BRUXELLES: Les discussions entre Britanniques et Européens sur la relation commerciale post-Brexit ont atteint un moment critique, à moins d'un mois de la fin de la période de transition.
Retour sur les trois derniers points de friction, qui bloquent la conclusion d'un accord, faisant craindre un « no deal » en fin d'année.
Pêche
Les Européens avaient promis un accord rapide sur la pêche, afin d'apaiser leurs pêcheurs, qui craignent de ne plus avoir le même accès aux eaux britanniques, très poissonneuses.
Mais l'inflexibilité des deux côtés de la Manche n'a pas permis de concilier des positions de départ aux antipodes : le statu quo dans l'accès à ces eaux côté européen, un contrôle total pour Londres avec des quotas négociés chaque année.
L'activité ne représente qu'une part négligeable de l'économie des 27 et du Royaume-Uni puisque les Européens pêchent chaque année pour 635 millions d'euros dans les eaux britanniques et les Britanniques pour 110 millions d'euros dans celles de l'UE.
Le sujet n'en reste pas moins explosif et très politique pour une poignée d'Etats membres (France, Espagne, Belgique, Pays-Bas, Danemark, Irlande). Et hautement symbolique pour Londres.
Les 27 conviennent qu'ils vont devoir restituer au Royaume-Uni une partie de ce qu'ils capturent chaque année dans ses eaux, aussi bien sur les côtes qu'au large. Mais ils sont loin de s'entendre avec Londres sur la taille de cette restitution.
Les deux parties sont également en désaccord sur la durée de la période de transition garantissant un statu quo de quelques années dans l'accès des bateaux européens aux eaux britanniques.
Enfin, les Européens entendent lier tout accord sur la pêche à l'accord économique dans son ensemble, ce que le Royaume-Uni refuse.
Concurrence
L'UE est prête à offrir à Londres un accord commercial inédit sans droits de douanes ni quotas... mais pas à laisser se développer à sa porte une économie dérégulée, qui la concurrencerait de manière déloyale.
Pas question, par exemple, de voir le Royaume-Uni s'autoriser à polluer un peu plus, quand les producteurs du continent devraient respecter des normes environnementales strictes.
Sur l'environnement, comme sur le droit du travail ou la transparence fiscale, Bruxelles a donc une demande : que les Britanniques s'engagent à ne pas les réduire.
Mais elle réclame aussi une « clause d'évolution » pour s'assurer d'une certaine convergence dans le temps. Parmi les éventualités, chaque partie pourrait suggérer des mises à niveau, qui pourraient ensuite être avalisées d'un commun accord.
L'UE va plus loin sur un sujet qui l'inquiète particulièrement : les aides d'Etat. Elle craint que le Royaume-Uni ne subventionne ses entreprises et son économie à tour de bras, alors que les règles européennes sont très rigoureuses. Sur ce point, les demandes de l'UE sont encore plus restrictives.
En cas de divergence, l'UE souhaite pouvoir recourir à des contre-mesures unilatérales et immédiates comme des droits de douane, avant même que le différend ait été tranché par une procédure d'arbitrage classique, ce que Londres rejette.
Gouvernance
Londres et Bruxelles ne sont pas encore parvenus à s'entendre sur la « gouvernance » du futur accord, en particulier les mécanismes à mettre en place en cas de différend.
Le verrouillage juridique du futur texte est primordial pour les Européens depuis le projet de loi britannique remettant en cause certaines parties du précédent traité conclu entre les deux parties: l'Accord de retrait, qui encadre le départ du Royaume-Uni le 31 janvier dernier. Ce revirement a sérieusement entamé la confiance de Bruxelles.
Les deux parties négocient un mécanisme de règlement des différends : un tribunal d'arbitrage en cas de violation de l'accord, à l'image de ce qui existe dans d'autres traités commerciaux à travers le monde.
Principal point de rupture : l'idée d'une clause, réclamée par Bruxelles, qui permettrait, en cas de violation d'une partie de l'accord, de prendre des sanctions sur un domaine différent.
Par exemple, si le Royaume-Uni ne respectait plus l'accord sur la pêche, l'UE pourrait appliquer des droits de douane sur les automobiles.
Bruxelles pourrait en revanche devoir lâcher du lest dans sa volonté de voir la Cour de justice (CJUE), qui siège au Luxembourg, jouer un rôle dans ce processus pour toute question liée au droit européen.
Face aux réticences de Londres, la Commission étudie désormais la possibilité de ne pas mentionner la CJUE dans le futur texte et d'éviter toute référence au « droit communautaire », selon plusieurs sources européennes.