PARIS: La France insoumise, qui réunit ses dirigeants et militants samedi à Paris, tente de faire monter toujours plus de nouvelles figures, une émulation qui maintient aussi sous pression les lieutenants historiques de Jean-Luc Mélenchon.
Sur la scène de l'"Assemblée représentative" qui aura lieu toute la journée à La Bellevilloise, plusieurs des nouveaux talents politiques du mouvement présenteront le bilan de leurs six premiers mois au sein de la "coordination" de La France insoumise (LFI).
Parmi eux, plusieurs députés sont issus du sérail de la gauche radicale, déjà membres du Parti de gauche fondé par Jean-Luc Mélenchon en 2009 après son départ du Parti socialiste. C'est le cas de celui de la Haute-Garonne Hadrien Clouet, sociologue du travail de 31 ans, en charge d'animer la "bataille des idées" aux côtés de Danièle Obono, élue à Paris.
Ou de la députée de Paris Sarah Legrain, enseignante de 37 ans, qui co-anime la "vie du mouvement" avec son collègue de l'Essonne Antoine Léaument, 33 ans, longtemps au cabinet de Jean-Luc Mélenchon.
D'autres sont des prises au sein du monde associatif, telles Aurélie Trouvé, Manon Aubry, Marina Mesure ou encore Louis Boyard.
Ce dernier, en charge des "interventions jeunesse", a vu sa notoriété exploser depuis son élection dans le Val-de-Marne, à seulement 21 ans. "Il énerve plein d'adversaires mais est un facteur de politisation de centaines de jeunes", se réjouit la présidente du groupe LFI Mathilde Panot.
"C'est comme le vélo, si vous arrêtez de pédaler, d'alimenter le mouvement avec de nouvelles têtes, vous arrêtez d'avancer", confie le coordinateur Manuel Bompard à l'AFP.
"C'est ce qui fait la richesse de notre mouvement, le fonctionnement c'est +Venez d'où vous voulez+", abonde Sarah Legrain. Une philosophie "attrape-tout" qu'a bien comprise la cheffe des écologistes Marine Tondelier, qui demande désormais à tout va, pour massifier le mouvement écolo: "Venez comme vous êtes".
Petite révolution
Nouveauté, LFI a lancé une école des cadres à travers l'Institut La Boétie, co-dirigé par Jean-Luc Mélenchon et Clémence Guetté - une autre jeune députée qui compte dans l'état-major insoumis. Va en sortir une promotion de 70 jeunes tous les six mois.
Et le mouvement, dépourvu d'ancrage local, tente d'y remédier en faisant émerger des personnalités via la mise en place de "boucles départementales". Cela ne paie pas de mine: les animateurs des "groupes d'action" locaux sont invités à se coordonner et se structurer.
Mais c'est une petite révolution pour LFI, qui jusque-là tentait de se prémunir des "baronnies" observées dans tous les partis. Le système va naturellement faire émerger de nouveaux cadres intermédiaires, issus du terrain. "On formalise le fait que des gens soient en responsabilité et rendent des comptes", relève Sarah Legrain.
Revers de la médaille: ce recrutement compulsif créé une concurrence plus ou moins saine. En décembre, la promotion de nouvelles têtes à la coordination du mouvement a créé l'une des plus grosses crises de l'histoire de LFI: des anciens expérimentés, parfois critiques avec Jean-Luc Mélenchon, se sont sentis sanctionnés.
Et quand le triple candidat à la présidentielle est interrogé sur l'identité de son - éventuel - successeur pour 2027, il cite, à l'exception notable de François Ruffin, ses jeunes lieutenants les plus fidèles: Mathilde Panot, Clémence Guetté, le coordinateur Manuel Bompard ou encore Adrien Quatennens.
"Les cadres sont les éléments d'un rapport de force interne" que joue Jean-Luc Mélenchon contre les "frondeurs", analyse Rémi Lefèbvre, politologue spécialiste du militantisme à LFI. "Jean-Luc Mélenchon aime authentiquement former les jeunes, mais qui lui doivent tout et restent sous son contrôle".
"Le gros avantage des jeunes en politique, c'est qu'ils n'ont pas (souvent) d'enfants, ils ont du temps, on l'entend beaucoup à LFI", ajoute le professeur à l'université de Lille. "C'est la vieille méthode léniniste: on pressure les cadres et quand ils sont usés, on en met d'autres".
Des critiques que Manuel Bompard balaie d'un revers de main: "Ce n'est pas forcément que les gens sont redevables, ils sont peut-être tout simplement d'accord" avec la ligne.