PARIS: Au milieu de dizaines de tentes alignées dans une école désaffectée de l'ouest parisien, quelque 500 jeunes migrants, principalement originaires d'Afrique de l'Ouest, attendent que la justice décide de l'épilogue de cette situation humanitaire et psychologique jugée désastreuse par les associations.
Rue Erlanger, Paris XVIème arrondissement. A moins d'une dizaine de minutes à pied de Roland-Garros où les internationaux de France de tennis prendront fin dimanche, Aboubacar se réveille comme tous les matins depuis deux mois, en ayant "mal partout".
"On n’a pas de matelas, seulement une couverture pour dormir”, raconte le jeune homme venu de Guinée qui dit avoir 16 ans et vit dans la cour de cette école désaffectée depuis le début de son occupation par quelques centaines de migrants, il y a maintenant deux mois.
Non loin de lui, un adolescent tente de se laver en utilisant le mince filet d'eau d'une bouteille. Ici les migrants tentent de maintenir un semblant de normalité sans eau courante ni électricité. Dans cette cour, l'odeur d'urine est partout.
"Il y a urgence humanitaire", déclare Paul Alauzy, coordinateur de veille sanitaire au sein de l’ONG Médecins sans frontières. "On a 500 jeunes qui sont dans un lieu" dépourvu des "standards humanitaires".
Il se rend à l’école une à deux fois par semaine. Mercredi, "on a eu une suspicion de tuberculose, une maladie à potentiel épidémique, et un cas avéré de drépanocytose, une maladie génétique héréditaire touchant les globules rouges".
Mais "le besoin le plus prégnant est celui de la santé mentale”, souligne l'employé de MSF.
Devenir coiffeur
Ousmane Diallo, 16 ans et qui vient lui aussi de Guinée, évoque sa traversée: "Beaucoup de choses se sont passées. C’est impossible d’expliquer. Tant qu’on ne l'a pas vécu, on ne peut pas comprendre. J’ai l’habitude de la tristesse, mais depuis que je suis ici, elle est devenue mon amie".
Ces situations de "détresse psychique", Paul Alauzy en voit tous les jours. "Mercredi, un des jeunes a fondu en larmes en racontant sa traversée en bateau, pendant laquelle il a vu une mère et son enfant tomber à l’eau. On ne pouvait plus l’arrêter".
Les associations sur place attendent avec impatience une audience lundi devant le tribunal judiciaire à la suite d'une demande d'expulsion de la Ville de Paris. A l'issue des débats, la décision sera mise en délibéré.
"La procédure d'expulsion, on est pour car on nous a toujours dit que la mise à l’abri de ces jeunes serait conditionnée à l’expulsion", indique Nicolai Posner d’Utopia 56, une structure d’aide aux personnes exilées.
Mais celui-ci s'inquiète aussi de l'après. "Les bus vont sûrement aller à Marseille, à Toulouse, à Angers... Or tous ces jeunes ont démarré une procédure de recours devant le juge des enfants. A partir du moment où on les éloigne du territoire de l’Ile-de-France, ça va être extrêmement difficile de poursuivre ce recours".
Albeny, lui, attend de pouvoir partir. "Je veux devenir coiffeur et continuer le dessin", dit-il en montrant des portraits de bénévoles qu’il a dessinés. Cet adolescent guinéen souhaite aussi poursuivre l’apprentissage du français. Pour l’instant, il en est à la page 21 d'un ouvrage consacré à la vie de Claudette Colvin, une figure de la lutte des droits civiques aux Etats-Unis.