens et de technologies et sur les flux d'investissement".
"L'UE doit trouver un juste équilibre entre la protection de ses intérêts en matière de sécurité et le maintien d'un environnement propice au commerce et à l'investissement", a exhorté l'organisation.
Les dirigeants européens discuteront de ces projets lors d'un sommet à Bruxelles la semaine prochaine.